Le Hamas a accusé lundi le président palestinien Mahmoud Abbas d'anéantir la réconciliation palestinienne et de tenir des propos qui servent les intérêts d'Israël.
Trois mois après la formation d'un gouvernement d'union nationale composé de personnalités indépendantes acceptées par le Hamas et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui chapeaute l'Autorité palestinienne, le président de cette dernière, Mahmoud Abbas, vient d'accuser le mouvement islamiste de maintenir à Gaza «un gouvernement parallèle» qui refuse de lâcher le pouvoir pris par la force en 2007.
Ces accusations sont «sans fondement», a rétorqué le Hamas. Les menaces de M. Abbas de mettre fin au partenariat avec le Hamas «sont une déception, anéantissent la réconciliation et réalisent les désirs des Américains et des Israéliens», a répliqué Fawzi Barhoum, un porte-parole du mouvement islamiste dans un communiqué.
Le conflit contre Israël tout juste fini, la guerre des clans reprend chez les Palestiniens : le Fatah et le Hamas multiplient les attaques mutuelles, laissant envisager l'implosion de la réconciliation scellée au printemps seulement.
Ces dissensions rendent encore plus aléatoire un règlement du conflit avec Israël. La réconciliation avait permis aux Palestiniens de couper court à l'argument israélien selon lequel aucun pourparler n'était possible faute d'un interlocuteur unique.
Jusqu'à juin et la formation d'un gouvernement d'union nationale, les Palestiniens avaient deux directions. L'une à Ramallah : l'Autorité palestinienne chapeautée par le chef du Fatah, le président Mahmoud Abbas, dont le mandat a expiré en 2009, mais se poursuit faute de consensus sur des élections. Et une autre, concurrente, à Gaza, celle que le Hamas a imposée par la force en 2007 après avoir été privé de sa victoire aux législatives.
Au printemps, Fatah et Hamas se sont réconciliés et, à l'été, quand Israël a lancé son offensive sur Gaza, Hamas et Fatah ont combattu côte à côte, tandis que leurs représentants négociaient ensemble au Caire un cessez-le-feu.
Aujourd'hui, les deux poids lourds de la politique palestinienne sont de nouveau à couteaux tirés. «Le Hamas nous a ramenés au point de départ : au temps de la division», accuse, sous le couvert de l'anonymat, un haut responsable du Fatah à Gaza.
«Guerre des mots»
Après le conflit, «on est maintenant dans la guerre des mots et les échanges d'accusations entre Hamas et Fatah», décrypte Talal Awkel, politologue gazaoui. Elle menace de faire exploser la délégation censée prolonger les négociations du Caire jusqu'à une trêve durable, et compromet fortement les élections générales censées avoir lieu d'ici à la fin de l'année.
Le Fatah accuse le Hamas d'avoir placé 300 de ses membres à Gaza en résidence surveillée pendant la guerre, d'en avoir blessé des dizaines et d'avoir «volé» l'aide aux Gazaouis «pour la distribuer à ses partisans ou la revendre au marché noir».
Pour le Hamas, cette «campagne médiatique de diabolisation» vise à «saper» sa popularité notamment en Cisjordanie, où elle a grimpé en flèche avec la guerre. À tel point que, selon un sondage récent, si une présidentielle opposait aujourd'hui M. Abbas à Ismaïl Haniyeh, l'ex-premier ministre du Hamas à Gaza, ce dernier l'emporterait avec 61 % des suffrages.
Pour tenter de reprendre la main, Mahmoud Abbas veut faire adopter à l'ONU une résolution demandant la fin, d'ici trois ans, de l'occupation israélienne. Si son exigence n'était pas entendue - et un veto américain pourrait rapidement la tuer - alors, disent ses proches, l'Etat de Palestine adhérera à la Cour pénale internationale, ce qui lui permettrait de poursuivre des responsables israéliens pour «crimes de guerre» à Gaza.
Mais les faits d'armes de la «résistance» pèsent plus qu'une énième initiative diplomatique. Et après 50 jours de tirs continus de roquettes jusqu'à Tel-Aviv, le Hamas s'est senti pousser des ailes.
«Gouvernement de l'ombre»
«Après la victoire à Gaza, les forces de l'Autorité doivent changer d'attitude et revenir dans les bras de leur peuple plutôt qu'à la botte de l'occupant», martèle-t-il. En dénonçant l'interdiction de manifestations et l'arrestation de centaines de ses membres en Cisjordanie où les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne et d'Israël coopèrent.
M. Abbas a menacé samedi de mettre fin au partenariat avec le mouvement islamiste, qui ne joue pas le jeu de la réconciliation et maintient un «gouvernement parallèle» selon lui.
De fait, à Gaza, les porte-parole des ministères du Hamas s'expriment toujours officiellement et les forces de sécurité continuent de faire la loi sans que les agents de l'Autorité, écartés en 2007, n'aient été réintégrés. Le Hamas s'est targué lundi d'avoir distribué 32 millions de dollars aux familles ayant perdu des proches ou leur maison.
Car le nerf de cette guerre intrapalestinienne, c'est aussi l'argent et les 32 à 42 millions de dollars de salaire, en souffrance depuis des mois, des 45 000 fonctionnaires du Hamas à Gaza.
Avec la réconciliation, le Hamas a demandé à l'Autorité de les payer. Mais jusqu'à présent, pas un shekel n'est arrivé et la grogne monte dans la petite enclave où de nombreuses familles ont été jetées à la rue par la guerre. En juin déjà, quand les salaires n'étaient pas arrivés, des violences avaient éclaté dans les banques.
-Avec Sarah Benhaida et Adel Zaanoun