Karine Laub
Un climat idéal, 19.000 habitants, une zone industrielle, un complexe sportif, un embryon d’université... Ariel a tout d’une ville agréable en plein essor. Oui, mais Ariel est une colonie israélienne implantée au beau milieu de la Cisjordanie et, de par son importance, pourrait à elle seule empêcher un accord sur la création d’un futur Etat palestinien.
A la différence des trois autres principaux foyers israéliens de colonisation, tous situés près des frontières de l’Etat hébreu, Ariel se situe au coeur de la Cisjordanie, à une soixantaine de kilomètres au nord de Jérusalem et à une quarantaine à l’est de Tel Aviv. Autre particularité, sa taille : outre ses 19.000 habitants, elle compte des colonies satellite qui abritent 30.000 personnes supplémentaires, soit 10% de la population juive parmi les Arabes de Cisjordanie.
Ariel pose donc un dilemme unique au gouvernement israélien en cas d’accord sur la création d’un Etat palestinien : sa taille la rend difficile à évacuer, mais sa situation géographique complique son annexion. "Un Etat palestinien ne sera pas viable si (les Israéliens, NDLR) gardent Ariel", résume le négociateur palestinien Saeb Erekat.
D’anciens négociateurs israéliens confirment que le sort d’Ariel a toujours représenté un obstacle majeur lors des précédents pourparlers. Et, lors de deux simulations de négociations sur un accord, le camp israélien a toujours fini par céder la colonie aux Palestiniens.
En attendant, à mesure qu’Ariel grossit, le dilemme s’aggrave. Fondée en 1978 par Ron Nachman, son maire aujourd’hui encore, avec l’accord du gouvernement du Premier ministre de l’époque, Menachem Begin, la colonie s’étend aujourd’hui sur 1.200 hectares et emploie plusieurs milliers de Palestiniens dans sa zone industrielle. M. Nachman, qui estime qu’aucun gouvernement israélien ne peut se permettre d’abandonner sa ville, rêve de tripler sa population en l’espace d’une génération.
Si le Premier ministre Benjamin Nétanyahou a concédé aux Etats-Unis un gel partiel des implantations jusqu’à septembre, 80 appartements et 130 chambres de dortoir estudiantin sont en construction à Ariel, leurs fondations ayant été coulées avant l’entrée en vigueur du gel. Le maire affirme avoir déjà achevé les plans de 3.000 appartements supplémentaires, mais attend l’accord du gouvernement après septembre pour lancer les travaux.
Sont également en projet un centre commercial sur deux niveaux et un centre culturel promis par Benjamin Nétanyahou lors d’une visite à Ariel en janvier. "C’est ici que nos ancêtres ont vécu", avait déclaré le Premier ministre, plantant un arbre dans la ville lors de sa venue. "C’est ici que nous demeurerons et que nous bâtirons".
Peuplée par moitié d’immigrés russes et ukrainiens arrivés en masse dans les années 1990 après la chute de l’Union soviétique, Ariel dispose de plusieurs atouts garantissant son expansion : subventions du gouvernement, allégements d’impôts pour les entreprises venant s’y implanter, logements à bas prix.
Le symbole des problèmes posés par son expansion est peut-être son établissement d’études supérieures, le Centre universitaire de la Samarie, du nom donné par les nationalistes israéliens au territoire recouvrant aujourd’hui le nord de la Cisjordanie.
En janvier, le ministre de la Défense, le travailliste Ehoud Barak, a donné son feu vert pour que le centre, qui accueille aujourd’hui plus de 11.000 étudiants, soit officiellement reconnu comme un institut universitaire d’ici 2012, ce qui en ferait la première université israélienne dans une colonie.
Selon son président, Dan Meyerstein, le projet d’agrandissement bénéficie du soutien de la population israélienne [1]]. D’autres observateurs craignent toutefois un boycott d’universitaires étrangers pro-palestiniens. En 2009, l’Espagne a ainsi exclu le Centre universitaire de la Samarie d’un concours d’ingénierie solaire en raison de son implantation dans une colonie. Et 250 maîtres de conférence israéliens ont signé ce mois-ci une pétition contre la transformation du centre en université. AP
[1] sur l’appui des Israéliens à la colonisation voir le Nouvel Obs :
Des Israéliens manifestent contre la colonisation à Jérusalem
Environ 2.000 manifestants israéliens ont dénoncé, à Jérusalem, la colonisation par l’Etat hébreu du quartier arabe de Cheikh Jarrah.
Environ 2.000 manifestants israéliens se sont rassemblés samedi 6 mars en début de soirée dans le quartier arabe de Cheikh Jarrah à Jérusalem-Est pour dénoncer la colonisation israélienne dans cette partie de la ville. Les manifestants, organisés au sein d’un collectif de mouvements pacifistes et d’extrême-gauche, brandissaient des drapeaux rouges ou Israéliens portant l’inscription "Shalom" (paix en hébreu) en criant "Non à l’épuration ethnique". Plusieurs familles palestiniennes du quartier de Cheikh Jarrah ont été expulsées ces derniers mois au profit de colons israéliens. Ces expulsions ont provoqué des manifestations réprimées par la police et mené à l’interpellation de pacifistes israéliens et de militants pro-palestiniens étrangers.
Tensions après les affrontements de vendredi
De très importantes forces de l’ordre étaient déployées pour cette manifestation que les responsables de la police avaient voulu interdire. Elle a été finalement été autorisée à la suite d’un appel présenté des mouvements d’extrême-gauche. De vives tensions règnent dans la Vieille ville à la suite d’affrontements vendredi entre manifestants palestiniens et policiers israéliens dans et autour de l’esplanade des Mosquées.
Depuis 1967
Jérusalem-Est a été conquis par Israël lors de la guerre de juin 1967. L’Etat hébreu a ensuite annexé cette partie de la ville et y a construit une douzaine de nouveaux quartiers où résident plus de 200.000 Israéliens. Cette annexion n’a jamais été reconnue par la communauté internationale. Les Palestiniens dénoncent la colonisation de Jérusalem-Est dont ils veulent faire la capitale de leur futur Etat. Début février, le quotidien Haaretz avait révélé que les autorités israéliennes avaient donné leur feu vert à un projet de construction de 600 logements dans un quartier de colonisation dans le secteur oriental. La construction de logements à Jérusalem-Est n’est pas concernée par le moratoire de 10 mois des mises en chantier de logements décrété par le gouvernement de Benjamin Netanyahu dans les colonies de Cisjordanie occupée.
[->http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/20100307.OBS9021/des_israeliens_manifestent_contre_la_colonisation_a_jer.html
AP, relayé par Yahoo