Depuis le début des massacres de Gaza par l’armée israélienne,
il y a comme un gros trou dans le tableau habituel du conflit
israélo-palestinien. L’Egypte brille par son absence. C’en est fini du
double jeu égyptien auquel nous étions habitués, qui consistait à
protester officiellement contre Israël tout en donnant, sinon son feu
vert, du moins l’assurance de ne rien faire. Al-Sissi, lui, ne moufte
pas. Avec Al-Sissi, pas d’hypocrisie avec de fausses protestations.
L’Egypte tourne le dos au passé et regarde vers un avenir radieux tracé
par son nouveau pharaon sous l’égide de l’Arabie Saoudite, et avec les
conseils avisés de ce grand humaniste et grand serviteur de la
démocratie qu’est Tony Blair.
Justement, à l’occasion d’une rencontre
entre Sissi et son nouveau conseiller économique, Tony Blair, le
président égyptien s’est enfin fendu d’une déclaration. Et quelle
déclaration ! Même Hilary Clinton et John Kerry, n’auraient pas osé en
sortir une comme celle-là. Après le blabla diplomatique appelant à
arrêter la violence, M. Sissi, cynique, regrette « l’intransigeance »
des deux parties…
De quelle intransigeance parle-t-il ?
Celle de ceux qui ont planifié et exécutent froidement des attaques
contre des civils ? Ou celle de ceux qui ont décidé de riposter à une attaque méthodique et préméditée contre leur population ?
Il est vrai que les différents groupes de défense de Gaza pourraient
décider de se laisser bombarder jusqu’à ce que l’agresseur se lasse ou
qu’il estime que sa soif de vengeance a été convenablement assouvie. Le Hamas
pourrait aussi dire à Israël pour calmer son courroux apparemment
légitime aux yeux de Sissi : « ok, nous renonçons à nous réconcilier
avec le Fatah, nous acceptons la division de la Palestine en deux ». Al-Sissi et les autres demandent en fait aux palestiniens de baisser leur froc, pas moins.
A l’évidence, Al Sissi n’incarne pas la fin de la malédiction de l’Egypte, mais sa continuation en plus grave. Après un dictateur atlantiste jusqu’au bout des ongles comme Moubarak, suivi de l’engeance des frères musulmans,
mis en place et contrôlés par les mêmes puissances, Sissi aurait pu
paraître un moindre mal. Force est de constater qu’il n’en est rien.
Pire. Avec lui, le loup entre officiellement dans la bergerie. Avec Tony
Blair dans la place, le même Tony Blair sans lequel l’invasion de
l’Irak n’eût pas été possible, autant dire que Sissi est en règne
surveillé, et de très près. Sa politique ne peut plus être égyptienne,
mais globale, entrant dans des calculs régionaux dont les principaux
paramètres seront définis à Londres, Washington, Tel-Aviv et,
accessoirement à Ryad.
Avec l’Histoire qui est un éternel
recommencement, nous pouvons presque prédire l’avenir du nouveau
président égyptien. Ce sera dans quelques années un autre Saddam
Hussein. Avec le nombre effarant de condamnés à mort qu’il a désormais
dans son palmarès, il ne peut plus reculer. Il entre (poussé par qui ?)
dans un cycle de répression permanente, sachant qu’à la première
révolution réussie, vraie ou provoquée, il balancera au bout d’une
corde. C’est la meilleure manière de fabriquer un dictateur docile.
C’est également un des meilleurs moyens de garder l’Egypte sous
contrôle, cette Egypte qui a toujours été un joyau pour les empires.
Avic – Réseau International