Laïla El-Haddad
Gazamom.com
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Devons-être soulagés devant l’assouplissement de la fermeture de Rafah ? Absolument. Devons-nous être confiants, ou simplement nous contenter de ce que nous avons ? Absolument pas.
Seuls les Palestiniens inscrits au registre de la population sous contrôle israélien, détenteurs d’une carte d’identité de Gaza approuvée par Israël, ou hawia, peuvent utiliser le passage de Rafah.
Le grand scoop de la semaine a été la réouverture très applaudie du passage pénible de Rafah. Il n’avait fonctionné que par intermittence, voire pas du tout, et pour des catégories de personnes limitées, depuis plus de quatre ans maintenant. Pour ce qui semblait être une éternité, le régime Moubarak - الله لا يردهم -, de connivence avec les États-Unis et Israël pour maintenir le bouclage de la bande de Gaza, avait « conditionné » la réouverture du passage à un accord de réconciliation Fatah-Hamas, à la libération du soldat Gilad Shalit, et à un retour à l’AMA tant décrié (accord sur les mouvements et les accès) conclu sous l’égide des États-Unis, en vertu duquel des observateurs européens et des émissions vidéos en temps réel se faisaient les mandataires d’Israël, lequel Israël gardait finalement le contrôle sur le passage.
Il y a eu quelques moments sombres, très sombres au cours de ces quatre malheureuses années, et au-delà, durant lesquelles moi et des dizaines de milliers d’autres avons été empêchés d’entrer dans nos propres foyers, encore et encore, quatre années durant lesquelles nous avons été frappés, arrêtés, humiliés et abandonnés, et je me demandais, comme cela va-t-il finir ? Comment nous, Palestiniens, pouvions-nous trouver un moyen de sortir de cette dimension, la plus réduite et semblait-il illogique, de notre combat ; Rafah, cette passerelle unique, ce portail pour entrer ou sortir de la petite Gaza tourmentée ? Comment un aspect si courant de la vie, de la mobilité, a-t-il fait pour devenir si impossible, si menaçant, si étouffant, et sembler si ordinaire et justifié ? Et pourquoi ne pas comprendre que nous étions des mères et des pères, des sœurs et des frères, des filles et des fils, des amoureux, des étudiants et des enseignants... et que nous étions las de cette misère, de l’enfer. Comment pourrait-on sortir enfin du statu quo ? Je peux honnêtement vous dire que la dernière chose à laquelle je m’attendais, c’était au renversement épique de Moubarak.
Mais revenons à Rafah. Je ne veux pas dramatiser ou quoique ce soit, mais je pense qu’il est temps de mettre les choses à plat maintenant. Il est vrai que le passage a été ouvert de façon plus régulière (6 jours par semaine) et à un plus grand nombre d’habitants de Gaza pour des voyages sans visa (à moins que vous ne tombiez dans la tranche d’âge redoutée des 18-40 ans, la « menace masculine à la sécurité ») et, comme tous ceux qui y ont souffert de longues heures (voire des jours ou des semaines, ou des mois) sous la chaleur éprouvante ou le froid paralysant de ce petit coin du monde en attendant d’entrer ou sortir peuvent en certifier, cette nouvelle doit être fêtée.
Mais avec un accès TOUJOURS limité aux Palestiniens inscrits au registre de la population sous contrôle israélien, la soi-disant réouverture du passage frontalier de Rafah est tout simplement un retour au statu quo des années passées. Seuls les Palestiniens inscrits au registre de la population sous contrôle israélien, détenteurs d’une carte d’identité de Gaza approuvée par Israël, ou hawia, peuvent utiliser le passage de Rafah. Et ceux qui font des croix sont toujours exposés à des examens arbitraires pour raison de sécurité et à un refus d’entrer ou sortir.
Traduction : les Palestiniens de Cisjordanie ou de Jérusalem-Est, même ceux avec cette carte hawia, les Palestiniens des camps de réfugiés en dehors des territoires occupés palestiniens, les « Filisteeniyit il-dakhil » alias les Palestiniens de 1948, ou les Palestiniens à l’étranger, tous ceux-là ne sont toujours pas autorisés à entrer dans la bande de Gaza par Rafah. Cela inclut aussi les familles palestiniennes dont l’un des deux conjoints possède une carte d’identité, mais pas l’autre, comme ma propre famille par exemple, OU les Palestiniens déplacés internes qui vivent à Gaza mais dont les cartes d’identité n’ont jamais été approuvées par les autorités israéliennes (et qui ne sont pas autorisés à sortir). Leur nombre est de plusieurs dizaines de milliers.
En outre, selon l’ONG Gisha, l’amélioration ne semble pas inclure le passage des marchandises, lesquelles sont limitées aux passages contrôlés par Israël et soumises aux interdictions qui frappent les matériaux de construction et les exportations.
Il faut indiquer aussi que bien qu’une frontière ait été ouverte, Gaza reste sous un siège maritime et aérien serré, et continue d’être fermée au reste des territoires palestiniens occupés, la Cisjordanie dont Jérusalem-Est, aux patrimoines culturel, économique et universitaire des Palestiniens. Israël a l’obligation juridique de laisser le passage à la population et aux marchandises entre Gaza et la Cisjordanie, reconnues comme unité territoriale unique.
En outre, la zone tampon qui longe les frontières côtières de la bande de Gaza et s’avance jusqu’à 2 kilomètre à l’intérieur de la Bande, empêchant les agriculteurs d’accéder à leurs terres agricoles dont un tiers se trouve sur cette zone, cette zone tampon est toujours en place.
Conséquence collective : le développement, la prospérité et les opportunités sont étouffés, en même temps que la dépendance à l’aide augmente. Nous ne devons nous faire aucune illusion qu’il puisse en être autrement. Gaza est toujours occupée, toujours assiégée.
Devons-être soulagés devant l’assouplissement de la fermeture de Rafah ? Absolument. Devons-nous être confiants, ou simplement nous contenter de ce que nous avons ? Absolument pas.
Pour aller plus loin sur ces questions, vous pouvez consulter « Aide-mémoire de Gaza » (Gaza Cheat sheet) de Gisha, qui analyse les faits et les chiffres et vous aide à comprendre ce qui se cache vraiment derrière le siège.
* Laila El-Haddad est une journaliste, photographe et bloggueuse palestinienne qui passe son temps entre Gaza et les États-Unis. Elle tient le blog :
http://www.gazamom.com/
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États-Unis, le 1er juillet 2011 - Gazamon - The Palestine Telegraph - traduction : JPP