Jonathan Cook - Dissident Voice
On a critiqué la police israélienne pour son traitement de centaines d’enfants palestiniens arrêtés et interrogés parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir lancé des pierres à Jérusalem Est (sous occupation NdT).
Un enfant palestinien maltraité par l’armée israélienne à Beit Omar, près d’Hebron, en Cisjordanie
Au cours de l’année dernière des enquêtes criminelles ont été lancées contre plus de 1 200 mineurs palestiniens de Jérusalem suspectés d’avoir jeté des pierres, selon les statistiques de la police publiées par l’Association des Droits Civils en Israël (ACRI). C’est presque le double des arrestations opérées l’année dernière dans le territoire palestinien (occupé NdT) de Cisjordanie qui est beaucoup plus grand.
La plupart des arrestations ont eu lieu dans le district de Silwan, tout près de la vieille ville de Jérusalem là où 350 colons ont construit, au milieu des 50 000 habitants palestiniens, des enclaves illégales bénéficiant d’une lourde protection armée.
Le mois dernier, on a rapporté qu’à Silwan, une large foule avait empêché l’arrestation de Adam Rishek, un enfant de sept ans accusé d’avoir lancé des pierres. C’est un signe de la colère croissante causée par ces arrestations. Ses parents ont ensuite porté plainte parce que, selon eux, il avait été battu par les officiers de police.
Les tensions entre les colons et les résidents palestiniens ont augmenté régulièrement depuis que la municipalité de Jérusalem a rendu public en février dernier le projet de démolir des douzaines de maisons palestiniennes dans le quartier de Bustan pour agrandir un parc archéologique à thème biblique qui est géré par Elad, une organisation de colons.
Le projet a été mis sous le coude suite à des pressions étasuniennes sur Benjamin Netanyahu, le Premier Ministre israélien. Fakhi Abu Diab, un leader communautaire local, a mis en garde les autorités sur le risque que les affrontements réguliers entre les colons et les jeunes palestiniens de Silwan, qu’on appelle parfois "l’intifada de pierre", ne dégénèrent en un soulèvement palestinien de grande ampleur.
"Nos enfants sont sacrifiés pour permettre aux colons de prendre la place de notre communauté" dit-il.
Dans la conclusion d’un reportage récent appelé "espace dangereux" ACRI affirme que la police dans son effort pour nettoyer le quartier des lanceurs de pierre ont violé les droits légaux des enfants et occasionné aux mineurs des traumatismes profonds.
Des témoignages rassemblés par des groupes de défense des droits de l’homme dévoilent le schéma répétitif suivant : on arrête les enfants au cours de raids à la faveur de la nuit (qui tombe vers 19H en Israël NdT), on leur met les menottes et on les interroge pendant des heures hors de la présence d’un parent ou d’un homme de loi. Dans de nombreux cas, les enfants ont affirmé avoir subi des violences ou fait l’objet de menaces.
Le mois dernier, 60 experts légaux israéliens des soins des enfants, dont Yehudit Karp, une ancienne élue et ancienne Ministre de la Justice, ont écrit à M. Netanyahu pour condamner le comportement de la police.
" Nous sommes particulièrement troublés par les témoignages d’enfants de moins de 12 ans, l’âge légal pour être responsable pénalement, qui ont été soumis à des interrogatoires au cours desquels ils ont subi des violences et des abus de pouvoir."
A la différence de la Cisjordanie qui est gouvernée par la loi militaire, les enfants de Jérusalem Est soupçonnés d’avoir lancé des pierres devrait être traités selon le droit criminel israélien.
Israël a annexé Jérusalem Est après la guerre des six jours de 1967, en violation du droit international et ses 250 000 habitants palestiniens ont le statut de résident permanent en Israël.
Les mineurs, c’est à dire les moins de 18 ans, devraient être interrogés par des officiers spécialement entraînés pour ça et seulement pendant les heures de la journée. Les enfants doivent pouvoir consulter un avocat et un parent devrait être présent.
Ronit Sela, un porte-parole de l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI) dit que son organisation a été "choquée" par le grand nombre d’enfants arrêtés à Jérusalem Est dans les derniers mois, souvent par des unités de la police secrète.
"Nous avons reçu beaucoup de témoignages d’enfants qui nous ont décrit les violences terrifiantes qu’ils ont subi pendant leurs arrestations et leurs interrogatoires".
Muslim, qui a 10 ans, habite dans le quartier de Bustan dans une maison dont les autorités israéliennes ont ordonné la démolition. Son cas est répertorié dans le rapport de ACRI et dans un interview il a raconté qu’il avait été arrêté quatre fois cette année alors qu’il n’a pas l’âge d’être responsable au regard de la loi pénale. La dernière fois c’était en octobre ; il fut agrippé par trois policiers en civil qui avaient sauté d’une camionnette.
"Un des hommes m’a saisi par derrière et m’a étouffé. le second a attrapé ma chemise et l’a arrachée de mon dos et les troisième m’a tordu les mains derrière le dos et me les a attachées avec une corde en plastique. "Qui a lancé des pierres ?" m’a demandé l’un d’eux. "Je ne sais pas" ai-je répondu. Alors il s’est mis à me frapper sur la tête et j’ai hurlé de douleur."
Muslim fut emmené en garde à vue et relâché six heures plus tard. Un docteur a constaté que l’enfant avait des blessures qui saignaient aux genoux et des hématomes sur plusieurs endroits du corps.
Selon le père de Muslim qui a deux enfants en prison, l’enfant fait des cauchemars la nuit et n’arrive plus à ce concentrer à l’école : "Cela l’a terriblement perturbé." Mme Sela a déclaré que les arrestations se multipliaient à Silwan depuis qu’un garde de sécurité privé avait tué le Palestinien Samer Sirhan avec son arme à feu en septembre, et blessé deux autres Palestiniens.
Les affrontements entre les colons et la jeunesse de Silwan ont pris une place centrale dans les médias en octobre quand le directeur de l’organisation de colons Elad, David Beeri, a été filmé en train de foncer sur deux jeunes qui lançaient des pierres sur sa voiture.
Un des deux, Amran Mansour, 12 ans, qui avait été propulsé par dessus le capot de la voiture de M. Beeri fut arrêté peu de temps après lors d’un raid en pleine nuit dans son domicile familial.
En octobre dernier aussi, neuf MP (Membres du Parlement) de droite se sont plaints d’avoir reçu des pierres alors qu’ils faisaient une visite de solidarité en minibus à Beit Yonatan, une grande demeure que les colons contrôlent à Silwan. La Cour de Justice d’Israël en a ordonné la démolition mais le Maire de Jérusalem, Nir Barkat, refuse de le faire.
Suite a cette attaque, Yitzhak Aharonovitch, le Ministre de la Sécurité Publique a déclaré : "Nous ferons cesser ces jets de pierre au moyen de la police secrète et de la police en uniforme et nous ramènerons le calme." Le mois dernier la police a annoncé que des arrestations à domicile d’enfants seraient opérées plus souvent et que des amendes allant jusqu’à 1 400 dollars seraient imposées aux parents.
B’Tselem, un organisme israélien des droits de l’homme, a rapporté le témoignage de "A.S." un enfant de 12 ans qui a été emmené pour un interrogatoire à 15 heures.
"Je suis resté a genoux en face du mur. Chaque fois que j’essayais de me lever un homme en vêtements civils me donnait un coup sur la tête... L’homme m’a dit de me prosterner sur le sol et de demander pardon, mais j’ai refusé en disant que je ne m’inclinais que devant Allah. Pendant tout ce temps les pieds et les jambes me faisaient horriblement mal. J’étais terrifié et je tremblais de tous mes membres."
B’Tselem a déclaré : "Il est difficile de croire que les forces de sécurité appliqueraient le même traitement à des jeunes juifs."
Micky Rosenfeld, un porte-parole de la police a nié le fait que la police avait violé les droits des enfants. Il a ajouté : "Il revient aux parents de s’assurer que leurs enfants ne se livrent pas à des actes criminels."
Selon Jawad Siyam, un militant de la communauté de Silwan, le but des arrestations et de l’activité croissante des colons est de " nous rendre la vie insupportable pour nous forcer à partir."
Les 60 experts qui ont écrit à M. Netanyahu ont affirmé que les abus dont sont victimes les enfants provoquent "des désordres nerveux post-traumatiques comme les cauchemars, l’insomnie, les pipis au lit et la crainte incessante des policiers et des soldats." Ils ont aussi fait remarquer que les enfants qui faisaient l’objet d’une assignation à résidence étaient de ce fait privés d’éducation.
L’année dernière, le comité contre la torture de l’ONU a exprimé sa "profonde inquiétude" devant le traitement qu’Israël réserve aux mineurs palestiniens et a dit qu’Israël violait la Convention des Droits des Enfants de Genève qu’il a pourtant signée.
Au cours des 12 derniers mois, l’organisation Défense Internationale des Enfants a fourni à l’ONU des détails sur les abus physiques et psychologiques que plus de 100 enfants affirment avoir subies pendant leur garde à vue par l’armée.
* Jonathan Cook est un écrivain et un journaliste basé à Nazareth en Israël. Ses derniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran et the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books).
http://dissidentvoice.org/2010/12/i... Traduction : D. Muselet