dimanche 10 janvier 2010

Un jour à Tulkarem

samedi 9 janvier 2010 - 13h:35
Diego Gebelin - Al-Qods Palestina
Tulkarem est le portrait craché de la réalité palestinienne, une ville de 65 000 habitants, où les visiteurs sont accueillis avec générosité et affection, une ville où la solidarité et l’humilité coexistent et où l’oppression se reflète dans chaque village, chaque rue et dans le mur qui les entoure. Parce que là chacune des familles a été affectée par la situation que subissent tous les Palestiniens.
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Février 2008 - Les troupes israéliennes d’occupation lancent une rafle dans la ville de Tulkarem et arrêtent plusieurs dizaines de résidants palestiniens - Photo : Mouid Ashqar/MaanImages
Dans le camp de réfugiés de Tulkarem il y a des familles venues de Haïfa, Jaffa et Netanya après les expulsions de 1984. Dans une aire qui fait 5 Km2 coexistent 20 000 des 65 000 personnes qui habitent à Tulkarem.
Puis, et alors qu’on avance le long des rues étroites de ce quartier et à chaque nouveau pas ses habitants vous donnent la bienvenue, vous offrent du café ou du thé et partagent le peu qu’ils ont avec les visiteurs. Les familles ont des histoires d’expulsions, de raids, d’ « assassinats ciblés », de prisonniers politiques, de mort et de misère.
Ce sont des familles honnêtes et de travail qui ont été dépouillées de leurs biens et placées dans un camp dont l’ONU a la charge.
Marei Camar, vient juste d’arriver, toute seule. L’armée a emmené son mari, mais ce n’est qu’un cas de plus, un de plus parmi les 11 000 prisonniers politiques que l’Etat d’Israël détient dans ses prisons.
Marei a 2 enfants atteints de Thalassémie Majeure qui devraient recevoir des transfusions de sang régulièrement. Or, ces enfants ne peuvent plus recevoir de traitement.
Comme il lui est devenu impossible de payer le loyer de la maison où elle et ses enfants habitaient, le propriétaire les a expulsés.
Marei a dû déménager chez son frère dans un camp de réfugiés.
La maladie des enfants s’aggrave puisqu’ils ne reçoivent pas le traitement régulier dont ils ont un besoin vital.
Et dans cette histoire il n’y a pas de retour en arrière possible.
Un autre exemple de la situation de Tulkarem et de Palestine se trouve à Pharaon : C’est une ville qui avant 2003 avait une superficie de 9 000 dunums, mais avec l’avènement du mur, plus de la moitié de cette superficie est maintenant passée du côté israélien.
Ce village de culture si enviable (sur 3.000 habitants 600 ont un diplôme universitaire), vivait de l’agriculture et des plantations d’agrumes.
Basim Abat, propriétaire d’une maison qui est proche du mur, a reçu un ordre d’expulsion à cause de la proximité de sa maison de la construction de ce mur illégal.
Une fois cet ordre livré, l’armée israélienne peut faire irruption chez lui à n’importe quel moment, montée sur ses bulldozers pour démolir sa maison.
Ils octroient lors de leur arrivée, un délai de 10 minutes pour partir et prendre comme affaires ce qu’il est possible de prendre.
Puis ils procèdent à la destruction des propriétés.
Dans ce village on a déjà démoli les maisons de 15 familles qui étaient situées près du mur.
Basim attend son tour, conscient que ce n’est qu’une question de temps.
Avant il se consacrait à travailler la terre de sa propriété, mais lorsqu’en 2003 il l’a perdue, à cause du tracé du mur, il a dû changer son activité pour travailler dans la construction. Il a construit sa maison lui-même, aujourd’hui il ne sait pas à quel moment ils viendront la démolir alors qu’il y habite avec sa femme et ses trois jeunes enfants.
Il n’a nulle autre part où aller.
Et il n’y a pas de retour en arrière possible non plus dans cette histoire.
Tout près de là on trouve un autre exemple de la situation : Le village de Irtah, qui est, lui, dans une situation extrême.
C’est aussi un village d’agriculteurs, auquel l’itinéraire du tracé du mur a volé des terres qui étaient le moyen de subsistance de ses habitants.
Mais celui là n’est pas leur problème le plus grave. Maintenant, ils sont menacés sur tous les flancs :
D’une part le village est situé à côté de deux colonies, Sha’ar Efraim et Nitzanei Oz qui sont sous surveillance permanente ce qui occasionne plusieurs morts par an à toute personne qui s’approche du mur ou de la barrière de sécurité.
En outre, le tracé du Mur, en plus des terres agricoles (50 hectares qui appartenaient à plusieurs familles du village), a privé de leur maison à plus de 15 familles et est proche de nombreuses maisons qui n’ont pas d’autre choix que de se trouver proches du mur par le fait même qu’elles y étaient déjà bien d’années avant la construction de cette « défense israélienne ».
Pour cette raison, il arrive que les soldats qui surveillent la barrière de sécurité, tirent des fois sur eux sans les toucher, mais d’autres fois les frappent et les tuent, comme c’est le cas de Jamal Abou Safaqa qui a été tué devant sa porte d’une balle dans le front.
Mais peut-être la plus grande menace est la zone industrielle qui vient d’être installée sur des terres confisquées par le gouvernement israélien à ce village.
Une entreprise bâtie juste au bord du mur
Cette entreprise, d’origine israélienne, qui s’est pourtant établie sur des terres palestiniennes occupées, et en dehors de la ligne verte (qui est la limite du territoire israélien), bénéficie de plusieurs avantages.
L’usine s’ appelle Ghishori, mais n’affiche ni logo ni le nom de l’entreprise sur sa façade.
Les travailleurs palestiniens qui y travaillent sont payés moins d’un quart par rapport à ce que devrait gagner un travailleur en Israël pour le même travail.
Ces ouvriers n’ont ni sécurité sociale, ni le droit de former des syndicats.
Les travailleurs de l’entreprise sont essentiellement des agriculteurs, qui ont été touchés par le pillage de leurs terres et n’ont pas eu d’autre solution que de travailler pour cette industrie.
Les travailleurs eux-mêmes, ne connaissent ni toutes les activités [de l’entreprise] ni les substances avec lesquelles ils ont à travailler.
Leur travail n’est pas régi par les lois qui protègent les travailleurs en Israël et en plus l’entreprise ne paye pas d’impôts.
A cause de tous ces avantages, les entreprises de ce type, travaillant dans ces conditions dans les territoires occupés, se multiplient.
Les conséquences de l’absence de réglementation et de surveillance de ces entreprises et le manque de sécurité pour leurs employés, se reflètent dans la santé des travailleurs et des résidents qui vivent à proximité des installations.
Des maladies comme le cancer, infections pulmonaires et des problèmes oculaires ont augmenté de façon significative.
D’après des statistiques du Ministère de la Santé Palestinien, ces émissions de gaz polluent l’air et provoquent toutes sortes de maladies dans la population en raison des taux élevés de monoxyde de carbone et d’ autres nombreuses particules toxiques.
A L’entreprise Ghishori, ils sont bien conscients du niveau de toxicité de leurs émissions. Les déchets se déversent dans les drains sur le côté palestinien, ce qui a causé la contamination de plus de 30 hectares de terres autrefois utilisées pour les cultures dans la région avec un niveau de salinité et de substances toxiques élevé, causé par ces eaux résiduelles.
Cela a énormément affecté les activités agricoles dans la région.
L’histoire de Marei et ses enfants condamnés par la thalassémie, celle de Basim Abat et la démolition imminente de sa maison, celle de Jamal Abu-Safaqa, abattu devant son domicile pour son crime de vivre près du mur, et les habitants d’Irtah, victimes de la pollution et l’empoisonnement de leurs terres par la société israélienne Ghishori représentent le lamentable « donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour », de ce qu’on peut témoigner en faisant un petit tour, dans n’importe lequel des ghettos qui composent le situation actuelle de la population palestinienne.
Une population noyée sous l’oppression d’un Etat, qui agitant habilement le drapeau de l’Holocauste, paraît appliquer des méthodes dont certains ressortissants eux mêmes, ont été victimes de nombreuses années auparavant.
6 décembre 2009 - Al-Qods Palestina - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alquds-palestina.org/mod...
Traduction de l’espagnol : Inés Molina V.
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=7945