Tsahal accueille dans ses rangs, sur des critères ethnico-religieux,
des ressortissants français et étrangers, « ce qui pose la question du
respect du droit international par des États qui laissent leurs
ressortissants rejoindre, même temporairement, une armée d’occupation ».
L’armée israélienne accueille dans ses rangs de nombreux
ressortissants français et étrangers, sur des critères
ethnico-religieux, « ce qui pose la question du respect du droit
international par des États qui laissent leurs ressortissants rejoindre,
même temporairement, une armée d’occupation », selon le chercheur Marc
Cher-Leparrain dans Orient XXI.
« Il est fait grand bruit par ailleurs des Français musulmans qui
vont combattre en Syrie aux côtés de la rébellion soutenue par la
France, mais qui ont le tort de rejoindre des groupes djihadistes
répertoriés comme terroristes. Mais personne ne parle de ces Français
qui, depuis des années, vont participer sous uniforme israélien à une
occupation officiellement ...
http://www.mediapart.fr/journal/int...- Article intégral et très intéressant de Marc Cher-Leparrain dans Orient XII (18 mars) :
"Une douzaine de pays dans le monde ouvrent les portes de leur armée
aux ressortissants étrangers. Un seul le fait sur l’unique critère
ethno-religieux, il s’agit d’Israël. Au-delà de la raison d’être
idéologique, cela pose la question du respect du droit international par
des États qui laissent leurs ressortissants rejoindre, même
temporairement, une armée d’occupation.
Volontaires du programme Mahal.
En France, la Légion étrangère a été créée en 1831 par Louis-Philippe
pour rassembler les différents corps étrangers alors présents dans
l’armée française. Destinée autrefois aux conquêtes coloniales, elle est
aujourd’hui un héritage de l’histoire qui ne répond plus à aucune
nécessité politique ou militaire. Ouverte à tout le monde sans
distinction, elle facilite l’accession à la nationalité française, mais
ne la donne qu’à ceux qui ont été blessés en opération, s’ils la
demandent.
Aux États-Unis, la seule condition pour rejoindre l’armée est la
détention préalable de la green card, c’est-à-dire d’être résident légal
permanent. Près de 30 000 étrangers portent l’uniforme militaire
américain et cinq mille s’engagent chaque année. Cela leur offre
l’accession beaucoup plus rapide et systématique à la citoyenneté
américaine. De son côté, l’armée américaine est ravie d’enrôler des
recrues qui se montrent plus disciplinées et volontaristes que les
Américains d’origine, dont l’empressement pour porter l’uniforme a
tendance à faiblir. Passons sur les critères post-coloniaux du
Royaume-Uni, qui admet toujours des ressortissants du Commonwealth ; de
l’Espagne qui accueille ceux de ses anciennes conquêtes sud-américaines
et de la Russie au profit des ressortissants russophones des anciennes
républiques soviétiques.
Cas unique, Israël offre à tout non Israélien la possibilité de
servir dans ses unités combattantes dès lors qu’il est juif, ou que l’un
de ses parents ou grands-parents est juif.
« Des jeunes leaders pour les communautés juives »
En Israël, différents programmes permettent à tout juif non israélien
de porter l’uniforme de l’armée sans pour autant en faire des citoyens
israéliens. L’origine remonte à la fin de la Seconde guerre mondiale,
quand quelques milliers de volontaires, appelés les mahalniks, issus de
dizaines de pays et partisans de la cause sioniste vinrent soutenir par
les armes la création de l’État d’Israël et, dès l’indépendance de 1948,
aider la jeune armée israélienne en butte aux pays arabes voisins. Le
principe est resté le même aujourd’hui. Le programme d’accueil des juifs
étrangers dans les unités combattantes a gardé le nom de Mahal. Il
incorpore les volontaires pour dix-huit mois, y compris pour des
missions dans les territoires occupés palestiniens. À l’issue de cette
période, ceux qui demandent la nationalité israélienne doivent prolonger
leur séjour dans l’armée pour encore dix-huit mois pour les hommes et
six mois pour les femmes célibataires, afin de se plier à la durée
légale de service militaire obligatoire de tout Israélien. D’autres
possibilités de séjour dans l’armée existent pour les juifs non
israéliens : ils vont de trois semaines maximum (programme Sar-El,
réalisable dès l’âge de 16 ans) à deux mois (programme Marva, seul à
être facturé, à hauteur de 1500 dollars). Dans ces deux derniers cas,
les volontaires gardent un statut civil même s’ils portent l’uniforme et
vivent dans des casernements de l’armée régulière, cantonnés à des
tâches de servitude dans des bases militaires logistiques pour Sar-El
mais recevant un entraînement au combat militaire pour Marva avec, dans
les deux cas des activités complémentaires « éducatives » sur Israël et
le sionisme.
Contrairement à la plupart des autres pays, la motivation des
volontaires n’est pas d’obtenir la nationalité par ce biais. La loi dite
« du Retour » en vigueur depuis 1950 accorde en effet de droit la
nationalité israélienne à tout juif migrant en Israël. La raison d’être
de cet accueil dans l’armée est de « permettre à de jeunes Juifs de
partout dans le monde de renforcer leur relation avec Israël et avec le
peuple juif en se portant volontaire pour l’armée israélienne. Les
programmes des Forces de défense israéliennes visent à contribuer à la
défense d’Israël, seule démocratie du Moyen-Orient, et à fournir de
jeunes leaders compétents et enthousiastes aux communautés juives »1.
Les effectifs de volontaires pour Mahal semblent cependant
relativement faibles. Selon un article de 2007 du Jerusalem Post, un peu
plus de mille juifs non israéliens seulement se sont portés volontaires
de 1988 à 2007 pour passer dix-huit mois dans les rangs combattants de
l’armée israélienne. Faute de statistiques disponibles sur Mahal, celles
qui concernent Sar-El peuvent néanmoins servir de repère : sur les 4011
participants à Sar-El en 2012, les principales nationalités de très
loin les plus représentées étaient les États-Unis (1221) et la France
(1086), parmi une soixantaine de pays d’origine répertoriés.
La raison d’être de cet accueil au sein de l’armée israélienne est la
même que pour les nombreux programmes civils offerts aux juifs non
israéliens : le renforcement des réseaux de solidarité au sionisme au
sein des communautés juives dans le monde et leur entretien idéologique.
Cette stratégie est poursuivie depuis la création d’Israël. Nombreux en
effet sont les juifs non israéliens, notamment en France, à revendiquer
leur appartenance morale à Israël, comme s’il s’agissait pour eux de
compenser leur non-citoyenneté de l’État d’Israël, pays en permanence
« menacé » auquel chaque juif se doit de donner sa contribution. Ces
programmes, qu’ils soient militaires ou civils, semblent atteindre leurs
objectifs auprès des impétrants, qui en reviennent généralement encore
plus défenseurs de la cause israélienne qu’ils ne l’étaient auparavant.
Cette situation alimente cependant un paradoxe : d’un côté un
engouement pour Israël des juifs de l’extérieur, qui se manifeste entre
autres en Europe par l’augmentation du flux migratoire juif et en
particulier français vers Israël : 49 % de plus (de 1469 à 2185) pour
les neufs premiers mois de 2013 par rapport à la même période de l’année
2012 (1907), et de l’autre la proportion croissante d’Israéliens qui
quittent Israël, essentiellement vers l’Amérique du Nord et l’Europe, en
quête d’une vie socioéconomique meilleure et las de l’état de guerre
permanent. À tel point que l’immigration nette israélienne est en train
de décliner : en 2012, les Israéliens quittant Israël étaient aussi
nombreux que les nouveaux immigrants (16 000).
Le discours martelé par le premier ministre israélien Benyamin
Nétanyahou, qui amalgame à dessein antisionisme et antisémitisme cherche
à accroître les vocations à l’Aliyah2 au sein des communautés juives
dans le monde. Repris en écho par les défenseurs d’Israël à l’étranger,
il fait accroître non sans succès la perception de l’antisémitisme
régnant, en décalage par rapport à sa réalité concrète. Il contribue à
dynamiser les gestes de solidarité que constituent en particulier le
séjour des juifs non israéliens dans l’armée israélienne afin de
participer, ne serait-ce qu’un temps, à la défense et la cohésion de l’
« État juif ». En août 2012, dans un discours de bienvenue d’un groupe
d’Américains venus rejoindre l’armée israélienne, le premier ministre
déclarait : « Nous voyons aujourd’hui un nouvel antisémitisme virulent,
et nous devons nous défendre nous-même contre cela. La tâche la plus
importante est de défendre l’État juif. C’est ce que nous faisons, c’est
ce que vous allez faire et je suis fier de vous »3.
Un paradoxe français
Avec Israël, nous sommes donc loin du cas des autres pays. Ce que
l’on pourrait, à la rigueur, qualifier de « mercenariat » s’agissant de
la Légion en France, et aux États-Unis de ticket d’accession à la
citoyenneté américaine, relève uniquement en Israël du soutien à une
idéologie, le sionisme, à l’adresse unique de la communauté juive. Ce
qui différencie également le Français engagé dans l’armée américaine de
son compatriote volontaire pour l’armée israélienne, c’est que l’un
subit, afin de vivre définitivement aux États-Unis, son éventuelle
participation à des opérations militaires « hors » droit international,
comme en Irak en 2003, alors que l’autre va intentionnellement
participer à l’occupation de territoires, en violation du droit
international. Mais cette démarche-là ne semble interroger personne, pas
plus que les éventuelles implications de Français dans des violations
de la charte internationale des droits de l’Homme ou du droit de la
guerre. La question reste cependant posée.
La légitimité de la démarche mérite également attention. Alors qu’un
Français non israélien, au nom de son appartenance à la communauté
juive, trouve légitime de défendre une occupation illégale de
territoires, un Français non palestinien, au nom de ses racines arabes,
ne peut-il pas trouver tout aussi légitime d’aller défendre sur le
terrain les Palestiniens contre l’extension illégale des colonies sur
leurs territoires ? Laquelle de ces deux démarches repose sur une
légitimité en accord avec le droit international et le droit français ?
Il est fait grand bruit par ailleurs des Français musulmans qui vont
combattre en Syrie aux côtés de la rébellion soutenue par la France,
mais qui ont le tort de rejoindre des groupes djihadistes répertoriés
comme terroristes. Mais personne ne parle de ces Français qui, depuis
des années, vont participer sous uniforme israélien à une occupation
officiellement dénoncée par l’ONU et par l’État français. Il y a pour le
moins un paradoxe en France et, si l’on base la légitimité sur le
droit, un grand flottement. Imaginons qu’un citoyen français, sous
uniforme israélien, se trouve confronté dans les territoires occupés à
un autre citoyen français engagé dans le soutien de la cause
palestinienne. Il conviendrait alors d’éclairer, vis-à-vis du droit
français, le statut légal de chacun de ces deux ressortissants.
http://orientxxi.info/magazine/ces-...CAPJPO-EuroPalestine
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