Joharah Baker - Miftah
Il y a peu, j’ai eu l’occasion d’avoir une discussion avec un Juif Israélien d’âge mur à propos de Jérusalem. Je ne parle pas souvent à des Juifs ordinaires, surtout parce que je n’en rencontre pas souvent.
J’ai surtout des rapports avec leur armée : la police qui patrouille dans la vieille ville de Jérusalem, les soldats qui contrôlent le checkpoint de Qalandiya que je traverse au moins cinq fois par semaine ou encore le personnel des frontières chaque fois que je sors du pays par le pont Allenby.
Ce jour-là cependant, mon amie et moi avions emmené nos enfants jouer au foot sur une pelouse près de la Porte Neuve et nous avons aperçu un Juif Israélien avec son chien, un superbe labrador. Il lançait une balle et le chien la rapportait. Très vite nos enfants s’intéressèrent au chien et son propriétaire rassura gentiment les plus petits, leur disant qu’il ne mordait pas et les encourageant à jouer à la balle avec lui.
Il parlait avec un accent qui n’était pas l’accent israélien, mais je me suis dit qu’il n’était pas Palestinien car alors il nous aurait parlé en Arabique. En tous cas, au bout de quelques minutes il nous a demandé d’où nous étions. "De Palestine", lui ai-je répondu simplement mais en le regardant droit dans les yeux pour qu’il sache que je ne plaisantais pas. "Oh de Palestine, très bien" dit-il dans un souffle. Peu après je lui ai renvoyé la question :"Et vous, d’où venez-vous ? - D’ici, de Jérusalem, d’Israël !" m’a-t-il répondu, presque offensé que ça ne soit pas évident pour moi.
Je tenais ma chance. Pas question de laisser passer une opportunité en or comme celle-ci de dire ma façon de penser à un Juif Israélien ordinaire : "Mais Jérusalem est palestinienne. Ici nous sommes en Palestine" dis-je malicieusement. De fait nous étions dans Jérusalem-Est et donc même les critères politiques en vigueur me donnaient raison. Mais le promeneur jusqu’ici amical n’a rien voulu savoir :"Pas du tout, nous sommes en Israël, tout ici est Israël".
Très bien, me suis-je dit, si c’est une guerre des mots que tu veux, tu vas l’avoir. "Je ne crois pas", dis-je calmement, "ceci est la Palestine, ça l’a toujours été et ça le sera toujours" et je lui fis un autre sourire espiègle.
Alors il se mit en colère. Il refusa carrément de me dire d’où il était originaire et se mit a me répéter :"Je suis Israélien et ici c’est Israël". Finalement, excédé par ces Palestiniens (qui eux, s’amusaient beaucoup), il attrapa son chien, nous planta là et dévala rapidement la colline en grommelant des injures en Arabique.
Evidemment cet incident n’a aucune commune mesure avec le conflit israélo-palestinien dans son ensemble mais il est révélateur de l’état d’esprit du Juif Israélien moyen. L’inconnu amical qui a proposé à quatre enfants (qui parlaient anglais) de jouer avec son chien, est devenu hostile et méfiant dès qu’il a appris que nous étions des Palestiniens qui croyions à un état palestinien. Ce n’est pas la première fois bien sur que cela se produit. Jérusalem est un sujet sensible pour les Juifs Israéliens comme pour les Palestiniens et soulève des émotions fortes. D’ailleurs, moi qui me considère comme une Palestinienne ordinaire, je sais que rien ne me met autant hors de moi que la prétention d’Israël à faire de Jérusalem unifiée sa capitale à jamais.
Il y a sans nul doute des Juifs Israéliens qui sont prêts à négocier pour Jérusalem une solution qui tienne compte des revendications palestiniennes. Mais malheureusement, la majorité des Juifs Israéliens se refusent à tout compromis, surtout quand il s’agit des droits des Palestiniens. De notre côté, il me semble que les Palestiniens ont fait autant de compromis qu’il leur était possible d’en faire et Jérusalem-Est est la ligne rouge qu’ils ne franchiront pas. Nous sommes prêts à partager -du moins pour la grande majorité d’entre nous- nous l’avons dit et redit. Si Jérusalem ne devient pas la capitale ouverte de deux peuples sous protection internationale, alors elle sera partagée d’est en ouest. On peut le supporter. On peut partager. Mais, oh grossier propriétaire de chien anonyme, il faudra pour cela que vous changiez d’attitude !
Johara Backer
* Johanah Baker écrit pour le département de l’information et des médias de l’Initiative Palestinienne pour la Promotion du Dialogue Global et la Démocratie (MIFTAH). Elle peut être contactée à mid@miftah.org
14 avril 2010 - Miftah - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’anglais : DM
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