Mel Frykerg
IPS News
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« Nous reviendrons demain, après l’école. Ce n’est pas fini. Nous reviendrons ici chaque jour et nous continuerons à manifester pendant des semaines et des mois.
Les ados palestiniens affrontent les soldats de l’occupation à Qalandya (AP)
Mardi, 16 mars, des centaines et des centaines de Palestiniens de toutes tendances politiques sont descendus dans les rues, les ruelles et sur les trottoirs, se déchaînant et manifestantt partout à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et en Israël proprement dit.
Cette violence, la plus grande depuis plusieurs années, quelque chose comme une mini-Intifada ou un mini-soulèvement, est survenue après l’appel du mouvement islamique Hamas à une « Journée de la colère » pour protester contre la judaïsation que continue Israël à Jérusalem-Est et que les Palestiniens voient comme une tentative de s’emparer des lieux saints islamiques.
Les émeutes étaient relativement limitées en raison des barrages militaires israéliens et d’un bouclage imposé sur la Cisjordanie visant à empêcher les Palestiniens d’arriver jusqu’à Jérusalem.
Plus de 100 Palestiniens ont été blessés, dont 16 souffrent de fractures et de blessures au ventre et aux yeux, et environ 80 ont été arrêtés alors que se multipliaient les affrontements et les face-à-face avec les forces de sécurité israéliennes. Des soldats et policiers israéliens ont également été blessés.
Mercredi, des milliers d’Israéliens des forces de sécurité étaient toujours en alerte maximale, s’attendant à de nouvelles émeutes.
Les forces de sécurité palestiniennes étaient aussi placées en état d’alerte maximale dans la crainte que les manifestations s’étendent aux check-points et aux colonies d’Israël en Cisjordanie et que dégénère une situation déjà explosive.
« Nous reviendrons demain, après l’école. Ce n’est pas fini. Nous reviendrons ici chaque jour et nous continuerons à manifester pendant des semaines et des mois, » a dit l’un des manifestants à IPS.
« Ce n’est que le début. Cela est en train de devenir une campagne permanente contre l’occupation israélienne et la profanation de nos lieux saints, » a déclaré Nasser Edwan (nom modifié), dirigeant local de la jeunesse, à IPS.
A Qalandya, camp de réfugiés et check-point, entre Jérusalem et Ramallah, des centaines de lycéens et d’ados s’avançaient régulièrement vers le check-point israélien, par vagues, en jetant des pierres et des bouteilles.
Ailleurs, ce sont des cocktails Molotov qui étaient lancés, des containers à ordures incendiés, un policier israélien s’est fait tirer dessus par un assaillant palestinien.
Les Forces de défense israéliennes tentaient de disperser les émeutiers en tirant à balles d’acier enrobées de caoutchouc et en lançant des lacrymogènes. Mais les manifestants étaient à peine repoussés qu’ils revenaient en nombre sur le check-point. Des tas ont été blessés et un certain nombre arrêtés.
Habituellement, les manifestations ici suivent un rituel pratiqué par les deux côtés et qui se déroule selon des règles non dites. Jusqu’à présent, les confrontations dans les différents villages de Cisjordanie et à Jérusalem-Est duraient normalement quelques heures et, une fois les deux côtés - soldats israéliens et manifestants palestiniens - épuisés, chacun rentrait à « sa base ».
Les manifestations précédentes à Qalandya, auxquelles a pu assister IPS, étaient disloquées après quelques heures.
Mais la violence, mardi, a fait rage depuis tôt le matin jusqu’à tard dans la nuit. Les mêmes scénarios se sont déroulés en divers endroits de Jérusalem-Est occupée et de Cisjordanie, et des milliers de Gazaouis sont descendus dans les rues dans la bande de Gaza.
Il y avait, ces dernières semaines, comme une atmosphère palpable de colère contenue chez les Palestiniens dans Jérusalem-Est et en Cisjordanie, à cause de la judaïsation accélérée par Israël de Jérusalem-Est.
Les tensions se sont exacerbées lundi avec l’inauguration d’une synagogue juive sur le site d’une mosquée, dans le quartier juif de la vieille ville de Jérusalem.
Les tentatives par les extrémistes juifs de pénétrer à l’intérieur de la mosquée Al Aqsa, troisième lieu le plus saint de l’Islam, ont également alimenté la colère des Palestiniens. Ces extrémistes déclarent vouloir construire le troisième Temple juif sur les restes d’Al Aqsa.
L’importance et la signification d’Al Aqsa, même pour les musulmans modérés et laïques, sont non reconnues dans de nombreux quartiers de Jérusalem-Ouest.
Manifestation à Gaza le 16 mars
(AP)
« Je n’ai que deux fils et je les aime, mais je suis prêt à les sacrifier tous les deux pour Al Aqsa, » a déclaré un militant laïque et ancien dirigeant Fatah dans la vieille ville de Jérusalem, à IPS.
« Quand se sont produites plusieurs émeutes, il y a quelques semaines, j’ai appelé mes fils et je leur ai dit de fermer notre boutique pour touristes et d’aller défendre la mosquée contre les colons. Croyez-vous que ce soit facile pour moi de perdre mes fils ? Al Aqsa est une ligne rouge que personne ne doit franchir, » a-t-il dit à IPS.
Tel est le raisonnement qui se tenait derrière le terrain d’entente qu’ont trouvé les directions des deux factions politiques palestiniennes, Hamas et Fatah, quand elles appelèrent leurs sympathisants respectifs à descendre dans la rue.
De hauts responsables de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), affiliée au Fatah, s’étaient réunis quelques jours plus tôt à l’hôtel Ambassadeur à Jérusalem-Est, avant d’appeler les Palestiniens à l’action.
C’est dans ce même hôtel que les directions s’étaient rencontrées et avaient appelé à prendre des mesures défensives, avant le déclanchement de la Deuxième Intifada, en 2000, quand le Premier ministre israélien d’alors, Ariel Sharon, avait fait une visite provocatrice à la mosquée, malgré les mises en garde de la sécurité israélienne.
De plus, les Brigades des Martyrs Al Aqsa, affiliées au Fatah, ont demandé à l’Autorité palestinienne de leur permettre de se réarmer et de défendre Al Aqsa contre les Israéliens.
Israël a récemment gracié plus de 70 anciens membres d’Al Aqsa à la condition qu’ils abandonnent leurs armes et cessent toute résistance. Des centaines d’autres furent graciés par Israël au cours des années passées.
Le dirigeant du Hamas, Ahmed Bahar, a appelé à une reprise des attaques armées contre Israël et exhorté les Etats arabes à soutenir la résistance.
Cependant, les colons israéliens ont prévenu qu’ils exerceraient des représailles contre tout émeutier palestinien en pratiquant la surenchère dans la contre-émeute.
Ils ont également averti qu’ils attaqueraient « les Arabes et leurs biens » s’ils étaient empêchés d’entrer sur l’esplanade d’Al Aqsa à l’avenir.
Si une Intifada à grande échelle ne semble pas imminente, les troubles pourraient très probablement prendre de l’ampleur selon certains analystes israéliens qui qualifiant les évènements de mardi d’« Intifada à faible intensité ».
Qalandya, le 17 mars 2010 - IPS - traduction : JPP
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8379
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