Mohammad Talaat
The Electronic Intifada
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Après une forte progression des actions pour les désinvestissements dans les campus universitaires nord-américains le printemps dernier, cette prochaine année académique promet un plus grand nombre encore d’initiatives.
Les succès et quasi-succès de ces actions sur plusieurs campus l’an dernier, associés à l’agression d’Israël contre la Flottille de la Liberté pour Gaza cet été, ont inspiré de nouvelles initiatives aux militants pour la paix et la justice, afin de cibler les entreprises qui tirent profit et se rendent complices du régime d’apartheid d’Israël.
Peut-être que la plus importante de ces initiatives de désinvestissements est en train de prendre forme en Californie. L’initiative californienne de désinvestissements d’Israël cherche à faire voter les électeurs des universités de Californie pour demander que les fonds de pension de l’Etat, le Système de retraite des employés du public de Californie (CALPERS) et celui des enseignants de l’Etat de Californie (CALSTRS), se désinvestissent des entreprises qui permettent ou profitent de l’occupation israélienne et des violations systématiques des droits humains des Palestiniens. Bien qu’elle ne soit pas basée sur l’université, elle est néanmoins conduite, pour une grande part, par des enseignants et des étudiants d’universités. Leur objectif est clair : étant confrontés à l’obstructionnisme des administrations des universités, ils vont poser la question directement aux électeurs des universités.
Les étudiants des campus de l’Université de Californie (UC) et celle de l’Etat de Californie (CSU) coordonnent une vaste campagne pour recueillir les 440 000 signatures requises pour une opération de vote, et la liste des volontaires ne cesse de croître. L’initiative a déjà reçu le soutien de l’archevêque Desmond Tutu, du rabbin Lynn Gottlieb, du professeur Noam Chomsky, d’un certain nombre de personnalités laïques et religieuses, et de membres des CALPERS et CALSTRS.
Pendant ce temps, les actions des campus pour les désinvestissements continuent d’amplifier en nombre et en portée. Mais des administrateurs d’université, par nature redevables aux donateurs conventionnels et craignant le « label d’antisémitisme », ont entrepris de limiter les « dégâts » de ce mouvement de Boycott, Désinvestissements et Sanctions (BDS) qui prolifère. Hampshire College, par exemple, a cédé ses capitaux Strate Street, tout en niant publiquement que la vente aurait été motivée par un désinvestissement d’Israël. Certains autres administrateurs ont tenté d’ignorer la question, voulant l’écarter. Cependant, ces tentatives ont eu l’effet inverse.
La réponse de l’administration de l’Université de Californie aux initiatives de désinvestissements de ses campus est un exemple frappant qui montre à quel point les forces du statu quo sont prêtes à tout, et comment les fondements moraux et intellectuels se dérobent sous leurs pieds.
Au printemps dernier, les gouvernements d’étudiants de deux campus de l’UC ont adopté des mesures appelant aux désinvestissements d’entreprises qui profitent de l’occupation israélienne et des crimes de guerre commis durant l’invasion de Gaza l’hiver 2008-09. En réaction, le président de l’université, Mark Yudof, conjointement avec le président et le vice-président du conseil d’administration, a publié une Déclaration de l’Université de Californie sur les désinvestissements officielle qui s’opposait à ce que l’on prenne pour cible Israël, alors que les projets étudiants, d’une part, portaient exclusivement sur des entreprises US qui fournissent un soutien matériel à l’occupation illégale israélienne et, d’autre part, apportaient des informations sur les crimes de guerre. La déclaration se référait également à la douleur provoquée par ces initiatives de désinvestissements chez la communauté juive, alors que les projets avaient reçu un fort soutien de personnalités et d’organisations juives locales et internationales. La déclaration faisait fi encore des 41 organisations d’étudiants, des 86 membres de l’Université de Californie, sans parler des 5 Prix Nobel de la paix, qui, publiquement, ont soutenu les résolutions. De plus, pour tenter de réduire la portée du soutien à cette initiative de désinvestissements sur les campus, et en se servant d’un langage plutôt dédaigneux, la déclaration affirmait le refus de l’Université d’engager ses administrateurs dans toute mesure de désinvestissements sauf, sauf si le gouvernement des Etats-Unis déclare que l’Etat en question (Israël) commet un génocide.
Cependant, l’idée qu’une institution universitaire ne peut suivre une politique d’investissement responsable socialement qu’APRES que le gouvernement US eut constaté des actes de génocide - pas moins -, cette idée vient en contradiction de la tradition de l’Université de Californie, des valeurs de la démocratie et du militantisme citoyens. En outre, elle cautionne l’inaction au nom d’une horreur indicible et abandonne toute conscience et responsabilité humaines devant l’agenda et l’humeur des politiciens des Etats-Unis. Après tout, Washington n’a toujours pas pris de décision sur le génocide arménien de la Première Guerre mondiale !
Selon cette politique de retrait devant le gouvernement US, l’Université de Californie aurait jugé tout aussi inacceptable de se désinvestir des entreprises soutenant l’occupation nazie de l’Europe et l’extermination de civils dans les camps de la mort avant la déclaration de guerre des Etats-Unis - où même avant la reconnaissance par les Etats-Unis du génocide après la fin de la guerre. En outre, si Yudof avait été président de l’université en 1986, il n’aurait pas voté le désinvestissement des entreprises soutenant le régime d’apartheid d’Afrique du Sud alors que les administrateurs de l’université l’ont fait, et de façon mémorable, dans un succès novateur. En tant qu’universitaire et présumé défenseur de la liberté d’expression, le président de l’université devrait dénoncer cette politique, et non pas la promouvoir.
Ces proclamations par les administrateurs universitaires visent en fait à vider la conscience et le militantisme universitaires de toute substance, et de les réduire à des slogans creux et à des défilés colorés. Les politiques qu’ils mettent en œuvre ne sont qu’une tentative à peine voilée pour neutraliser les campus universitaires, les dissuader de conduire toute lutte contre le racisme et l’injustice sociale. En tant qu’acteurs autonomes, les universités et les citoyens indépendants doivent conserver ce droit d’influencer, de peser sur la politique de leur gouvernement.
Si ce qui se passe en Californie est significatif, alors les tentatives autoritaires des administrations de campus pour museler ou faire obstruction à l’exercice de ce droit sur les campus auront pour résultat, dans leur district, de porter ce militantisme dans la rue ! C’est ce droit que les professeurs et les étudiants vont probablement exercer durant la prochaine année universitaire, puis tous les ans, sur le campus et en dehors du campus, jusqu’à ce que l’apartheid israélien soit démantelé.
Mohammad Talaat est maître assistant de génie civil à l’université du Caire et ancien élève de l’université de Californie, Berkeley. Il est actuellement en congé universitaire dans la baie de San Francisco.
Mohammad Talaat est maître assistant de génie civil à l’université du Caire et ancien élève de l’université de Californie, Berkeley. Il est actuellement en congé universitaire dans la baie de San Francisco.
8 septembre 2010 - The Electronic Intifada - traduction : JPP