Depuis le début de l’opération Bordure protectrice, les appels au boycott des produits israéliens se multiplient sur les réseaux sociaux.
La campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), lancée en
2005 par un collectif d’associations, insuffle une partie de ces
pressions économiques et culturelles, qui commencent à inquiéter Israël.
Lors de la précédente intervention à Gaza, en 2008-2009, le boycott avait déjà reçu un certain écho international. A l’époque, tout tournait autour d’un chiffre : 729.
C’est encore un signe de ralliement chez beaucoup de militants
pro-Palestiniens. C’est le cas, par exemple, de Mehdi, ce jeune habitant
de Bobigny, qui nous avait parlé de sa vision du conflit israélo-palestinien :
« Pour boycotter les produits israéliens, il faut regarder les trois premiers chiffres du code-barres. Si c’est 729, le produit a été fabriqué en Israël. »
Ce n’est que partiellement vrai.
En France, les grandes surfaces ont adopté une standardisation (GS1)
partagée par de nombreux pays. Joint par Rue89, un technicien de GS1 France,
l’organisme en charge de la normalisation, explique que tous les
produits vendus dans les supermarchés français portent normalement un
code à treize chiffres. Les trois premiers chiffres sont des indicatifs
de pays. Pour Israël, celui-ci est 729.
Ce que ne dit pas le code-barres
Mais ce chiffre n’est finalement qu’un indicateur très pauvre. Il
correspond en effet au siège social de la marque plutôt qu’au lieu de
fabrication du produit. En clair, une entreprise française peut
fabriquer un produit en Israël et le vendre sous un indicatif français
(300 à 379).
De même, une société israélienne qui fabrique des produits en Israël
pourrait, en théorie, les classer sous un indicatif français dès lors
qu’elle possède une filiale en France.
Bref, chez BDS France, on préfère désormais se concentrer sur des listes de produits distribuées par les militants :
« Le but n’est pas de se fier uniquement au chiffre 729 ou, à l’inverse, de se perdre dans des listes interminables de produits plus ou moins liés à Israël. »
A noter d’ailleurs, qu’il est très difficile – voire impossible – de
faire la différence entre des produits fabriqués dans les colonies
israéliennes et des produits fabriqués ailleurs en Israël.
Le test de l’appli Buycott
Puisque le code 729 n’est plus un marqueur fiable, les militants
soutenant le boycott se tournent désormais vers des applications pour
smartphone. Le mouvement BDS est en train de développer
un programme qui permettra de se renseigner sur un produit à partir de
son code-barres. La campagne française dit réfléchir à une application
de ce type, spécifique à l’Hexagone. Elle pourrait être élaborée à
partir du mois de septembre.
En attendant, une autre application tourne beaucoup sur Internet : Buycott. Le principe, mis au point par un Américain,
en est le suivant : l’utilisateur s’abonne à des « campagnes » qui lui
permettent de filtrer ses achats en scannant avec son téléphone un
code-barres. Publiée il y a quelques jours, une campagne intitulée Long live Palestine boycott Israel attire déjà près de 150 000 membres. Selon le site Jewish Journal of Los Angeles, elle aurait été lancée par un adolescent britannique, qui n’était pas satisfait de l’offre existante.
Après m’être connecté sur l’application, je me suis inscrit à cette
campagne. Le Coca-Cola de mon voisin devrait, selon l’application, être
évité. Explication :
« Coca-Cola a acheté 43% de Neviot Water en 2001 pour 20 millions de dollars, une entreprise qui possède 40% du marché de l’eau en bouteille en Israël. »
La liste complète des sociétés visées est disponible
sur le site de l’application. Cela va de Timberland à Starbucks, en
passant par Teva. Une liste a priori plus large – et plus
américano-centrée – que celle mise en exergue par BDS France.
Est-ce bien légal ?
Reste la question délicate de la légalité. Pour certains, l’appel au boycott est une « provocation à la discrimination » et tombe sous le coup de l’article 225-1 du code pénal et de la loi du 29 juillet 1881.
Mais Antoine Comte, l’avocat de ces militants (et de Rue89), fait
valoir que, dans la majorité des cas, les juridictions ont considéré que
l’appel au boycott – qui touche des produits et non des personnes –
relevait de la liberté d’expression.
Il y a toutefois une exception : la cour d’appel de Colmar a condamné en novembre 2013 des militants de BDS. L’affaire est en cassation.
Ce débat sur la légalité se déporte sur l’application. Là aussi, les avis sont divergents. Me Comte s’interroge sur l’efficacité d’une plainte visant une application produite à l’étranger.
En revanche, l’avocat Anthony Bem, qui a développé des arguments contre le boycott dans un billet publié l’année dernière, estime que l’application peut être attaquée en justice :
http://rue89.nouvelobs.com« Il s’agit d’un moyen plus moderne d’appeler au boycott que de coller des autocollants dans les magasins.Certes, l’application est développée à l’étranger, mais le code de procédure pénale prévoit qu’un étranger peut répondre d’une infraction si ses victimes sont françaises. C’est une question de volonté politique. »