UNRWA . L’organisation qui s’occupe des réfugiés palestiniens prépare son 60e anniversaire à l’heure des intrigues d’Israël, pour lequel elle est la preuve de l’existence d’un peuple chassé de ses terres.
Gaza, secteur martyrisé, immense camp de réfugiés. Ce mois d’août, on a vu cependant un spectacle de milliers d’enfants faisant voler des cerfs-volants dans le ciel battant ainsi le record du plus grand lâcher de cerfs-volants dans le ciel.
Cette manifestation s’inscrit dans le programme des jeux d’été organisés par l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa), comme le souligne l’agence palestinienne WAFA. « Voir ces jeunes enfants, qui, il y a quelques mois encore, vivaient au milieu du conflit, si heureux m’a touchée », a expliqué l’humanitaire Johanne van Dijk, travaillant pour l’Unrwa, interrogée par le Centre d’actualités de l’Onu, à l’occasion de la Journée internationale de l’aide humanitaire célébrée le 19 août.
Mme Van Dijk a rendu hommage à « l’incroyable détermination de la population » de Gaza qui continue, avec cet esprit remarquable et admirable, d’aller en avant et d’essayer de fournir une vie décente à ses enfants. Juste des activités emblématiques ? L’Unrwa, qui prépare la célébration du 60e anniversaire de sa création, a quasiment l’âge du dossier dont elle se charge, et est souvent placée entre l’enclume et le marteau. Sa responsabilité c’est quasiment tout un peuple qui s’est trouvé dépossédé de sa patrie en 1948 et qui a été pris sous le feu de la guerre qui n’a fait que confirmer son caractère, voire son statut de réfugié ni plus ni moins. Du côté israélien, c’est « le feu des soldats portés sur les rivages » si l’on veut pasticher ce vers d’Aragon. Du côté arabe comme du côté international, c’est un processus politique hasardeux.
En réalité, la communauté internationale a réagi à l’exode massif de Palestiniens en créant l’Unrwa en 1949 avec objectif officiel de venir en aide aux réfugiés (cet organisme intervient en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ainsi qu’en Jordanie, en Syrie et au Liban). Et comme on le souligne lorsque a été élaboré le statut d’une organisation (le Haut Commissariat aux Réfugiés HCR) ainsi que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention des réfugiés), on y a fait figurer des dispositions excluant les Palestiniens qui recevaient une aide de l’Unrwa. Ils sont devenus la seule population réfugiée au monde exclue de la protection internationale reconnue. D’ailleurs, selon la définition de l’Unrwa, un « réfugié de Palestine » est une personne dont le lieu de résidence habituel était la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance. Une définition qui dérange beaucoup Israël et ses partisans.
Autant d’aspects qui résument le caractère tragique de la situation des Palestiniens et qui donnent à l’Unrwa une spécificité indéniable pour laquelle elle se bat souvent contre vents et marées. Israël, depuis la création de l’Unrwa, essaye de la délégitimer.
Les attaques à l’encontre de l’Unrwa ont été un « fil rouge » de tous les gouvernements israéliens depuis les années 1960, car l’agence onusienne est devenue aux yeux du peuple palestinien le symbole vivant des aspirations des réfugiés au retour dans leurs foyers.
selon Mohamad Khamis, directeur de rédaction du magazine Al-Qods, cette organisation, malgré son existence, reste une adresse pour les réfugiés palestiniens. Son absence signifie la disparition de ce procès.
D’ailleurs, il relève que si l’Unrwa a joué un rôle important du point de vue humanitaire, il est évident qu’au cours des dernières années, « il y a de la provocation de la part d’Israël. Voire cela a commencé après 2000, lorsque le président américain Bill Clinton a proposé une solution pour résoudre le problème des réfugiés qui consistait en rapatriement et compensation. Les Américains allaient payer 40 milliards de dollars aux Palestiniens et la même somme à la Syrie, le Liban et la Jordanie pour accueillir des réfugiés. Depuis, Israël ne fait que mener campagne contre l’Unrwa qui incarne une cause qui dérange la conscience mondiale. Elle est la représentation essentielle du problème des réfugiés ». La campagne israélienne, on le voit bien, a pour but définitif qu’il n’y ait pas de peuple palestinien. « C’est la psychologie du voleur ? L’Unrwa reste témoin d’un drame qu’Israël veut faire disparaître », ajoute le journaliste palestinien. Son point de vue est celui de tous ceux qui ont une approche logique et humaine de la question. Au regard de la réalité, la question qui ne cesse d’être posée est : comment la communauté internationale peut-elle accepter et entériner l’expulsion d’un peuple, rester sourde à sa revendication de retour à son pays, pourtant votée par l’Onu ?
En fait, Tel-Aviv et le lobby juif en Amérique ne cessent de lancer une campagne malveillante contre l’Unrwa.
Ce lobby, qui mène tambour battant une campagne contre tout ce qui représente une reconnaissance des droits palestiniens, voire de l’existence même d’un peuple palestinien, s’en prend à l’Unrwa par tous les moyens et en prétextant tous les arguments si faux soient-ils. Le lobby sioniste-américain a demandé au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, le renvoi immédiat de la commissaire générale de l’agence Karen AbuZayd et le directeur des opérations John Ging. C’est l’influent Centre Simon Wiesenthal, qui est la plus grande institution juive des droits de l’homme dans le monde et qui comprend 400 000 membres, qui accuse l’Unrwa d’être pro-Hamas et ce parce que selon cette organisation, l’Unrwa a refusé d’enseigner l’Holocauste dans ses écoles à Gaza. Et de prétendre que Karen AbuZayd, lors de la conférence de presse, s’est comportée « comme un membre officiel du mouvement Hamas ». Quant à John Ging, il est pris à partie parce qu’il « fait infraction à l’Onu en affirmant qu’un programme scolaire palestinien ne peut comprendre des choses qui vont à l’encontre de la volonté du peuple palestinien ».
Et pourquoi cette vindicte contre Ging ? Depuis le 1er février 2006, John Ging dirige les opérations de l’Unrwa à Gaza.
Il a toujours mis en relief que la situation à Gaza « n’est pas mauvaise. Elle est pire que tout ce que l’on peut imaginer. L’énorme pression morale qui s’exerce sur la population ne se voit pas dans les reportages consacrés à Gaza. Dire de Gaza qu’elle est une prison à ciel ouvert ne correspond pas à la réalité, car en prison chaque individu reçoit un repas trois fois par jour ».
Comme le soulignent certains analystes, on pourrait dire que les pro-sionistes reprochent à l’Unrwa d’aider le Hamas. Ils s’en prennent par exemple à Ging. Pourquoi ? Parce qu’il défend, et c’est ce qui dérange, ouvertement et sans peur la cause palestinienne, quel que soit son public. Il parle de nettoyage ethnique. « Nier la nakba équivaut à nier la Shoah ». Il reconnaît le droit au retour des Palestiniens, mais plaide pour un compromis négocié pacifiquement. Il invoque constamment la vision défendue par les Nations-Unies en ce qui concerne la paix et les droits de l’homme.
Or, au moment où l’Unrwa et ses hommes sont pris à partie par les sionistes, des membres du Hamas s’attaquent aussi à l’agence, tant et si bien que le député hamassi Mouchir Al-Masri veut constituer un comité populaire hostile à l’Unrwa et résister à ses activités, en dépit du refus palestinien populaire et officiel. Là où les contradictions sont extrêmes, c’est cette question de l’enseignement de l’holocauste. Le Hamas, lui, estime que l’Unrwa veut introduire cette matière dans les programmes, alors qu’Israël lui reproche le contraire.
Des combats des extrêmes qui seraient finalement la preuve de l’objectivité de l’agence. Emad Gad, rédacteur en chef d’Israël Digest publié par le Centre d’études politiques et stratégiques d’Al-Ahram, affirme que « si l’Unrwa est critiquée par les deux parties au conflit, cela est la preuve qu’elle est objective ». Il donne comme exemple que le Hamas s’est élevé contre l’agence parce qu’elle n’a pas voulu que ses bâtiments servent d’abri à des combattants palestiniens. En revanche, Israël voit que les ambulances de l’Unrwa servaient de couverture à des combattants du Hamas pendant l’agression contre Gaza. Il rappelle qu’Israël a détruit au cours de cette campagne de nombreux bâtiments, écoles et hôpitaux de l’agence où les Palestiniens se réfugiaient, les considérant comme des sites internationaux.
La vraie mission de l’Unrwa
On peut dire que ces critiques sont malveillantes dans la mesure où l’agence a une tâche humanitaire très difficile à mener sur un véritable champ de bataille. Elle ne dispose pas d’une puissance militaire dissuasive face aux uns et aux autres.
A cet égard, l’ancien avocat principal de l’organisation entre 2000 et 2007, Me Lindsay, a rédigé un rapport paru récemment, où il souligne que les défaillances attribuées à l’Unrwa n’ont pas eu lieu parce que l’Unrwa « soutient effectivement le terrorisme, mais parce que l’organisation ne se soucie pas particulièrement du problème. Sa préoccupation principale est de fournir services et protections aux réfugiés palestiniens », précise-t-il (lire entretien page 6).
Témoin privilégié des conditions de vie dramatiques dans les camps de l’intérieur et de l’exil, l’Unrwa, en tant qu’organe subsidiaire, a toujours eu un mandat temporaire et « humanitaire » qui ne s’occupe pas directement des problèmes politiques de leurs tenants et aboutissants.
La question du financement
Son travail essentiel c’est le secours finalement. Et là les obstacles s’accumulent.
Concernant l’activité de l’Unrwa, présente depuis 60 ans sur le terrain, Mme Koning AbuZayd a regretté de n’avoir « jamais pu obtenir tous les fonds demandés pour améliorer la qualité des services rendus. Nous avons toujours eu un trou de 100 millions de dollars », a précisé la responsable de l’Unrwa, qui s’est plainte à plusieurs reprises des difficultés financières de cette agence aidant plus de 4,6 millions de réfugiés palestiniens au Proche-Orient.
D’ailleurs, l’agence vient de lancer un appel aux pays arabes pour contribuer au redressement de la situation. Elle affronte un déficit inédit en 2009 estimé à 150 millions de dollars sur l’ensemble de son budget estimé à 545 millions de dollars. Elle a demandé aux pays arabes de se charger de 8 % du budget, conformément à une résolution dans ce sens de la Ligue arabe. « Malheureusement, les donations n’ont atteint que 1 % du budget à l’heure où augmentent les charges et le nombre de réfugiés », affirme Adnane Abou-Hassana, conseiller de presse de l’Unrwa.
Désolant en fait, pour Emad Gad, « les Arabes n’ont pas la culture des actions internationales collectives ou celles des œuvres de secours. Ils préfèrent traiter chacun à part agissant dans un contexte bilatéral avec les Palestiniens. Ce qui démontre l’existence de considérations politiques ».
Difficile à admettre, mais c’est la réalité. Le monde arabe se doit de déployer des efforts pour renforcer l’Unrwa. « Le rôle de l’Unrwa n’est pas uniquement humanitaire ; il a une dimension politique qui est la question des réfugiés dont elle est l’emblème », souligne Mohamad Khamis. En fait, c’est pour cela qu’Israël en veut à l’Unrwa.
Ahmed Loutfi
Aliaa Al-Korachi