L’agression israélienne contre Gaza était censée tourner une
page dans le différend qui avait éclaté récemment entre Fatah et Hamas,
notamment la crise des salaires, qui avait bien failli ruiner leur
réconciliation.
- Un garçon sauve ce qui reste d’un fauteuil roulant, dans les décombres de l’association caritative où deux femmes handicapées ont été tuées par un missile israélien. Samedi Israël a ciblé cinq centres caritatifs dans la bande de Gaza [Mohammed Salem/Reuters]
Les autorités du Hamas ont sermonné le Fatah pour avoir participé à
une conférence sur la paix à Tel Aviv pendant qu’étaient perpétrées les
attaques contre Gaza.
Mais la guerre à Gaza a rallumé le différend entre Fatah et Hamas. Au
pire moment du bombardement israélien sur Gaza à l’aube du 8 juillet,
le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas surprenait les
Palestiniens en prononçant un discours à une conférence sur la paix
organisée par le quotidien israélien Haaretz. Le public comprenait un
grand nombre de militants pacifistes, des journalistes et des
économistes, israéliens et internationaux.
Abbas a participé à cette conférence bien alors qu’elle était
boycottée par le négociateur en chef Saeb Erekat et par l’homme
d’affaires Munib al-Masri vu la gravité de la situation à Gaza et le
respect dû à sa population.
Il n’a rien fait
Un haut fonctionnaire à Ramallah a révélé au Monitor que certains
dirigeants du Fatah « avaient demandé à Abbas de ne pas participer à la
conférence israélienne parce que le peuple pourrait l’interpréter comme
un manque d’intérêt pour le massacre en cours dans la bande de Gaza.
Quand il a insisté pour y participer, nous lui avons demandé de parler
de ce qui se passe à Gaza et de demander aux personnalités
internationales participant à la conférence d’intervenir auprès du
gouvernement israélien pour faire cesser l’attaque, mais il n’en a rien
fait ».
Le Hamas également a critiqué la participation d’Abbas à la
conférence qui coïncidait avec la guerre d’Israël contre Gaza. Dans une
interview accordée au Monitor, le porte-parole du Hamas, Sami Abu
Zuhri, a demandé à Abbas « de ne pas participer à la conférence parce
qu’elle offense les sentiments du peuple palestinien et donne à Israël
une occasion de soigner son image après … ses crimes odieux ».
Le discours enregistré d’Abbas, retransmis aux participants à la
conférence à Tel Aviv, n’a fait qu’accroître l’indignation du Hamas.
Un cadre du Hamas à l’étranger a écouté le discours et a déclaré au
Monitor regretter que « le discours ne contienne pas la moindre
référence à l’agression israélienne en cours à Gaza, ne mentionnait pas
les enfants massacrés et n’utilisait pas cette occasion de la présence
d’éminentes personnalités israéliennes et internationales à la
conférence pour menacer d’en appeler à d’autres organisations
internationales pour confronter Israël et le dissuader d’agresser Gaza,
Jérusalem et la Cisjordanie ».
« Le discours d’Abbas n’a fait qu’augmenter son isolement par rapport
aux Palestiniens. Il a choisi d’être loin de son peuple alors même que
la guerre de Gaza lui offrait une occasion en or de restaurer l’unité
avec le Hamas et de surmonter les récentes crises qui ont suivi la
réconciliation. Mais il a préférer gagner en image dans l’opinion
publique, aux dépens du soutien populaire des Palestiniens »
ajoute-t-il.
Le haut fonctionnaire du Hamas Yahya Moussa, président du Comité de
surveillance au Conseil Législatif Palestinien, s’est montré plus
sévère. Le 9 juillet, il a demandé à Abbas via Facebook de présenter sa
démission et de remettre la direction à la résistance, parce que
celle-ci est la seule représentante légitime du peuple palestinien. Ce
faisant, il laverait sa honte et rachèterait ses fautes pour le siège de
Gaza, sa persécution de la résistance et sa coordination sécuritaire
avec Israël ».
Le choix de notre peuple : résister
Le porte-parole du Hamas Husam Badran a appelé la direction du Fatah à
se distancier de l’approche politicienne et sécuritaire adoptée par le
Président de l’AP en Cisjordanie. Il a dit : « Ceci est peut-être la
dernière chance du Fatah pour corriger sa position et rejoindre le choix
de notre peuple, un choix qui se base sur le projet de résister ».
Mais un fonctionnaire palestinien à Ramallah a rejeté la critique
d’Abbas par le Hamas. Dans une interview téléphonique au Monitor, il a
déclaré : « Le président n’est pas obligé d’adopter des positions de
propagande qui jouent sur les sentiments de citoyens mais qui ne
produisent pas de résultats politiques pour arrêter la machine de guerre
israélienne à Gaza … [Abbas] ira devant toutes les organisations
internationales pour faire cesser l’agression contre Gaza. Il a été en
contact avec des acteurs régionaux et internationaux ces derniers jours
pour s’efforcer de faire durer la trêve et arrêter l’escalade
militaire ».
Abbas a prononcé un discours télévisé le soir du 9 juillet, dans
lequel il appelait à mettre fin à l’agression sur Gaza et à l’unité du
gouvernement pour pourvoir aux besoins humanitaires de la population de
Gaza.
Le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Meshaal, a improvisé un
coup de téléphone à Abbas le soir du 6 juillet, quelques heures avant le
début de l’offensive israélienne sur Gaza. Ils ont discuté des derniers
développements en territoire palestinien à la lumière de l’escalade
israélienne.
Al-Monitor a appris par des proches du Hamas que certains dirigeantsi
n’avaient guère apprécié le coup de fil à Abbas car ils « souhaitaient
laisser Abbas isolé après sa prise de position négative concernant
l’opération de Hébron et sa déclaration sur le caractère ’sacré’ de la
coordination sécuritaire avec Israël et parce qu’il avait attendu avant
d’adopter une position nationale concernant l’agression contre Gaza ».
Il est intéressant de noter que la position d’Abbas sur Gaza a été
accueillie avec mécontentement non seulement par le Hamas mais aussi par
l’ancien ministre Hassan Asfour, un proche de l’ancien homme fort du
Fatah Mohammed Dahlan , rival et ennemi juré d’Abbas.
Asfour écrit dans un article sur son site d’information « Amad » que
la position d’Abbas vis-à-vis de l’escalade israélienne à Gaza est un
scandale politique absolu qu’il compare à la défaite du Brésil devant
l’Allemagne sur son propre terrain à la Coupe du Monde. Asfour écrit
qu’Abbas n’a ni réagi ni pris position quand Israël a lancé sa guerre
contre Gaza et qu’il n’a même pas modifié son agenda quotidien.
Le Hamas dénonce aussi la couverture de la guerre de Gaza par les
médias affiliés à l’AP. Un organe officiel du Hamas s’exprimant sous le
couvert de l’anonymat a dit au Monitor : « La couverture de la guerre de
Gaza par la radio et la télévision palestiniennes très proches d’Abbas a
été défaillante, amenant beaucoup de Palestiniens à accuser la
corporation d’être partiale au profit d’Israël. Il y a beaucoup de
mouvements de boycott contre elle parce que pendant que les tueries
avaient lieu à Gaza, elle a continué de diffuser ses programmes de
chansons de danse, de cuisine et de jeux. C’est un comportement
lamentable et un non-respect pour le sang versé à Gaza. Honte à
l’administration et aux dirigeants de la corporation. Il faut qu’ils
rendent des comptes ».
Les deux précédentes guerres à Gaza en 2008 et en 2012 avaient
affecté négativement les relations déjà tendues entre Hamas et Fatah.
Ces offensives se produisaient en pleine division palestinienne. Cette
guerre-ci éclate juste après la réconciliation. La guerre de 2014
va-t-elle renforcer le consensus national ou élargir le fossé ?
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education,
ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question
palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la
civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et
d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
Traduction : [Info-Palestine.eu]->/spip.php ?article14704 - AMM
http://info-palestine.net