Ziad Medoukh
L’hiver à Gaza N’est pas l’hiver d’ailleurs, C’est un hiver très doux, Un hiver sans orage ni vent, Un hiver aux rares pluies Un hiver plein d’étoiles.
L’hiver à Gaza est si particulier Que même la poésie la plus colorée Ne pourrait décrire, Cet hiver gazaoui, Cet hiver ensoleillé !
Pendant l’hiver, à Gaza A l’horizon, peu de nuages Et dans le ciel, l’ombre chuchote Aucun arbre n’est coiffé de blanc. En hiver, à Gaza Le soleil est ardent.
Il est magnifique l’hiver à Gaza ! Les arbres fruitiers Sont couronnés de mille fleurs. L’olivier se prépare à donner Les fruits de l’automne suivant. A Gaza, l’hiver est un printemps.
A Gaza, l’hiver semble s’éterniser. Les soirées sont longues Sans lumière sans électricité. Seules les étoiles tentent De briser l’obscurité De ce morceau de terre enfermé, Soumis aux atroces mesures D’une occupation qui aime les ténèbres Et déteste la clarté.
L’hiver à Gaza serait l’occasion rêvée De mettre fin à l’assassinat du ciel, De mettre fin au vrombissement des avions, Ces engins qui sèment la terreur et la mort, Ces machines qui éparpillent dans le ciel Des cadavres d’oiseaux. Les cerfs-volants n’y peuvent plus danser.
En hiver, les femmes de Gaza Brodent les robes traditionnelles Pour les mariages de l’été. En cette Palestine Qui vit de l’espérance, Elles préparent pour la famille La tisane aux multiples arômes Et le thé à la sauge.
En hiver, une pauvre pluie Arrose les oliviers, les orangeraies Et les feuilles desséchées de nos arbres si beaux. Elle estompe les ruines et les décombres Des maisons détruites en plein hiver Par les missiles et par les bulldozers Des soldats de l’armée de l’occupant.
Gaza la prisonnière, comme L’oiseau en cage, Se souvient d’un autre hiver peu pluvieux, C’était en 2008 ! Quand la guerre a commencé, C’était le début de l’hiver ! Mais la guerre ignore les saisons.
Les combats faisaient rage Les bombes au phosphore blanc illuminaient le ciel Et les missiles s’enfonçaient dans les champs d’herbe verte.
Lors de ce dramatique hiver Une nappe de brouillard s’étendait Sur le nord de Gaza Et le vent soufflait vers le sud Quand une pluie de feu S’abattit sur la colline de Jabalya Rayant de la carte Un village nommé Ezbat Abd Rabou.
Lors de cet hiver meurtrier, L’oiseau ne chantait plus, L’hirondelle ne volait plus Et sur les troncs calcinés, La pluie a fait place aux bombes. Les pilonnages rendaient fou La peur étreignait le cœur de nos enfants.
En chaque début d’hiver, Confronté à sa réalité de prisonnier Et à ses souvenirs douloureux Chaque Gazaoui s’interroge : Quand la pluie reviendra-t-elle ? Quand aurons-nous un hiver Comme les autres hivers ? Quand retrouverons-nous la liberté ? Quand retrouverons-nous la paix ? Quand ? Quand ?...