vendredi 3 décembre 2010

Un Etat policier en construction

publié le jeudi 2 décembre 2010
Samah Jabr

 
Les mesures sécuritaires, sous parrainage des Etats-Unis, empêchent toute avancée vers un accord de réconciliation entre les deux partis principaux en Palestine, le Hamas et le Fatah.
Bien que la coordination sécuritaire sous le parrainage des Etats-Unis ait commencé dans les années 1990, l’étendue et la nature de l’intervention des Etats-Unis dans les affaires internes palestiniennes se sont intensifiées à travers le programme mené par le Lt. Gen. Keith Dayton, lancé par l’administration Bush en 2005. Quand le Hamas a chassé le Fatah de la bande de Gaza en juin 2007, l’ambiance était mûre pour une escalade de la mutation politique qui transforma d’anciens « héros nationaux » en « « terroristes ».
Alors que les forces de sécurité du Hamas à Gaza sont jugées illégales, les gouvernements d’Europe et d’Amérique du Nord apportent une aide financière généreuse à l’Autorité palestinienne et ses forces de sécurité. Dans un discours à Washington, à l’Institut sur la politique au Proche Orient, Dayton déclara (comme si c’était un compliment) que son programme avait créé une « nouvelle sorte de Palestinien ».
Trois bataillons de 500 hommes chacun ont été au bout de ce programme et d’autres sont actuellement en formation pour entamer une série d’offensives contre les membres des groupes de la résistance en Cisjordanie.
De hauts gradés israéliens ont été si impressionnés par les troupes palestiniennes, selon Dayton, qu’ils lui ont demandé, "Combien de ces nouveaux Palestiniens pouvez vous créer de plus, et dans combien de temps ?" Dayton a promis d’investir environ 1,3 milliard de dollars dans la mise en place de l’appareil de sécurité palestinien ; de former 4,700 militaires ; de fournir la formation et l’équipement et de faciliter la capacité de se développer de 15 000 soldats supplémentaires ; de restaurer la structure organisationnelle des institutions sécuritaires de l’ANP. Les Etats-Unis n’investissent pas d’argent dans le bien-être de la population palestinienne -pour construire des écoles, des hôpitaux qui soutiennent la détermination du peuple palestinien, par exemple- mais préfèrent utiliser cet argent pour acheter des Palestiniens par le pouvoir, l’argent et les privilèges qui renforcent le conflit interne et la désunion des Palestiniens. Ils créent des « contras » palestiniens pour faire le sale travail de l’occupation israélienne et imposer l’agenda et les décisions politiques américains à la population palestinienne épuisée, terrifiée et paupérisée qui subit ce chantage.
En août, les services de la Sécurité préventive et des Renseignements généraux ont raflé plus de 700 sympathisants des groupes de la résistance palestinienne après une attaque meurtrière contre des colons en Cisjordanie.
Et on se demande : qui les forces de sécurité servent-elles ? Où disparaissent- elles quand les soldats de l’occupant israélien envahissent nos villes et nos cités pour kidnapper, blesser et tuer des Palestiniens ? Est-ce qu’elles intimident quiconque hormis des Palestiniens ? Est-ce qu’elles attaquent des bases militaires israéliennes ou seulement les institutions caritatives du Hamas ? Ont-elles jamais arrêté ou interrogé des colons israéliens qui attaquent les villageois en Cisjordanie ? Est ce que les interrogatoires, les arrestations et la torture sont exclusivement réservés aux Palestiniens ?
La Cisjordanie est en train de devenir un Etat policier. Al Haq, la Commission palestinienne indépendante pour les Droits humains, Human Rights Watch, et le journal le Guardian sont tous des références crédibles qui témoignent qu’un nombre significatif de détenus sont torturés en toute impunité pendant les interrogatoires par les forces des Renseignement généraux et de la Sécurité préventive.
Dayton peut bien être parti maintenant mais ses arrangements sécuritaires brutaux ont endommagé la crédibilité de l’Autorité palestinienne et déclenché du ressentiment à son encontre. Plus important encore, ces arrangements ont brouillé et érodé la structure sociale palestinienne.
Alors qu’il existait précédemment un consensus pour dénoncer les violations des droits humains par les autorités israéliennes, ça a été une expérience humiliante et démoralisante à vous briser le coeur de voir des Palestiniens torturer et maltraiter leurs concitoyens.
Les mesures sécuritaires empêchent toute avancée vers un accord de réconciliation entre les deux partis principaux en Palestine, le Hamas et le Fatah. Pendant ce temps l’Autorité palestinienne n’arrive pas à trouver le saint Graal que représentent la croissance économique ou de la construction des institutions palestiniennes.
Les négociations de paix semblent être la dernière chance pour l’Autorité palestinienne- et elles ne semblent guère porteuses d’espoir. Je me demande combien de temps l’Autorité palestinienne va survivre quand l’Administration américaine décidera qu’elle n’est pas un partenaire pour la paix.
Samah Jabr , écrivain indépendant, est psychiatre. Publié par bitterlemons le 22 novembre 2010
traduction : C. Léostic, Afps