Thomas Keenan et Eyal Weizman
L’assaut de la marine israélienne contre la flottille humanitaire pour Gaza et la mort de neuf passagers ont soulevé une large réprobation internationale. Loin d’être une simple bavure, cette attaque confirme le tournant radical pris par les autorités israéliennes vis-à-vis du droit humanitaire international et des organisations de défense de la personne.
Il faudra encore éclaircir de nombreux détails dans la manière dont un commando de la marine israélienne s’est emparé au petit matin du 31 mai 2010 du Mavi-Marmara, le navire amiral de la flottille humanitaire pour Gaza. Quelles que soient les révélations de l’enquête, ce raid israélien témoigne de deux nouveaux développements, à la fois parallèles et liés : la politisation croissante de l’assistance humanitaire, et la défiance grandissante des autorités israéliennes vis-à-vis des organisations de défense des droits humains et du droit international.
A quelques rares exceptions près, dans le monde jusqu’ici les attaques directes et programmées contre des humanitaires ou des militants des droits de la personne (y compris ceux qui n’ont pas respecté le principe de neutralité) ont surtout été l’œuvre de milices rebelles, de gangs criminels et d’Etats policiers. Parmi eux, les talibans, l’armée de la République serbe de Bosnie, les insurgés irakiens et les responsables des « guerres sales » en Amérique latine. Avec l’assaut meurtrier contre le navire turc, le gouvernement israélien a-t-il décidé de marcher sur les traces de ceux-ci ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de revenir en arrière. Cette attaque en Méditerranée — suivie, le 5 juin, par l’arraisonnement non violent du vaisseau humanitaire Rachel-Corrie — est l’apogée sanglante d’un processus au cours duquel le gouvernement israélien et des organisations privées inféodées ont commencé à considérer les organisations humanitaires et de défense des droits humains — ainsi que le droit humanitaire international — comme des « ennemis » ou des menaces pour l’existence même de l’Etat.
Avant le départ de la flottille, le vice-ministre israélien des affaires étrangères Danny Ayalon déclarait : « Il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza » ; la flottille n’était donc pas une mission d’assistance mais « une provocation visant à délégitimer Israël ». (...)
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