Palestine. La situation reste extrêmement tendue suite aux heurts israélo-palestiniens de dimanche dernier à Jérusalem et au blocage politique.
Un calme précaire est revenu à Jérusalem-Est après les heurts qui ont opposé dimanche dans la Vieille ville des Palestiniens et des policiers israéliens et qui ont fait plusieurs blessés de part et d’autre. Lundi matin, les magasins ont été rouverts après une grève partielle du commerce de la veille en protestation contre l’intervention de la police israélienne sur l’Esplanade des mosquées. Les premiers heurts avaient éclaté dans la matinée de dimanche sur l’Esplanade, lorsque environ 150 musulmans avaient attaqué à coups de pierres un groupe constitué de fidèles juifs venus y prier par provocation. Une version israélienne qui reste à prouver. La police israélienne a assuré pour sa part qu’il s’agissait de touristes, mais depuis plusieurs jours, le Waqf (l’office des biens musulmans) se plaignait de visites d’ultranationalistes israéliens sur le site. Dans la partie orientale de la ville, de jeunes Palestiniens ont ensuite affronté les forces de l’ordre déployées en nombre dans les rues étroites de la Vieille ville en leur jetant des pierres, les policiers répliquant avec des grenades assourdissantes. Les affrontements ont fait une dizaine de blessés parmi les manifestants et la police israélienne a procédé à 11 arrestations.
Suite à ces incidents, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbass a accusé les autorités israéliennes de « crime nécessitant l’intervention immédiate de la communauté internationale » et averti que de telles actions « détruisaient tous les efforts pour ramener la paix et établir un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale ». « Nous réagissons (à ces événements) avec beaucoup de colère parce qu’ils constituent un nouvel épisode d’une série de crimes et d’abus commis par les Israéliens contre le peuple palestinien », a fustigé le ministre palestinien des Affaires religieuses, Mahmoud Habbache.
De son côté, le mouvement islamiste Hamas, qui a dénoncé un « crime sioniste », a organisé des manifestations de protestation dans la bande de Gaza qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes. D’autres islamistes à Gaza ont appelé à un soulèvement en guise de représailles.
Malgré le retour au calme, la situation reste explosive. Les incidents de dimanche dernier rappellent en effet ceux de septembre 2000, lorsque la visite à Al-Aqsa d’Ariel Sharon, alors premier ministre israélien, avait provoqué de graves violences à l’origine de la seconde Intifada (soulèvement) palestinienne. Or, aujourd’hui, la situation n’est guère meilleure. Les Palestiniens sont de plus en plus frustrés et désespérés par le blocage dans le processus de paix, et l’Autorité palestinienne, impuissante, perd de sa crédibilité auprès de son peuple. Seul le Hamas continue à avoir la cote.
Recul américain
Face à l’intransigeance israélienne et l’incompétence américaine dans le dossier proche-oriental, le président Mahmoud Abbass se trouve dans une situation bien délicate. D’autant plus que l’enthousiasme généré par l’arrivée au pouvoir au début de l’année de Barack Obama s’est dissipé. Et l’espoir d’une reprise des négociations de paix s’amoindrit comme une peau de chagrin.
Les affrontements de cette semaine sont en effet intervenus quelques jours après le sommet tripartite du 22 septembre, tenu à New York entre Mahmoud Abbass, Benyamin Netanyahu et Barack Obama. Un sommet qui ne s’est soldé sur rien de concret. Et l’expression « gel de la colonisation » aura été absente au cours de cette rencontre. Elle n’a été prononcée ni par Barack Obama, qui a fait une courte allocution devant les deux hommes, ni par George Mitchell, le négociateur américain, qui s’efforce depuis janvier de créer les conditions favorables à la reprise du processus de paix. Depuis des mois pourtant, l’administration américaine essayait d’obtenir l’arrêt, au moins temporaire, des constructions en Cisjordanie, dont la partie palestinienne avait fait un préalable. En recevant le premier ministre israélien, au mois de mai, M. Obama l’avait réclamé. La secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, l’avait répété. En vain.
Quant à M. Abbass, il continue de plaider pour un gel de la colonisation dans les territoires occupés, avertissant que sa poursuite anéantirait toute chance de paix avec Israël. Et il continue à faire preuve de bonne volonté. « Je redis l’attachement de l’OLP, seul représentant légitime du peuple palestinien, de parvenir à une paix juste et durable basée sur les résolutions internationales », a-t-il dit face à l’Assemblée générale des Nations-Unies.
S’agit-il là d’un échec de la diplomatie américaine ? Tout porte à le croire puisque les efforts de la Maison Blanche pour tenter de convaincre le gouvernement de Benyamin Netanyahu de stopper la colonisation n’ont abouti à aucun résultat. Pire encore, au grand dam des Palestiniens, Washington semble désormais mettre de l’eau dans son vin. Plutôt que de faire pression sur les Israéliens, ce sont les Américains qui ont, semble-t-il, fléchi devant les pressions du gouvernement israélien. A l’Assemblée générale de l’Onu, M. Obama a appelé à la reprise des négociations sans conditions préalables entre Israéliens et Palestiniens. Un pas en arrière puisque c’est une manière d’esquiver la question de la colonisation. L’administration américaine semble vouloir maintenant inclure ce sujet parmi les questions à aborder lors des négociations, alors qu’elle réclamait tout simplement, il y a quelques mois, le gel des activités de colonisation.
Mais Washington tente tant bien que mal de poursuivre ses efforts. La diplomatie américaine veut que les alliés arabes des Etats-Unis s’impliquent pour aider à la reprise des négociations au Proche-Orient, a indiqué samedi le département d’Etat. La secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a défendu ce point de vue lors d’une rencontre en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, avec ses homologues des six monarchies pétrolières du Golfe (Conseil de Coopération du Golfe, CCG), auxquels se sont ensuite joints les ministres iraqien, jordanien et égyptien. « Nous voudrions voir des signes tangibles montrant le sérieux avec lequel les Arabes voient le processus (de paix), afin d’aider à établir en Israël le climat politique adéquat pour les négociations », a déclaré à New York Jeffrey Feltman, secrétaire d’Etat adjoint chargé du Proche-Orient. Selon M. Feltman, les Etats-Unis espèrent que ces pays, tous proches alliés de Washington, trouveront aussi « un moyen de soutenir le président (palestinien) Abbass et son équipe quand ils iront négocier ».
L’on se demande cependant comment il est possible de relancer le processus de paix dans de telles conditions. Les deux parties ne discutent plus aujourd’hui que de la reprise ou non des discussions. Celle-ci se heurte au refus israélien d’arrêter complètement la colonisation en Cisjordanie, et à celui du président palestinien Mahmoud Abbass de discuter dans de telles conditions. Une impasse qui risque de durer encore longtemps.
Abir Taleb