jeudi 23 juin 2011
Laura Durkay, membre de l’Organisation de l’Internationale Socialiste à New York, explique pourquoi elle a choisi de faire partie de la mission du 8 juillet en Palestine.
"Du 8 au 16 juin, je retrouverai des centaines d’internationaux pour une semaine d’actions de solidarité en coordination avec 15 organisations palestiniennes de résistance civile en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupés. À ma connaissance, ce sera la première fois qu’on tente d’amener tant d’internationaux – déjà plus de 500, selon les organisateurs – en Cisjordanie et à Jérusalem-Est de manière coordonnée. Tandis que la Flottille de la Liberté 2, qui va partir d’ici quelques jours, met en lumière, avec raison, le cruel blocus de Gaza, nous avons l’intention de montrer que la répression israélienne dans le reste de la Palestine historique – la Cisjordanie, Jérusalem, et ce qui est maintenant Israël – n’est pas moins importante et fait partie du même projet de nettoyage ethnique et de colonisation.
Le coup d’envoi de notre semaine de résistance non violente, est à mon avis, son élément le plus créatif et audacieux. En une seule journée, le 8 juillet, des centaines d’internationaux et de Palestiniens qui vivent à l’étranger, arriveront à l’aéroport Ben Gourion et accompliront une action simple mais radicale : ils refuseront de mentir sur le fait que nous sommes là pour aller dans les Territoires Occupés et rendre visite aux Palestiniens.
Quiconque est allé en Palestine, connaît les risques possibles associés à cette action. Israël contrôle tous les points d’entrée en Palestine, à l’exception du point de passage de Rafah vers la Bande de Gaza, qui est contrôlé par l’Égypte et qui a ses défis kafkaïens. Le gouvernement israélien refuse régulièrement l’entrée à ceux qu’il connaît ou soupçonne simplement d’être des militants de solidarité : journalistes, universitaires et travailleurs culturels qui compatissent avec les Palestiniens ; même ceux qui viennent faire du bénévolat ou donner de l’aide caritative dans les territoires occupés.
Ceci veut dire que, pendant des années, la stratégie habituelle parmi les militants de solidarité qui entrent en Palestine, est de garder un profil bas et de mentir sur la raison pour laquelle vous êtes là.
Beaucoup d’entre nous connaissent la marche à suivre. Vous dites que vous êtes un touriste. Vous faites l’idiot en ce qui concerne l’histoire et la politique, et vous ne dites jamais que vous allez voir les Palestiniens. Vous ne faites pas remarquer que toutes les personnes de couleur de votre groupe viennent d’être choisies pour un interrogatoire. Vous vous soumettez calmement à l’interrogatoire et élaborez des demi-vérités sans insulter, en excluant certaines parties de votre itinéraire. Quand ils fouillent vos affaires, vous hochez la tête et dites que vous comprenez que c’est pour des « raisons de sécurité ». Vous ravalez tous les instincts de rébellion qui vous ont amené(e) en premier lieu en Palestine et vous vous soumettez provisoirement à un appareil de sécurité raciste, agressif et intimidant, dans l’espoir qu’ils daigneront vous laisser entrer en Palestine et vous acceptez que ce soit le prix à payer pour pouvoir faire le travail que vous voulez accomplir.
Il faut signaler, à mon avis, que cette stratégie n’est pas mauvaise en elle-même. Dans une situation donnée, la meilleure façon de dialoguer avec les agents de l’état israélien est une décision tactique. Je comprends qu’il y ait de nombreux groupes de personnes qui n’ont pas le luxe de se confronter à la sécurité israélienne : ceux qui dépendent de la libre circulation entre la Palestine et le monde extérieur pour leur travail, leurs études ou pour voir leur famille ; ceux qui s’engagent à des projets de longue haleine dans la région, et pour qui le maintien de l’accès aux Territoires Occupés est crucial ; ceux qui s’engagent à faire des reportages critiques qui présentent au monde l’histoire de la Palestine ; ceux qui peuvent se trouver dans une situation plus vulnérable pour diverses raisons.
Mais en même temps, il faut bien préciser que le contrôle aux frontières et la politique répressive de l’entrée font partie du système d’apartheid. C’est une grande partie. Les restrictions d’entrée pour les militants de solidarité, les journalistes, et les travailleurs ONG sont une conséquence naturelle des restrictions qui empêchent un grand pourcentage de la population palestinienne partout dans le monde de retourner dans son propre pays et/ou de circuler librement à l’intérieur. Elles sont un élément de la matrice élaborée de frontières, de murs, de postes de contrôle, de permis, de soldats et de police secrète au moyen de laquelle le gouvernement israélien serre son étau sur la libre circulation et l’activité politique dans toute la Palestine occupée. Elles font parties intégrantes du dispositif de l’occupation, qui cherche à isoler les Territoires Occupés et à y rendre la vie insupportable pour faire partir les Palestiniens, et qui les force fréquemment à s’en aller, qu’ils le veuillent ou non. Et comme tous les autres éléments du système d’apartheid, ils méritent qu’on les conteste.
Pendant les protestations de cette année contre la Nakba et la Naksa, Israël s’est vu assiégé sur toutes ses frontières gardées, par des Palestiniens non armés qui voulaient simplement rentrer chez eux. À la fin du mois, la Flottille de la Liberté 2 va braver le blocus de la bande de Gaza. Nous considérons l’arrivée en avion du 8 juillet, comme notre contribution au nouveau mouvement qui affaiblit petit à petit la Forteresse du non-droit Israël.
Des camarades militants ont évoqué la possibilité que cette action n’entraîne rien de plus que la déportation sommaire de centaines d’entre nous, et probablement l’interdiction d’entrer en Palestine à l’avenir. Il est tout à fait possible que cela arrive, et quiconque participe à cette action devrait avoir conscience du risque. Il me semble que c’est un très petit risque à prendre par rapport à la terrible violence que les Palestiniens affrontent depuis 60 ans. Je crois qu’il est temps que ceux qui peuvent révéler la politique répressive de l’entrée et s’y opposer, le fassent à très grande échelle.
Tout comme personne ne pense qu’une flottille (ou deux ou trois) puisse provoquer la fin du siège de Gaza, personne ne croit que cette seule journée d’action puisse changer immédiatement l’état des choses à l’aéroport Ben Gourion et aux autres frontières d’Israël. Voilà comment les oppresseurs réagissent aux actes de résistance. Ils deviennent souvent plus agressifs avant d’être vaincus, car ils sentent à juste titre que le dynamisme est du côté de la justice.
Le 8 juillet et la semaine de solidarité qu’il ouvre, est une étape dans le long processus de démantèlement du système d’apartheid. Les révolutions arabes, le mouvement BDS et les propres réactions de plus en plus hystériques d’Israël aux protestations non violentes, ont accéléré radicalement la vitesse de ce processus, contrairement à ce que beaucoup d’entre nous croyaient possible il y a seulement quelques années. Les jours de l’apartheid israélien sont comptés, et c’est le moment ou jamais de le contester sur tous les fronts."
Par LAURA DURKAY, 20 juin 2011
Laura Durkay est membre du Groupe de Travail Siegebusters et de l’Organisation de l’Internationale Socialiste à New York. On peut suivre les nouvelles de la semaine de solidarité sur son blog personnel, « Laura on the Left », et sur Twitter / @lauradurkay.
Les personnes qui voudraient participer à la semaine de solidarité du 8 au 16 juillet doivent envoyer un e-mail à info@palestinejn.org ou http://wwwBienvenuePalestine.com pour la France.
CAPJPO-EuroPalestine
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Le coup d’envoi de notre semaine de résistance non violente, est à mon avis, son élément le plus créatif et audacieux. En une seule journée, le 8 juillet, des centaines d’internationaux et de Palestiniens qui vivent à l’étranger, arriveront à l’aéroport Ben Gourion et accompliront une action simple mais radicale : ils refuseront de mentir sur le fait que nous sommes là pour aller dans les Territoires Occupés et rendre visite aux Palestiniens.
Quiconque est allé en Palestine, connaît les risques possibles associés à cette action. Israël contrôle tous les points d’entrée en Palestine, à l’exception du point de passage de Rafah vers la Bande de Gaza, qui est contrôlé par l’Égypte et qui a ses défis kafkaïens. Le gouvernement israélien refuse régulièrement l’entrée à ceux qu’il connaît ou soupçonne simplement d’être des militants de solidarité : journalistes, universitaires et travailleurs culturels qui compatissent avec les Palestiniens ; même ceux qui viennent faire du bénévolat ou donner de l’aide caritative dans les territoires occupés.
Ceci veut dire que, pendant des années, la stratégie habituelle parmi les militants de solidarité qui entrent en Palestine, est de garder un profil bas et de mentir sur la raison pour laquelle vous êtes là.
Beaucoup d’entre nous connaissent la marche à suivre. Vous dites que vous êtes un touriste. Vous faites l’idiot en ce qui concerne l’histoire et la politique, et vous ne dites jamais que vous allez voir les Palestiniens. Vous ne faites pas remarquer que toutes les personnes de couleur de votre groupe viennent d’être choisies pour un interrogatoire. Vous vous soumettez calmement à l’interrogatoire et élaborez des demi-vérités sans insulter, en excluant certaines parties de votre itinéraire. Quand ils fouillent vos affaires, vous hochez la tête et dites que vous comprenez que c’est pour des « raisons de sécurité ». Vous ravalez tous les instincts de rébellion qui vous ont amené(e) en premier lieu en Palestine et vous vous soumettez provisoirement à un appareil de sécurité raciste, agressif et intimidant, dans l’espoir qu’ils daigneront vous laisser entrer en Palestine et vous acceptez que ce soit le prix à payer pour pouvoir faire le travail que vous voulez accomplir.
Il faut signaler, à mon avis, que cette stratégie n’est pas mauvaise en elle-même. Dans une situation donnée, la meilleure façon de dialoguer avec les agents de l’état israélien est une décision tactique. Je comprends qu’il y ait de nombreux groupes de personnes qui n’ont pas le luxe de se confronter à la sécurité israélienne : ceux qui dépendent de la libre circulation entre la Palestine et le monde extérieur pour leur travail, leurs études ou pour voir leur famille ; ceux qui s’engagent à des projets de longue haleine dans la région, et pour qui le maintien de l’accès aux Territoires Occupés est crucial ; ceux qui s’engagent à faire des reportages critiques qui présentent au monde l’histoire de la Palestine ; ceux qui peuvent se trouver dans une situation plus vulnérable pour diverses raisons.
Mais en même temps, il faut bien préciser que le contrôle aux frontières et la politique répressive de l’entrée font partie du système d’apartheid. C’est une grande partie. Les restrictions d’entrée pour les militants de solidarité, les journalistes, et les travailleurs ONG sont une conséquence naturelle des restrictions qui empêchent un grand pourcentage de la population palestinienne partout dans le monde de retourner dans son propre pays et/ou de circuler librement à l’intérieur. Elles sont un élément de la matrice élaborée de frontières, de murs, de postes de contrôle, de permis, de soldats et de police secrète au moyen de laquelle le gouvernement israélien serre son étau sur la libre circulation et l’activité politique dans toute la Palestine occupée. Elles font parties intégrantes du dispositif de l’occupation, qui cherche à isoler les Territoires Occupés et à y rendre la vie insupportable pour faire partir les Palestiniens, et qui les force fréquemment à s’en aller, qu’ils le veuillent ou non. Et comme tous les autres éléments du système d’apartheid, ils méritent qu’on les conteste.
Pendant les protestations de cette année contre la Nakba et la Naksa, Israël s’est vu assiégé sur toutes ses frontières gardées, par des Palestiniens non armés qui voulaient simplement rentrer chez eux. À la fin du mois, la Flottille de la Liberté 2 va braver le blocus de la bande de Gaza. Nous considérons l’arrivée en avion du 8 juillet, comme notre contribution au nouveau mouvement qui affaiblit petit à petit la Forteresse du non-droit Israël.
Des camarades militants ont évoqué la possibilité que cette action n’entraîne rien de plus que la déportation sommaire de centaines d’entre nous, et probablement l’interdiction d’entrer en Palestine à l’avenir. Il est tout à fait possible que cela arrive, et quiconque participe à cette action devrait avoir conscience du risque. Il me semble que c’est un très petit risque à prendre par rapport à la terrible violence que les Palestiniens affrontent depuis 60 ans. Je crois qu’il est temps que ceux qui peuvent révéler la politique répressive de l’entrée et s’y opposer, le fassent à très grande échelle.
Tout comme personne ne pense qu’une flottille (ou deux ou trois) puisse provoquer la fin du siège de Gaza, personne ne croit que cette seule journée d’action puisse changer immédiatement l’état des choses à l’aéroport Ben Gourion et aux autres frontières d’Israël. Voilà comment les oppresseurs réagissent aux actes de résistance. Ils deviennent souvent plus agressifs avant d’être vaincus, car ils sentent à juste titre que le dynamisme est du côté de la justice.
Le 8 juillet et la semaine de solidarité qu’il ouvre, est une étape dans le long processus de démantèlement du système d’apartheid. Les révolutions arabes, le mouvement BDS et les propres réactions de plus en plus hystériques d’Israël aux protestations non violentes, ont accéléré radicalement la vitesse de ce processus, contrairement à ce que beaucoup d’entre nous croyaient possible il y a seulement quelques années. Les jours de l’apartheid israélien sont comptés, et c’est le moment ou jamais de le contester sur tous les fronts."
Par LAURA DURKAY, 20 juin 2011
Laura Durkay est membre du Groupe de Travail Siegebusters et de l’Organisation de l’Internationale Socialiste à New York. On peut suivre les nouvelles de la semaine de solidarité sur son blog personnel, « Laura on the Left », et sur Twitter / @lauradurkay.
Les personnes qui voudraient participer à la semaine de solidarité du 8 au 16 juillet doivent envoyer un e-mail à info@palestinejn.org ou http://wwwBienvenuePalestine.com pour la France.
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