Israël-Palestine : l'indignation sélective de François Hollande
Prompt à "condamner fermement"
les tirs de roquettes contre Israël, le président a finalement "déploré"
les nombreuses victimes palestiniennes à Gaza.
Par Armin Arefi
Les réactions occidentales se sont fait attendre concernant la dramatique escalade de la violence au Proche-Orient. Depuis lundi, le Hamas tire contre Israël
des centaines de roquettes, blessant trois Israéliens, dont un
grièvement, à Ashdod. Mardi à minuit, l'armée israélienne lançait en
représailles l'opération militaire Bordure protectrice, qui a déjà fait
une centaine de morts du côté palestinien, dont un grand nombre de
civils. Face à la gravité de la situation, le président de l'Autorité
palestinienne Mahmoud Abbas exhorte depuis mardi la communauté internationale à "intervenir immédiatement".
Le
premier responsable occidental à réagir est le secrétaire général de
l'ONU. "Ces tirs sans discernement contre des zones civiles doivent
cesser", a affirmé mardi son porte-parole. Or, Ban Ki-moon ne visait pas
les bombes israéliennes, mais les roquettes du Hamas s'abattant sur
l'État hébreu (au moins 500 depuis lundi, dont plus de 100 ont été interceptées par le système de défense Iron Dome,
NDLR). Le patron de l'ONU a toutefois appelé les deux camps à "exercer
le maximum de retenue" et à "éviter de nouvelles pertes civiles". Une
déclaration dans l'exacte lignée de celles qui ont suivi les opérations
israéliennes sur Gaza Plomb durci (2008-2009, 1 400 morts palestiniens
et 13 victimes israéliennes) et Pilier de défense (novembre 2012, 177
morts palestiniens, 6 victimes israéliennes).
Or,
une fois de plus, le message n'est pas passé au Proche-Orient. Les tirs
de roquettes du Hamas ont continué de plus belle, contre Jérusalem,
Tel-Aviv, Haïfa (un record) et la région de Dimona, où se trouve une
centrale nucléaire. Idem pour les raids israéliens, qui se sont
intensifiés sur le territoire palestinien. Vendredi midi, Bordure
protectrice avait fait depuis son lancement au moins 100 victimes
palestiniennes à Gaza. Tsahal a beau assurer que les populations sont
prévenues en amont des bombardements à venir, 15 femmes et enfants ont
été tués. Une spirale infernale qui a enfin amené François Hollande à réagir, sous la forme d'un communiqué. Et il est sans appel.
Soutien inconditionnel à Israël
La
"France condamne fermement les agressions" contre Israël, a affirmé le
président de la République, qui venait d'assurer Benyamin Netanyahou de
sa "solidarité" avec Israël. Rappelant, comme à l'accoutumée, la
"nécessité de prévenir l'escalade de la violence", le président français
est allé bien plus loin que Ban Ki-moon. "Il appartient au gouvernement
israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population
face aux menaces", a-t-il souligné dans le communiqué. Si la
condamnation des tirs de roquettes palestiniennes est entièrement
justifiée, le chef de l'État n'a eu, en revanche, aucun mot pour les
pertes civiles palestiniennes. Un soutien
inconditionnel à Israël qui fait des vagues au sein de la gauche
française. "Le président de la République a témoigné son entière
solidarité envers Benyamin Netanyahou et apporté son soutien à la
politique de représailles menée par Israël, laquelle frappe aveuglément
les populations civiles palestiniennes, a déploré Europe Écologie-Les Verts (EELV) dans un communiqué.
EELV s'oppose à ce point de vue qui justifie par avance toutes les
opérations militaires (raids aériens et attaques terrestres),
particulièrement sur la bande de Gaza, au motif de prévenir le
terrorisme."
Dès la nuit suivante, de mercredi à
jeudi, Tsahal a accentué ses raids contre l'enclave palestinienne,
affirmant avoir visé plus de 320 cibles du Hamas, tuant 14 Palestiniens.
Dans un café de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, huit
personnes qui regardaient la demi-finale de la Coupe du monde entre
l'Argentine et les Pays-Bas sont mortes au cours d'une frappe, selon le
porte-parole des services d'urgences, Achraf al-Qodra. Toujours dans
cette ville, quatre femmes et quatre enfants ont péri dans leurs maisons
bombardées alors qu'un cinquième mineur a trouvé la mort lors d'un raid
à Beit Lahia, dans le nord de Gaza.
"Chant d'amour pour les dirigeants d'Israël"
En
France, l'indignation a aussi gagné les rangs du PS. "En aucun cas, la
France ne doit laisser penser qu'elle cautionne les violences ou les
représailles militaires", ont souligné, jeudi dans un communiqué, les députés socialistes Razzy Hammadi et Alexis Bachelay.
"La première conséquence de l'usage disproportionné de la force contre
les Palestiniens est la mort de plusieurs dizaines de civils, dont de
nombreux enfants. La France doit, au contraire, clairement condamner
toutes les représailles militaires."
La dramatique
aggravation des violences sur le terrain a finalement amené jeudi Ban
Ki-moon à infléchir sa position. Les civils à Gaza "sont pris entre
l'attitude irresponsable du Hamas et la dure riposte d'Israël", a
souligné le secrétaire général de l'ONU alors que le nombre de victimes
palestiniennes continuait d'augmenter. "Israël a des préoccupations
légitimes pour sa sécurité, mais je suis inquiet aussi de voir de
nombreux Palestiniens périr ou être blessés à la suite des opérations
israéliennes."
Est-ce
cette sortie de Ban Ki-moon ou alors la levée de boucliers de quelques
voix à gauche qui a influencé François Hollande ? En tout cas, le
président de la République a, lui aussi, décidé jeudi de mesurer son
discours. À la faveur d'un nouveau communiqué, le second en moins de
vingt-quatre heures, le chef de l'État a finalement "déploré que les
opérations militaires en cours aient déjà fait de nombreuses victimes
palestiniennes". "La sécurité de toutes les populations civiles doit
être assurée et l'escalade doit cesser", a souligné François Hollande à
l'issue d'un entretien avec Mahmoud Abbas. Et de rappeler que "la France
reste mobilisée pour aider Israéliens et Palestiniens à atteindre cet
objectif".
Reste à savoir si le président français osera brusquer son indéfectible allié au Proche-Orient. En novembre 2013, à l'occasion d'une visite en Israël, François
Hollande n'a-t-il pas déclaré à Benyamin Netanyahou qu'il trouverait
toujours "un chant d'amour pour Israël et pour ses dirigeants" ?
REGARDEZ François Hollande et son "chant d'amour" pour Benyamin Netanyahou :