UNRWA . Le directeur de l’organisation La Conscience pour les droits de l’homme dans la bande de Gaza, Khalil Abou-Chamala, critique la campagne menée par le Hamas contre l’Unrwa. Entretien.
Al-Ahram Hebdo : Le Hamas mène une vaste campagne contre l’Unrwa, comment l’expliquez-vous ?
Khalil Abou-Chamala : La position du Hamas envers l’agence n’est pas claire. Certains membres pensent que l’agence joue un rôle important qu’il faut préserver et soutenir. Par contre, un autre clan a commencé à adresser des accusations illogiques à l’agence. Bien que j’aie des critiques à faire à l’agence, je comprends qu’il existe des situations délicates relatives à la conjoncture internationale et la position prise au sujet de la poursuite de l’action de l’agence dans la bande de Gaza. Le Hamas mélange les coordonnées en ce qui concerne sa mission et ses priorités, au moment où il subit un boycott et un blocus sévères. C’est-à-dire qu’il a besoin de s’ouvrir sur la communauté internationale et ses institutions. Je pense que l’agence assure des canaux pour une telle ouverture.
— Le Hamas a condamné l’Unrwa pour l’adoption d’un nouveau manuel pour les écoliers de Gaza, qui comprend un chapitre sur l’Holocauste. Qu’en pensez-vous ?
— Ces accusations sont infondées. Ce sujet figure au projet de programme du droit international pour une certaine classe et n’a pas encore été approuvé. Dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, le prélude qui explique le contexte historique de la déclaration cite l’Holocauste. Cependant, il n’y a aucun discours détaillé sur ce sujet. Il était possible de surmonter cette question sans faire tout ce chahut infondé.
— Et qu’en est-il des critiques concernant la mixité dans les écoles et les camps d’été ?
— Je ne veux pas en parler. Je ne comprends pas comment ces critiques sont adressées à l’agence, alors que les enfants de nombreux cadres et responsables du Hamas participaient à ces camps d’été. Ceux-ci auraient mieux fait de les boycotter tant qu’ils les critiquent. Cependant, il n’y avait pas de mixité dans ces camps et je ne comprends pas le sens de la mixité que le Hamas entend par ses accusations.
— Ils ont aussi accusé l’agence de s’accaparer des assistances humanitaires ...
— Je ne sais à ce sujet que ce que j’ai entendu dans les médias. De toute façon, une enquête est engagée et ses résultats seront annoncés publiquement.
— Et le Hamas, a-t-il le droit d’adresser cette série d’accusations à l’agence avec sa qualité d’organisation internationale ?
— Il en a tout à fait le droit, mais il faut que ces accusations soient fondées. Nous devons aussi comprendre le véritable objectif de ces accusations. Il ne s’agit plus de simples accusations, mais d’incitations contre l’agence. L’administration de l’agence craint des évolutions dangereuses qui peuvent représenter de véritables menaces à la poursuite des travaux de l’agence dans la bande de Gaza. Le Hamas et le gouvernement doivent déterminer leur position envers l’agence. sans équivoque, ils doivent mettre un terme à ces incitations tant qu’il y a des canaux pour gérer toute éventuelle crise.
— Comment voyez-vous le rôle que joue l’agence dans la bande de Gaza ?
— Je pense que l’agence joue un rôle important dans la protection et la consolidation des droits de l’homme dans la bande de Gaza à travers les activités suivantes :
- Assurer des offres d’emploi à des milliers de citoyens, auxquels ni l’Autorité palestinienne ni le Hamas n’ont pu présenter des emplois.
- Faire parvenir à la communauté internationale, à travers ses nombreux canaux, la souffrance des Palestiniens.
- Assurer des chances pour des visites de délégations étrangères au secteur de Gaza et aux territoires occupés pour pouvoir prendre connaissance de ce qui se passe sur le terrain et rencontrer des représentants de la société civile.
— Et qu’en est-il du rôle social et humain de l’agence ?
— L’agence présente des aides directes à plus d’un million de réfugiés dans la bande de Gaza, alors qu’aucun gouvernement palestinien ne peut assumer seul cette charge. Et ce en plus des offres d’emplois, de l’enseignement et des aides permanentes octroyés aux pauvres parmi les réfugiés. Est-il alors possible de dire que l’agence ne joue pas un rôle humain et social sur les territoires palestiniens ?
— Vous avez dernièrement rencontré M. John Ging, directeur des opérations de l’Unrwa à Gaza. Comment était la rencontre ?
— C’est M. Ging qui a demandé la tenue de cette rencontre qui s’est déroulée autour de la campagne qui a été dirigée contre l’agence par un nombre de dirigeants du Hamas sur l’enseignement de l’Holocauste dans les programmes scolaires. M. Ging a expliqué la position de l’agence en disant qu’il aspirait à présenter un enseignement de valeur aux générations palestiniennes et qu’il luttait pour réfuter toutes les accusations adressées aux Palestiniens par le biais de la campagne médiatique israélienne. Au cours de la rencontre, quant à moi, je lui ai dit que personnellement, je ne niais pas l’Holocauste, abstraction faite de la façon dont il est parmi les peuples du monde, en particulier les peuples arabes. C’est une vérité que l’Histoire a enregistrée, mais nous les Palestiniens nous en avons payé le prix sans avoir aucune relation avec toute cette histoire. Il est illogique et injuste que le peuple palestinien continue à vivre cette injustice. Si le peuple palestinien est sensible envers cette question, c’est à cause des tentatives israéliennes d’éliminer des programmes scolaires dans les régions où habitent les Arabes de 48, tout ce qui est en relation avec l’histoire de la Palestine. Alors comment leur demander d’accepter que l’Holocauste soit mentionné dans leurs programmes scolaires ?
— Qu’adviendra-t-il si l’Unrwa, sous la pression des critiques et des menaces, décide de mettre un terme à ses travaux à Gaza ?
— Ce sera une véritable catastrophe si l’Unrwa arrête ses activités. L’agence présente ses services à plus d’un million d’habitants et assure des offres d’emploi à plus de 11 000 employés. De plus, les répercussions seront fort dangereuses sur le dossier des réfugiés au moment où l’on parle de la dénégation du droit de retour et de l’installation des réfugiés dans les pays hôtes.
Ni le Hamas ni quiconque n’est capable de trouver une alternative aux travaux de l’agence. Lorsque l’agence a adressé un appel de secours, les Emirats arabes n’ont présenté qu’une contribution de 100 000 dollars, alors que les Etats-Unis ont versé une somme de 81 millions de dollars. Ce qui signifie que l’influence des Arabes et des musulmans sur les prérogatives de l’agence est faible.
Propos recueillis par Achraf Aboul-Hol