ONU. L’Assemblée générale, devant débattre d’une multitude de questions vitales, s’est trouvée sous les feux des discours occidentaux contre le nucléaire iranien. Le Proche-Orient et les problèmes du Sud ont été relégués au second plan.
Une assemblée générale placée sous le signe de l’attente ? C’est ce qu’ont affirmé de nombreux analystes. Mais quelles expectatives exactement et pourquoi accorde-t-on plus d’intérêt à cette manifestation annuelle en 2009 en particulier ? Certes, il y a les dossiers chauds mais ils ont toujours existé, qu’il s’agisse du nucléaire, du climat ou de la question proche-orientale. Somme toute, c’est le fait que ce soit la première réunion avec la participation du président américain Barack Obama que l’on a tenté d’y voir de nouveau un changement. Le nouveau locataire de la Maison Blanche est crédité depuis son élection d’une volonté de changement après les années Bush, où cette superpuissance mondiale a accumulé toutes sortes d’erreurs rendant plus compliqués l’ensemble de la donne politique internationale et de nombreux conflits régionaux. A ceci s’ajoutent la crise économique mondiale et la détérioration de l’environnement.
Mais Obama tient-il une baguette magique ? Quoi qu’il en soit, les regards ont été portés sur lui et l’on constate de prime abord un nouvel ordre de priorité qui place le nucléaire en tête des préoccupations mondiales, un nucléaire où sur le banc des accusés se trouvent deux Etats : l’Iran et la Corée du Nord, mais avec une diabolisation accrue du rôle de Téhéran et de son président, lui aussi présent à New York suscitant des réactions souvent proches d’un public du théâtre de boulevard. Si une ligne rouge est franchie, on quittera l’hémicycle, ont crié les pays occidentaux. La ligne rouge c’est évidemment tout ce qui concerne Israël.
Cette affaire du nucléaire iranien a éclipsé tous les dossiers d’autant plus que le ton occidental, y compris celui de l’Amérique d’Obama, a dépassé alors la vraie ligne rouge avec une probabilité d’usage de la force. On a vu ainsi la vision, voire le souhait suprême d’Israël, prendre forme pour la première fois.
Obama devant plus de 120 chefs d’Etat et de gouvernement a dit : « Nos actions ne sont pas au niveau de l’ampleur des défis auxquels nous sommes affrontés » et « il est désormais temps pour chacun d’entre nous de prendre sa part de responsabilité dans la réponse globale aux défis mondiaux », et de mettre en garde l’Iran et la Corée du Nord. « Dans leurs actions jusqu’à présent, les gouvernements de Corée du Nord et d’Iran menacent de nous entraîner sur une pente dangereuse ». Et plus précis encore comme menace : « Si les gouvernements d’Iran et de la Corée du Nord choisissent d’ignorer les règles internationales, si ces pays placent la recherche d’armes nucléaires avant la stabilité régionale et la sécurité, s’ils ignorent les dangers d’une course aux armements nucléaires en Asie de l’Est et au Moyen-Orient, alors ils devront rendre des comptes ».
Dans ce même contexte, on a vu aussi le président français, Nicolas Sarkozy, adopter la même attitude, voire utiliser les mêmes expressions à peu près. « Je veux dire aux dirigeants iraniens qu’en misant sur la passivité de la communauté internationale pour poursuivre leur programme nucléaire militaire, ils commettraient une tragique erreur ».
Or, le plus grave c’est que responsables et experts ont commencé à débattre les profits qui pourraient résulter d’une éventuelle offensive militaire contre l’Iran. Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a jugé vendredi qu’une éventuelle offensive militaire contre l’Iran ne ferait que faire « gagner du temps » aux Etats-Unis et à leurs alliés et retarderait le programme nucléaire de Téhéran « d’un à trois ans ». Une opération peu rentable donc ? L’administration Obama, a poursuivi M. Gates, n’exclut certes pas le recours aux armes pour forcer la République islamique à suspendre l’enrichissement d’uranium. Certes il a dit que « le temps est toujours à la diplomatie », mais il est évident que c’est l’une des fois où la tribune de l’Onu censée rapprocher entre les peuples et les Etats soit placée de manière quasi intense sous le signe de la guerre et des menaces.
D’autant plus que le ton du président américain monte depuis le sommet du G20 de Pittsburgh (Pennsylvanie, est), M. Obama a refusé d’écarter l’option militaire, tout en continuant à privilégier la diplomatie face à l’Iran, alors que dans la matinée, lui et ses partenaires britannique et français, en affirmant même que l’Iran développait un site secret, le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, leur a rétorqué que ce site était « parfaitement légal » et qu’il avait informé l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) de son existence à l’avance.
Somme toute, on joue dangereusement avec le feu et vu d’Egypte et du monde arabe, on déplore que finalement le dossier palestinien a été relégué quasiment au deuxième rang. Voire on soupçonne Israël d’être à l’origine de cette montée des menaces guerrières. D’une part, l’Etat hébreu reste sur ses positions et refuse un gel des colonies, alors que le président Obama avait bien relevé dans son discours qu’elles étaient illégales. L’affaire iranienne, une bonne couverture donc d’autant plus qu’Israël garde un secret de polichinelle sur son arsenal nucléaire, le seul réel dans cette région du Moyen-Orient.
D’ailleurs, le Conseil de sécurité a adopté parallèlement, sous la présidence de l’Américain Barack Obama, une résolution appelant à l’instauration d’un monde dénucléarisé.
La résolution 1887, rédigée par les Etats-Unis, appelle les Etats signataires du Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) à respecter leurs obligations et les autres à le rejoindre au plus tôt en tant qu’Etats non-dotés (de l’arme atomique), afin de le rendre universel. Or, de source diplomatique égyptienne, tout en rappelant que l’Egypte a toujours plaidé pour un Moyen-Orient dénucléarisé, on regrette que cette résolution n’ait pas mentionné Israël comme puissance nucléaire.
Une ouverture possible sur le PO ?
Faut-il cependant croire en une marginalisation du dossier proche-oriental ? Obama est resté ferme sur son attitude qui est tout à fait à l’opposé de la vision israélienne des choses. « L’objectif est clair : deux Etats vivant côte-à-côte en paix et en sécurité. Un Etat d’Israël juif offrant une réelle sécurité à tous les Israéliens et un Etat palestinien viable, (Lire page 5) indépendant et disposant d’un territoire contigu mettant fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967 », a encore dit M. Obama.
L’Autorité palestinienne s’est aussitôt félicitée de ces propos.« Nous apprécions énormément et sommes encouragés par les déclarations du président Obama sur l’illégitimité des colonies et l’appel à la fin de l’occupation qui a commencé en 1967 », a déclaré le négociateur palestinien en chef, Saëb Erakat, présent à New York.
Netanyahu a lui aussi salué le discours du président américain, omettant toutefois de réagir spécifiquement sur ses propos concernant la colonisation.
Les questions restées en suspens, ou du moins qui ont paru au-delà d’un règlement simple fait de négociations, d’accord et de résolutions, sont multiples. Et Obama, qui reste un peu le principal orateur du cénacle, a voulu relever que l’Amérique ne pourrait assumer à elle seule la responsabilité de ce monde. Un aveu important qui répond un peu aux attentes ? Mais pour des analystes, il s’agit d’une répartition des rôles. L’Amérique distribue à chacun sa partition. C’est ce que le président américain appelle « agir dans un cadre multilatéral face aux défis du monde ».
Obama a offert d’ouvrir une nouvelle ère de coopération, après les années de Bush faites d’une volonté d’hégémonie, et a posé l’un des grands principes de sa diplomatie : les Etats-Unis font leur part du travail, à vous de faire la vôtre. L’administration américaine comptait ainsi sur la semaine onusienne pour fortifier le front international qui pourrait les soutenir. Le discours d’Obama a été ponctué des phrases les plus persuasives. « Nos actions ne sont pas au niveau de l’ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés » et « il est désormais temps pour chacun d’entre nous de prendre sa part de responsabilité dans la réponse globale aux défis mondiaux ».
De belles paroles, mais comme on a vu, la réalité est venue réduire l’euphorie de certains. Et tous les problèmes des pays du sud se sont trouvés remis aux calendes grecques.
A l’exemple du Proche-Orient, la question du réchauffement climatique a paru faire barrière aux espoirs. Obama n’attendait pas de miracle. Il a dû reconnaître que le plus difficile restait à faire pour parvenir à un accord avant la conférence de Copenhague en décembre prochain. Pas plus que lui, le président chinois, Hu Jintao, — les deux représentent les deux plus gros pollueurs de la planète — n’a pas offert de moyens concrets pour débloquer le débat.
Les scientifiques rappellent inlassablement les données de l’équation : pour tenter de limiter le réchauffement de la planète à +2 degrés, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent cesser d’augmenter en 2015.
Si l’enjeu est clair, les échéances donnent le tournis : à 70 jours du début du « rendez-vous de la planète » dans la capitale danoise (7 au 18 décembre), il reste seulement trois semaines de négociations formelles (deux à Bangkok et une à Barcelone) et un texte de quelque 200 pages, plus proche d’un catalogue de revendications que d’une déclaration consensuelle.« Ce texte est un bazar intégral. Les traducteurs ont renoncé à le traduire en faisant valoir qu’il n’a aucun sens », confie, amer, Yvo de Boer, le plus haut responsable du climat aux Nations-Unies.
« Il y a toujours un petit jeu tactique, comme dans les courses-poursuite à bicyclette, où on fait du surplace pendant un certain temps pour que l’autre avance et se découvre le premier », résume Brice Lalonde, ambassadeur français pour les négociations sur le climat. Mais on pourrait élargir son point de vue à toutes les questions débattues à l’Onu.
Ahmed Loutfi