Publié le 19-09-2009
Veolia, tout comme une autre entreprise française, Alstom, était partie prenante, depuis 2005, d’un consortium formé avec des firmes et le gouvernement israéliens, City Pass.
Le gouvernement français de Jean-Pierre Raffarin avait officiellement apporté son soutien à un projet qui, dans son concept même, est une violation flagrante des Conventions de Genève, lesquelles interdisent à une puissance occupante de construire des installations durables, à son profit, dans les territoires qu’elle occupe : ce qui est évidemment le cas, puisque le tramway a pour ambition de relier l’ouest de Jérusalem aux colonies juives construites dans la partie orientale de la ville occupée depuis 1967.
Mais la presse israélienne a confirmé, cette semaine, que Veolia vient de se défaire de sa participation financière dans City Pass, et a vendu les 5% du capital qu’il détenait à une compagnie d’autocars israélienne nommée Dan.
Il est plus que probable, dans ces conditions, que Veolia n’a plus envie non plus d’être co-opérateur du système de transport, le jour où celui-ci entrera en exploitation, si c’est le cas.
Car la défaillance de Veolia, fruit direct du mouvement de boycottage de la firme lancé à l’échelle internationale, a pour effet de mettre encore plus à mal un projet déjà mal en point, analyse le journaliste Jonathan Cook, dans un article publié sur Electronic Intifada.
“Le retrait de Veolia nous fout effectivement dans la m…”, a ainsi confessé le porte-parole de City Pass, Shmuel Elgrably, en constatant que son remplaçant dans le capital, la compagnie Dan, n’a pas la moindre expérience dans le transport ferroviaire.
Le tramway est clairement un projet raciste, promu par Ariel Sharon en personne, et destiné à cimenter « l’unification juive » de Jérusalem, pour reprendre les termes du fameux criminel de guerre, toujours dans le coma d’ailleurs trois ans après son hospitalisation.
Comme l’a dénoncé Omar Barghouti, initiateur palestinien du mouvement BDS (Boycott, Désinvestissements, Sanctions), le tracé du tramway s’inscrit dans un plan général du gouvernement israélien, pour rendre impossible une éventuelle division de Jérusalem, et ainsi empêcher qu’une partie de la ville soit la capitale d’un éventuel Etat Palestinien. Sachant qu’aucun compromis de paix, même le plus favorable qui soit à Israël, n’est envisageable sans concéder aux Palestiniens un morceau, même incomplet, de Jérusalem, le tramway est bien une arme de guerre.
C’est aussi, indique Jonathan Cook, un échec économique et industriel patent : les coûts ont déjà dépassé de plus de 500 millions de dollars le budget prévisionnel, et le premier tronçon, long de 14 kilomètres, a pris près de deux ans de retard. On le doit, entre autres, à des problèmes d’ingéniérie imprévus, à des disputes entre les contractants et la municipalité, et à des interruptions de chantier dues à des découvertes archéologiques (de vestiges hébraïques s’entend, les Israéliens n’ayant pas pour habitude de se gêner avec les autres vestiges mis au jour par leurs pelleteuses).
En outre, le business plan de City Pass a prévu, pour s’assurer les bonnes grâces des investisseurs (démontrer que le projet sera rentable), et celles des gouvernements occidentaux (promettre qu’il n’y aura pas de ségrégation raciale), que le tramway transportera 150.000 voyageurs par jour, dont des milliers de juifs ultra-orthodoxes, et même des milliers de Palestiniens. Des arrêts sont ainsi prévus, sur le papier, dans des quartiers encore habités par des Palestiniens à Jérusalem, au camp de réfugiés de Shouafat notamment.
Mais cela ressemble à une sinistre plaisanterie. Côté juifs religieux, il est plus que probable que le tramway, s’il voit le jour, sera boycotté par les fanatiques, qui proscrivent la mixité sexuelle dans les transports en commun. Et d’un autre côté, de nombreux juifs utilisateurs feront pression pour ne pas avoir à voyager avec des Palestiniens.
« On ne connait pas le détail des mesures de contrôle, qui seront imposées aux Palestiniens souhaitant prendre le tramway, et de nombreux observateurs pensent qu’au premier incident, le gouvernement interdira tout simplement aux Palestiniens d’accéder au réseau », écrit Jonathan Cook.
“Mais c’est la survie même du projet qui est maintenant en cause, avec le succès du mouvement de boycottage. Une banque hollandaise, ASN, avait retiré ses investissements dans Veolia dès 2006, et l’entreprise a perdu un important contrat en Suède cette année », poursuit-il.
Alstom –qui doit fournir 42 wagons … blindés !- est lui aussi sous pression.
Codéfendeur, avec Veolia, dans le procès que lui ont intenté en France l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS) et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Alstom s’est fait virer cette année du fonds d’investissement suédois AP7, et une bataille est en cours pour lui faire perdre un contrat de 1,8 milliard de dollars, pour l’exploitation d’un liaison ferroviaire entre les villes saintes de La Mecque et Médine, en Arabie Saoudite.
Félicitons-nous de ce premier recul de Veolia. Les autres, tous ceux qui collaborent à la politique criminelle de l’Etat israélien, devront suivre au fur et à mesure que le Boycott se développera.
L’article original (en langue anglaise) de Jonathan Cook est disponible à :http://original.antiwar.com/cook/2009/09/18/boycott-derails-jerusalems-transit-system/