Frédéric Koller
Richard Goldstone et son rapport creusent leur sillon : celui de la justice, de la fin de l’impunité et – qui sait – peut-être un jour, au bout du chemin, celui d’une contribution à la paix. Il y a un mois, lorsque le juge juif sud-africain présentait le fruit du travail de sa commission d’enquête à Gaza concluant à des crimes de guerre israéliens et palestiniens, il savait qu’il remettait une bombe entre les mains du Conseil des droits de l’homme. Il savait également qu’il serait l’objet d’attaques personnelles, d’instrumentalisation politique et de pressions. Dans la posture du petit juge face aux puissants, il affichait une mine imperturbable, confiant et optimiste dans l’impact de son enquête. Comme un homme assuré d’être dans le sens de l’Histoire.
Vendredi, dans un vote disputé, le Conseil des droits de l’homme lui a donné raison en adoptant son texte et ses recommandations. A-t-il été diminué par les manœuvres de Palestiniens déboussolés, reportant la lecture du texte à six mois avant de le faire parapher dans l’urgence ? A peine. L’essentiel est ailleurs. Adopté par l’ONU, ce rapport devrait faire date pour plusieurs raisons : son étude de cas devrait contribuer à renforcer le Droit international humanitaire et la protection des civils face à la tentation de relativiser les Conventions de Genève au nom de la lutte contre le « terrorisme ». Il ouvre par ailleurs de nouvelles perspectives pour la justice internationale en donnant un nouveau rôle au Conseil des droits de l’homme. Autant de perspectives qui crispent habituellement les Etats soucieux de leurs prérogatives nationales. Un véritable exploit. S’il a été possible, c’est d’abord par la qualité désormais incontestée – sinon par Israël et les Etats-Unis – du travail de la Commission Goldstone. C’est bien sûr aussi le résultat d’un rapport de force politique de plus en plus défavorable à la position d’Israël. Mais faut-il s’en étonner lorsque l’on considère la poursuite de la colonisation des territoires palestiniens unanimement condamnée ?
En s’opposant au rapport Goldstone, sans explication convaincante, les Etats-Unis font fausse route. Barack Obama avait soulevé quelque espoir de changement lors de son discours du Caire. Avec Goldstone, il avait une occasion de faire intelligemment pression sur son allié. En le balayant, il renforce la frustration palestinienne, qui sera à la hauteur des espoirs déçus.
publié par le Temps