mardi 24 août 2010

Négociations, vraiment ?

Par Christian Merville | 24/08/2010
Le point Ces pourparlers directs entre Palestiniens et Israéliens appelés à s'ouvrir le 2 septembre sous l'égide des États-Unis, quelqu'un - à commencer par les protagonistes eux-mêmes et leur suzerain - croit-il en leur succès ? La dernière fois que les représentants des deux parties avaient accepté à contrecœur de jouer le jeu et de reprendre langue, c'était il y a moins de deux ans. L'entreprise ayant bien vite tourné court en décembre 2008, on s'était rabattu sur des négociations « de proximité », sous l'égide de l'émissaire américain. Depuis, George Mitchell revient dans la région à intervalles réguliers, histoire de créer l'illusion du mouvement et dans le vain espoir que, de sa navette, naîtrait un semblant d'accord. Son obstination, veut-on croire, a été récompensée, et vendredi dernier, une Hillary rayonnante annonçait le retour à la table des négociations.
Il serait pour le moins prématuré de crier victoire, ainsi que l'a reconnu la secrétaire d'État elle-même. Bref extrait de son laïus de circonstance : « Il y a eu des difficultés par le passé ; il y en aura d'autres et sans doute sommes-nous appelés à nous heurter encore à des obstacles. Mais je demande aux uns et aux autres d'aller de l'avant et d'œuvrer à l'instauration d'une paix juste et durable. » « Wishfull thinking », comme l'on dit sur les bords du Potomac. Parce que - encore un américanisme : « It takes two to tango » -, pour atteindre un tel objectif, il importerait de faire preuve de bonne volonté, pour l'un, d'être capable, pour l'autre, de faire avaler la pilule aux siens, ce qui est loin d'être le cas.
Mahmoud Abbas sait bien qu'il n'obtiendra rien et que l'adversaire ne fait que gagner du temps dans l'espoir de grignoter encore plus d'espace et multiplier le nombre de colons. Pour Benjamin Nentanyahu, le sort de Jérusalem est scellé, celui des réfugiés aussi. À l'autre bout du tableau, Abou Mazen ne peut plus céder pour la simple raison qu'il n'a plus rien à donner. Pourquoi dès lors voudrait-on qu'un gouvernement fort de son intransigeance accepte de renoncer à ses acquis au profit d'une Autorité palestinienne décriée, lâchée par les maîtres de Gaza, ne jouissant d'aucun droit hors des murs de sa Mouqataa ? Certains vont même jusqu'à estimer qu'il existe désormais trop de colons en Cisjordanie pour que l'on puisse envisager encore la création d'un État abritant des ressortissants non juifs. D'autant plus que le gel des implantations exigé par Barack Obama n'a jamais été respecté et que les constructions sauvages ont continué de champignonner sans qu'à Washington quelqu'un fasse semblant de s'en offusquer.
Dans neuf jours, quand Netanyahu et Abbas se retrouveront dans la capitale fédérale, ils seront confrontés aux mêmes réalités : les territoires conquis (et exploités) lors de la guerre de juin 1967, le statut de Jérusalem, le sort des réfugiés palestiniens, la délimitation des frontières (en supposant acquis le devenir de la nation à naître).
Il est révolu, le temps où un certain Arthur James Balfour,secrétaire d'État britannique aux Affaires étrangères, promettait, le 2 novembre 1917 dans une lettre à Lord Rothschild, que le gouvernement de Sa Majesté « ferait tout son possible pour faciliter l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif ». Contrairement aux idées reçues, la missive ne représentait pas une promesse ferme puisque, peu après, les maîtres de l'Empire ottoman se voyaient offrir la possibilité de garder la haute main sur le pays, ainsi que le révèle l'historien Jonathan Schneer, professeur à l'Université Georgia Tech, dans un livre* appelé à devenir référence en la matière. C'est que, nous apprend l'auteur, un an auparavant, Londres caressait un double espoir : voir la communauté juive participer au financement de la guerre et obtenir qu'elle fasse pression sur l'Amérique pour la porter à se joindre à l'entreprise contre les puissances centrales (coalition regroupant l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, l'Empire ottoman, que l'on travaillait dans le même temps à détacher de cette alliance, et le royaume de Bulgarie).
Près de cent ans plus tard, c'est au tour de Tel-Aviv d'échafauder des constructions tout aussi bizarres. Telle celle-ci : après le retrait total d'Irak, Washington voudrait créer un front commun Israël-Égypte-Palestiniens-Jordanie destiné à stabiliser l'ensemble de la région et à contrer l'influence de la République islamique.
On voit d'ici quels desseins, et surtout à quel pays, servirait cet étrange amalgame.
* « The Balfour Declaration - The Origins of the Arab-Israeli Conflict », par Jonathan Schneer, Random House, 432 pages.
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