Renée-Anne Gutter
Le Premier ministre israélien doit tirer les conclusions de son fiasco aux Etats-Unis. Et choisir entre ses alliés ou des sanctions d’Obama.
Gauche et droite sont unanimes en Israël : l’heure de vérité approche pour Benjamin Netanyahou. En effet, malgré le semblant d’optimisme que le Premier ministre israélien a cherché à sauvegarder en quittant les Etats-Unis, jeudi, les sources américaines ont confirmé que le marathon de tractations mené in extremis avec le président Obama s’est soldé par un fiasco [1].
M. Netanyahou affirme avoir progressé dans la recherche du "juste milieu" entre son désir de relancer le processus de paix et la politique traditionnelle d’Israël (avec expansion juive dans la Jérusalem palestinienne). Mais pour la Maison-Blanche, jamais dialogue n’a été si vain. Pas de déclaration commune, pas d’entente sur le document de base qui pourrait relancer les négociations avec les Palestiniens, pas de date pour la reprise de ces négociations. Au lieu de cela, une Washington de plus en plus irritée et, au pôle opposé, des nationalistes israéliens de plus en plus triomphalistes.
Car la droite israélienne s’est empressée jeudi de féliciter "Bibi" de son intransigeance, l’encourageant à rester intraitable face à "l’intolérable diktat" américain. En particulier sur Jérusalem, "capitale indivisible et éternelle de l’Etat juif". "Je remercie Dieu qu’il me soit donné d’être le ministre qui approuve la construction de milliers de logements à Jérusalem", a déclaré le ministre de l’Intérieur, Eli Yichaï, du parti religieux Shass. Celui-là même qui a récemment été le catalyseur de la crise entre Israël et les Etats-Unis, lorsqu’en pleine visite du vice-président Joe Biden, son ministère a donné le feu vert à 1600 nouveaux logements juifs à Jérusalem-Est.
La construction juive à Jérusalem est "inconditionnelle", a souligné le vice-Premier ministre du Likoud, Silvan Shalom, "Netanyahou est mandaté par le peuple juif et nous n’avons pas l’option d’en décider autrement".
M. Netanyahou va toutefois devoir choisir. Sacrifier l’idéologie pour la relance diplomatique façon Obama, ce qui lui fera perdre sa majorité actuelle et l’embarquera dans des marchandages politiques incertains avec l’opposition centriste Kadima. Ou s’accrocher au credo nationaliste et s’enfoncer dans l’impasse diplomatique, ce qui le maintiendra au pouvoir, mais lui coûtera en sanctions américaines, en isolement international et en regain de violence en Cisjordanie, à Gaza et à la frontière libanaise.
Car Barack Obama attend toujours des réponses. Et dès ce vendredi, M. Netanyahou compte déjà réunir son minicabinet pour entamer un débat crucial. A l’agenda : les principes de base qui devraient permettre l’ouverture de pourparlers indirects avec les Palestiniens et conduire ensuite aux négociations finales et directes pour un Etat palestinien aux côtés d’Israël. Des principes dont M. Obama exige qu’ils soient explicitement mis sur papier et endossés par Israël. Afin que les Etats-Unis puissent les présenter de façon crédible aux Palestiniens, ainsi qu’à la Ligue arabe qui se réunit ce week-end en Libye, dans l’espoir d’obtenir le feu vert renouvelé du monde arabe pour la relance du processus diplomatique avec Israël.
Parmi les engagements exigés d’Israël : aborder les problèmes de fond - frontières, sécurité, Jérusalem, réfugiés palestiniens - de façon substantielle dès les pourparlers indirects, finaliser le processus dans un calendrier fixé à l’avance, par exemple d’ici deux ans, geler la construction juive à Jérusalem-Est, prolonger le gel de la construction juive en Cisjordanie au-delà du moratoire décrété par M. Netanyahou, qui vient à expiration cet automne.
Autant d’exigences irrecevables pour la droite israélienne au pouvoir... [2]
publié par la Libre Belgique
ajout de notes : C. Léosticc, Afps