Mohamad Sobeih, secrétaire général adjoint de la Ligue arabe pour les affaires de la Palestine, évoque les perspectives de réussite des négociations indirectes avec l’Etat hébreu.
Al-Ahram Hebdo : Pouvez-vous nous expliquer ce que l’on entend par les négociations indirectes ? Et en quoi peuvent-elles être différentes de celles qui les ont précédées ?
Mohamad Sobeih : Il s’agit, en fait, de négociations ou de pourparlers qui se font de manière séparée entre les deux camps et durant lesquels aucun des Palestiniens ni des Israéliens ne se rencontrent. Ces négociations indirectes se font par l’intermédiaire des Etats-Unis, qui les considèrent comme étant un premier pas pouvant mener par la suite à des négociations directes et plus efficaces.
Quant au camp palestinien, il s’est trouvé en pleine négociation, de plus en plus plongé dans la tourmente de la colonisation israélienne qui, sans cesse, ne fait que confisquer les territoires palestiniens, judaïser Al-Qods et commettre des agressions, et tout cela sous l’égide des négociations. Ainsi, l’Etat palestinien ne fait que se réduire et perdre tous ses traits et son identité. C’est pourquoi les Palestiniens ont voulu mettre un terme à ces agissements israéliens et stopper ces agressions en déclarant qu’ils refusaient toute négociation aussi longtemps que la colonisation se poursuit. C’est dans le contexte de cette déclaration palestinienne que l’administration américaine a décidé de lancer ces négociations indirectes. Mais le problème est que la colonisation n’a jamais cessé, pourtant, son gel est l’un des principes de l’accord d’Oslo.
— Pourquoi les Palestiniens ont-ils accepté ces négociations s’ils n’ont pas grand espoir en leur réussite ?
— Abou-Mazen, après avoir rencontré les dirigeants américains et après avoir présenté la vision américaine à la Ligue arabe, a voulu donner une chance au processus de paix et ne pas être un obstacle face à cette expérience, et a donc accepté ces négociations indirectes.
Lorsque le camp arabe a accepté ces négociations séparées, indirectes ou bilatérales, il a tenu à savoir de l’administration américaine le délai, question temps de ces négociations, et en cas d’échec, quelle serait l’alternative ? Il faut aussi savoir que la décision palestinienne et la proposition américaine ont été bien accueillies par le monde entier, notamment l’Union Européenne (UE), la Chine, le Japon et beaucoup d’autres qui ont soutenu cette démarche jusqu’à ce que Netanyahu soit venu donner une forte claque à l’Amérique en lançant le nouveau projet d’installation de 1 600 unités de logement dans les colonies. Les Israéliens ont ainsi envoyé un message aux Américains disant qu’ils rejettent toutes les déclarations et les actions des USA. Ils ont ainsi mis la direction américaine en position gênante et délicate.
— Quelle est la situation aujourd’hui après que la Ligue arabe a déclaré qu’elle ne ferait aucune négociation si ces colonies ne sont pas arrêtées ?
— Il faut savoir que la position de la Ligue arabe n’est dans le fond que ce que veulent les Palestiniens et ce à quoi a appelé Mahmoud Abbass. Aujourd’hui, les Palestiniens, tout aussi bien que la Ligue arabe, ont appelé à ce que les colonies soient démantelées au plus vite possible. On invite aussi à ce que tous les pays et les puissances, comme les Etats-Unis, la Chine et l’UE, qui avaient encouragé cette démarche, fassent tous de leur mieux pour arrêter les violations israéliennes. Et j’insiste à dire que la Ligue arabe ne veut plus entendre de déclarations vaines, mais exige des actions concrètes pour que ces violations ne se répètent pas de nouveau de la part des Israéliens.
— En cas d’arrêt de ces colonies, y aura-t-il espoir en un changement ?
— Si on parle de l’état actuel des choses, les agissements actuels d’Israël ne laissent guère d’espoir à la résolution de cette crise. Dans le fond, Israël ne veut pas mener de négociations, mais après l’appel de l’administration américaine, Abou-Mazen s’est trouvé en situation délicate, car il ne veut pas être un obstacle face au processus de paix et ces négociations bilatérales qui ne devaient durer que 4 mois. Aujourd’hui, les USA dénoncent vigoureusement les comportements israéliens, car leur crédibilité devant le monde entier est atteinte et en réel danger. Je crois que nous sommes devant une chance de connaître la position véritable de Washington vis-à-vis de cette question. Prendra-t-elle une position concrète ou au contraire continuera-t-elle sa complaisance avec Israël ?
— Mais on ne peut pas nier que les Israéliens ont mis les Américains en position délicate et gênante, qu’en pensez-vous ?
— La direction israélienne actuelle est formée de l’extrême droite, qui est un groupe qui a été atteint de la folie de la force et de l’orgueil. Pour ce groupe, il est la puissance que tout le monde entier doit respecter et prendre en considération, même en ce qui concerne les Etats-Unis. Il s’agit d’un gouvernement bien dangereux.
— Pourquoi, selon vous, Israël a-t-il choisi ce moment précis pour augmenter ses provocations ?
— Il n’est pas question d’un temps précis. Il s’agit en fait d’une politique déterminée et d’un cycle continu de violations qu’il applique successivement, mais le rythme devient de plus en plus rapide. Car, comme je l’ai déjà dit et je le répète, ce gouvernement se comporte sans le moindre sens de responsabilité et ne fait que jouer avec le feu et n’a aucune estimation des conséquences de ses comportements.
— L’UE tente d’être présente à la résolution de cette crise, comment voyez-vous sa participation ?
— La position de l’UE est, à mon avis, plus avancée que celle des Etats-Unis. Mais elle a aussi besoin d’appliquer sa politique de manière concrète, on a besoin d’une politique plus pratique et non pas d’une action à distance. Mais on ne peut pas nier que sa participation est une attitude relativement positive.
— Comment voyez-vous l’état actuel des choses ?
— A mon avis, la situation devient de plus en plus dangereuse et de plus en plus délicate. Les Américains appellent à la sécurité israélienne. Mais les Arabes s’interrogent sur les limites de cette sécurité. Il faut que les Américains nous le précisent. Cette sécurité implique-t-elle la judaïsation totale d’Al-Qods, l’implantation des colonies et les agressions ? Ceux qui veulent garantir la sécurité israélienne doivent savoir que c’est en vivant dans les frontières qui leur sont précisées dans les accords qu’ils trouveront leur sécurité. Mais dans le contexte des agressions et de la destruction continuelle, il est difficile de parler de la moindre sécurité. Pas de sécurité en pleine usurpation des droits.
Propos recueillis par Chaïmaa Abdel-Hamid