Le Hezbollah libanais a voulu montrer, en attaquant mardi une patrouille israélienne, qu'il était capable de lutter tant sur les fronts syrien qu'israélien, même si les experts pensent qu'il s'agit d'un incident limité.
"Le Hezbollah tient à montrer à sa base qu'il peut toujours tenir la dragée haute à Israël et à dire haut et fort qu'il est capable d'agir sur plusieurs fronts", affirme Waddah Charara, professeur à l'université libanaise à Beyrouth.
Pour l'auteur de "L'Etat Hezbollah", "la simultanéité entre l'enterrement de ses partisans sur le front syrien et l'attaque menée mardi (sur le front israélien) conduisent à le penser".
Huit combattants du Hezbollah ont péri dimanche dans des combats contre des jihadistes dans l'est du Liban. Le mouvement chiite est la bête noire des rebelles et des jihadistes qui combattent le régime en Syrie, le parti libanais étant engagé militairement aux côtés des troupes de Bachar al-Assad.
Mardi, le Hezbollah a blessé deux soldats israéliens lors d'une attaque dans les Fermes de Chebaa, un territoire occupé par l'État hébreu aux confins de sa frontière, de la Syrie et du Liban. L'artillerie israélienne a riposté en bombardant deux positions du Hezbollah.
"Je pense qu'il s'agit d'une escarmouche totalement contrôlée et rien n'indique une intention d'escalade de part et d'autre. Le Hezbollah craint de déclencher un processus incontrôlé et incontrôlable. Chacun sait jusqu'où il peut aller", assure M. Charara.
Mais, pour une source du Hezbollah, il s'agit d'une mise en garde à Israël, son ennemi juré, qu'il accuse d'aider les jihadistes d'al-Nosra et les rebelles à élargir le front vers le Liban à partir du plateau du Golan syrien où ils ont réussi à s'implanter.
"L'opération comporte un message bien précis aux Israéliens et à leurs alliés anciens et nouveaux. Ils sont en train de faciliter d'une façon extraordinaire le transport d'armes et de combattants" des collines du Golan vers les Fermes de Chebaa, explique cette source.
- Riposte limitée d'Israël -
Le commentateur militaire israélien Yossi Melman estime aussi, dans le Jerusalem Post, que le Hezbollah a voulu envoyer un "message à l'armée israélienne pour lui faire comprendre qu'elle n'a plus carte blanche au Liban".
"Le Hezbollah veut créer un équilibre de la terreur avec Israël pour lui permettre d'avoir les mains libres le long des frontières avec Israël et la Syrie", renchérissent de hauts responsables de l'armée israéliennes cités par la "10" une chaîne de télévision privée.
Des incidents ont régulièrement lieu le long de la Ligne bleue, qui fixe la frontière libano-israélienne selon un tracé établi par l'ONU après le retrait israélien ayant mis fin en 2000 à 22 ans d'occupation du sud du Liban.
Une guerre destructrice avait opposé le Hezbollah et Israël à l'été 2006 après l'enlèvement de deux soldats israéliens à la frontière par le parti chiite.
Hilal Khachan, professeur de Sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth, estime aussi que "Israël essaie de changer les règles du jeu au Liban-sud" en "se disant que le Hezbollah est pris en Syrie".
En conséquence, "le Hezbollah a voulu lui dire: +C'est vrai que nous sommes engagés en Syrie mais nous sommes prêts à la confrontation+. La riposte israélienne a d'ailleurs été plutôt limitée", fait-il remarquer.
Toutefois, "il n'y pas, selon ce professeur, de danger imminent d'une explosion généralisée au Liban".
Comparant le face à face à un match de football, il estime que le Hezbollah "a juste marqué un but" alors qu'Israël en "avait marqué deux lorsqu'il avait visé une position du parti à la frontière avec la Syrie et lorsqu'il avait tué l'expert en explosifs du Hezbollah".
Le 5 septembre, Hassan Ali Haïdar, membre du Hezbollah, avait été tué alors qu'il démantelait un engin d'espionnage israélien dans le sud du Liban.
Quelques mois plus tôt, deux raids israéliens avaient frappé le 25 février une cible du Hezbollah à la frontière libano-syrienne, selon une source au sein des services de sécurité libanais.