mercredi 2 avril 2014

Libérez Marwan Barghouti. Il peut être le Nelson Mandela de la Palestine

The Guardian, Martin Linton, dimanche 30 mars 2014
Si Israël est vraiment sérieux en ce qui concerne la paix, il relâ­chera Bar­ghouti – le seul homme occupant une position unique pour négocier un accord
Graphe du diri­geant pales­tinien empri­sonné Marwan Bar­ghouti à Kalandia, ville de Cis­jor­danie, entre Jéru­salem et Ramallah. Pho­to­graphe : Bernat Armangue/​AP
La mort de Nelson Mandela nous rap­pelle que souvent le premier pas vers la réso­lution d’un conflit est la libé­ration d’un diri­geant national qui a l’autorité pour pouvoir unir, négocier et trouver une solution. Marwan Bar­ghouti est en prison depuis le 15 avril 2002, date à laquelle des agents des ser­vices de sécurité israé­liens, déguisés en ambu­lan­ciers, se sont emparés de lui en plein jour et l’ont emmené en Israël. En 2004, il a été déclaré cou­pable de par­ti­ci­pation à cinq meurtres, ce qu’il nie . Malgré près de 12 ans der­rière les bar­reaux, Bar­ghouti reste l’homme poli­tique le plus popu­laire de Palestine, capable, selon des son­dages récents, de battre soit le Pré­sident Mahmoud Abbas soit son rival du Hamas Ismaïl Haniyeh lors d’élections à la présidence.
Beaucoup pensent qu’il pourrait sortir de prison, se pré­senter aux élec­tions, être élu pré­sident, unifier les fac­tions pales­ti­niennes, négocier un règlement, le sou­mettre au peuple, obtenir son appui et ensuite pré­sider à un pro­cessus de « vérité et récon­ci­liation » dans un pays nou­vel­lement indépendant.
Avec la fin de la libé­ration de pri­son­niers en relation avec les pour­parlers de paix qui doit avoir lieu samedi et la fin des pour­parlers eux-​​mêmes qui doit inter­venir un mois plus tard (le 29 avril), cela serait juste le geste théâtral qui pourrait pré­server les négo­cia­tions de se ter­miner par un échec complet. Abbas a proposé de les pro­longer un peu, mais seulement si Bar­ghouti et 12 autres députés étaient libérés.
Même Shimon Peres, quand il était can­didat à la pré­si­dence, a déclaré qu’il signerait la grâce de Bar­ghouti. Par la suite, la Knesset n’a jamais approuvé la grâce de celui-​​ci en raison de l’opposition véhé­mente de ministres, tels que Silvan Shalom, qui a déclaré : « il est hors de question de libérer un assassin qui a du sang sur les mains et qui a été dûment condamné par un tribunal. »
Mais si la paix doit arriver un jour, Israël devra recon­naître que Bar­ghouti était un diri­geant poli­tique et non mili­taire, qu’il n’a jamais porté les armes et qu’il s’est tou­jours opposé à des actions visant des civils israé­liens, tout en défendant le droit des Pales­ti­niens à la résistance.
Une cam­pagne inter­na­tionale a été lancée en vue de la libé­ration de Bar­ghouti et des 4227 pri­so­niers poli­tiques pales­ti­niens qui sont dans les prisons israé­liennes. Elle est sou­tenue par tous les partis repré­sentés au Par­lement pales­tinien , le Fatah et le Hamas étant pour une fois unis, et par l’écrasante majorité des Palestiniens.
La cam­pagne a été lancée dans l’ancienne cellule de Mandela par Ahmed Kathrada, un homme poli­tique sud-​​africain che­vronné, qui a lancé la pre­mière cam­pagne Libérez Mandela dès les années 60, qui a lui-​​même été empri­sonné et qui a passé 18 ans à Robben Island avec Mandela.
Il sera à Londres la semaine pro­chaine pour exhorter les députés bri­tan­niques à signer la « décla­ration de Robben Island » de soutien aux pri­son­niers pales­ti­niens, en même temps que l’Archevêque Desmond Tutu, l’ancien Premier Ministre d’Irlande John Bruton, la lau­réate du Prix Nobel de la Paix Mairead Cor­rigan Maguire, la mili­tante poli­tique Angela Davis et bien d’autres.
Pour les hommes poli­tiques bri­tan­niques, il devrait être facile de com­prendre l’argument essentiel en faveur de sa libé­ration. Elle n’est pas fondée sur le fait qu’il est innocent (même s’il l’est), ou sur son arres­tation illégale (ce qui est qua­siment certain), mais parce qu’il est on ne peut mieux placé pour négocier un accord de paix.
La Grande-​​Bretagne a empri­sonné le Mahatma Gandhi et Jawa­harlal Nehru en 1942, mais ils ont libéré Nehru en 1944 et deux ans plus tard il négo­ciait l’indépendance de l’Inde. Il est devenu le premier Premier Ministre de l’Inde indé­pen­dante en 1947.
Au Kenya, Jomo Kenyatta a été mis en prison par les Bri­tan­niques en 1952 et libéré en 1961. Un an plus tard les Bri­tan­niques négo­ciaient l’indépendance avec lui et en 1963 il est devenu Premier Ministre du Kenya indépendant..
En Afrique du Sud, Mandela a été libéré de prison en 1990 et les mois sui­vants il négo­ciait l’indépendance avec ses ravis­seurs. Il aura juste fallu quatre ans pour passer de la cellule de prison au palais de la pré­si­dence et l’espoir est que Bar­ghouti, âgé main­tenant de 54 ans, puisse faire de même .
Entre août 2013, un mois après le début des pour­parlers et février de cette année , 34 Pales­ti­niens ont été tués et 1535 blessés (dans la même période trois Israé­liens sont morts et 53 blessés). En attendant, 10 509 loge­ments dans les colonies illé­gales ont été approuvés par les res­pon­sables israé­liens. Est-​​il étonnant que les Pales­ti­niens ne veuillent pas continuer les pour­parlers de « paix » ?
Alors que la date-​​limite du 29 avril approche, il fau­drait que les Israé­liens prennent une ini­tiative auda­cieuse pour prouver qu’ils s’intéressent à la paix. S’ils libèrent Bar­ghouti, le monde recon­naîtra qu’ils sont sérieux. S’ils refusent, beaucoup concluront qu’ils ne le sont pas.
Tous droits réservés.
(traduit de l’anglais par Y. Jardin)
http://www.france-palestine.org