Claude Angeli
l est fort loin, le temps où Obama, à peine élu, espérait lancer une « négociation globale », en échange d’un « gel complet » de la colonisation israélienne dans les territoires occupés
Depuis plusieurs semaines, Obama croyait avoir obtenu qu’Israéliens et Palestiniens entament des négociations indirectes, sous l’égide américaine. George Mitchell, l’émissaire de la Maison-Blanche au Proche-Orient, devait bientôt accomplir les allers et retours nécessaires entre les deux camps. Une mission aux objectifs limités, car il est fort loin, le temps où Obama, à peine élu, espérait lancer une « négociation globale », en échange d’un « gel complet » de la colonisation israélienne dans les territoires occupés. Une demande que Netanyahou avait refusée tout net, et, déjà, sans y mettre les formes.
Le 9 mars, la visite à Jérusalem de Joe Biden, vice-président des Etats-Unis, s’est déroulée dans des conditions invraisemblables. Dans la soirée, en compagnie de son épouse, il se rend en voiture à la résidence de Netanyahou, où le Premier ministre les attend pour dîner. C’est alors qu’il apprend, par téléphone, que le gouvernement israélien a autorisé la construction de 1600 nouveaux logements à Jérusalem-Est, cette partie de la ville qui doit en principe devenir la capitale du futur Etat palestinien. Estimant être pris ainsi en traître, Joe Biden donne aussitôt l’ordre à son chauffeur de faire demi-tour. Dans les cuisines de Netanyahou, on met sans doute les plats à réchauffer car c’est finalement avec une heure et demie de retard qu’arrivera le couple Biden, pour partager une soupe à la grimace, et dans une ambiance sinistre, selon les invités présents. Le vice-président US est furieux. Ami indéfectible d’Israël - il a toujours favorisé les votes des crédits militaires destinés à cet allié des Etats-Unis-, il n’admet pas un tel traitement. Netanyahou tentera, bien sûr, de le convaincre qu’il a été mis devant le fait accompli par son ministre de l’Intérieur, président du parti ultraorthodoxe Shass et partisan de la colonisation à outrance.
Changement d’ambiance, le lendemain, quand Joe Biden rencontre à Ramallah, le résident de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Embrassades suivies de cette confidence inhabituelle « Je suis le premier vice-président des Etats-Unis à critiquer le comportement d’Israël », déclare Joe Biden.
Vingt-quatre heures passent. Joe Biden « fait la paix » avec Netanyahou, selon la presse israélienne, l’assure que la Grande Amérique demeure un allié sûr, et l’invite à le rencontrer à Washington, lorsqu’il viendra assister, la semaine prochaine, au congrès de l’Aipac, le puissant lobby juif et pro-Likoud américain. Puis, le 11 mars, paraît un article détonant dans le quotidien « Haaretz ». Sans être le moins du monde démenti, le confrère israélien annonce que le gouvernement a l’intention de construire, dans les prochaines années, et pour l’essentiel à Jérusalem-Est, 50 000 nouveaux logements « coloniaux ». De nouveau, l’humiliation pour Obama.
Un « savon » Hillary
A Washington, cela n’empêche pas les dirigeants de l’Aipac de critiquer vertement les diverses déclarations des responsables américains. Celle, par exemple, de David Axelrod, le principal conseiller d’Obama, qui juge « insultant » le comportement d’Israël. Ou celle de Hillary Clinton, qui a tenu à faire savoir qu’elle avait téléphoné durant quarante-trois minutes à Netanyahou. Et elle lui a « passé un savon », à en croire l’un de ses collaborateurs. .
Remarquable aussi, par sa violence et sa drôlerie tout à la fois, ce fameux éditorial de Thomas L. Friedman, dans le « New York Times » du 14 mars. « Je suis un fan de Joe Biden », écrit-il. Avant d’ajouter que celui-ci aurait dû rentrer à Washington sans dîner avec Netanyahou, mais en lui laissant cette note : « Message de l’Amérique au gouvernement israélien : des amis ne doivent pas laisser des amis conduire saouls. Et, aujourd’hui, vous êtes en train de conduire en état d’ébriété. »
Lundi 15 mars, Netanyahou s’est même permis de répondre avec insolence à Obama. Lequel a exigé – Et Hillary Clinton s’est montrée ferme sur ce point, en téléphonant au Premier ministre israélien – l’annulation du projet des 1600 logements à Jérusalem-Est. Résultat : une rebuffade supplémentaire. « La construction continuera à Jérusalem, comme cela a été le cas depuis quarante-deux ans », a proclamé Netanyahou, avant d’ajouter, sans la moindre gêne, qu’il en ira bientôt de même dans les colonies de Cisjordanie.
Quant à l’Elysée et au Quai d’Orsay, leurs locataires sont trop passionnés par les élections régionales pour s’exprimer avec une vigueur quelconque.
publié par Le canard enchaîné Journal satirique paraissant le mercredi
95e année - No 4664– 17 février 2010 – 1,20 euros