Ali Abunimah
Ce quartet a été formé pour aider les négociations
israélo-palestiniennes, mais en réalité son émissaire, Tony Blair,
l’utilise pour son profit personnel.
Tony
Blair, ici environné de ses collaborateurs israéliens, visite un des
points d’accès du camp de concentration qu’est devenu la bande de Gaza.
Criminel patenté, Blair devrait être traduit devant la CIJ pour crimes
de guerre en Irak. Quant au Quartet dont il est l’envoyé, il ne sert
qu’à favoriser la colonisation israélienne des territoires palestiniens
et devrait être dissout dans les meilleurs délais.
Récemment, l’émissaire du Quartet, Tony Blair, a été
l’objet de critiques acerbes de la part des responsables proches du
dirigeant de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. On a même murmuré
que les collaborateurs d’ Abbas pourraient demander officiellement son
renvoi.
Blair est devenu l’émissaire du Quartet le jour où il a
cessé d’être le Premier ministre du Royaume-Uni en 2007 ; bien que son
rôle ait été sans aucun doute néfaste pour le peuple palestinien et
nuisible pour le droit international, cela ne suffirait pas pour
demander son renvoi.
Le Quartet - un comité spécial composé du Secrétaire
général des Nations unies, d’officiels des USA, de l’Union européenne,
de la Russie qui monopolise le prétendu « processus de paix » - a
lui-même détruit le peu de crédibilité qui restait aux Nations unies
concernant la question palestinienne.
C’est en fait une façade pour une opération qui
travestit les exigences posées par Israël et les USA aux Nations unies
en positions "internationales", évinçant le droit international et les
innombrables résolutions sur la myriade de graves infractions aux
conventions de Genève, commises par Israël.
Pour commencer à restaurer la crédibilité des Nations
unies, le Secrétaire général Ban Ki-moon devrait quitter le Quartet et
cesser de le financer et de le soutenir. Faute de quoi, les États
membres des Nations unies devraient exiger qu’il le fasse.
Véhicule pour les ambitions et l’enrichissement personnels de Blair
Nabil Shaath, associé principal d’Abbas, s’est plaint
officiellement que Blair se faisait « l’avocat de la défense » d’Israël
vis-à-vis de la demande d’admission comme membre à part entière
présentée par Abbas pour la Palestine aux Nations unies.
Ceci n’a rien de surprenant pour ceux qui ont suivi la
situation, mais ce qui est nouveau est que la critique est publique et
que Blair focalise l’attention
Dans un épisode récent de Investigative Documentary Dispatches,(document d’enquête) sur Channel 4
de la télévision britannique, l’émission a révélé combien Blair a
utilisé le Quartet pour favoriser ses intérêts commerciaux personnels et
ceux de ses clients.
Selon ce documentaire, Blair a utilisé son poste dans le
Quartet pour s’introduire auprès de dirigeants arabes avec lesquels son
bureau privé et confidentiel Tony Blair Associates (le nom rappelle de façon frappante le tristement célèbre Kissinger Associates)a alors signé des contrats d’expert-conseil.
Blair a décroché un contrat d’une valeur de 40 millions
de dollars auprès de l’émir du Koweït pour lui prodiguer des conseils
sur les « réformes » et un autre, s’élevant supposément à des millions
de dollars, auprès des dirigeants des émirats Arabes unis.
Mélanger ainsi son rôle officiel et privé, Blair l’a également fait en Palestine.
Blair a joué un rôle décisif dans les pressions exercées
sur Israël pour l’attribution, en novembre 2009, de fréquences à la
société de téléphonie mobile Wataniya en Cisjordanie occupée. Wataniya
est la propriété du géant des télécoms qatari Q-Tel qui a acheté
Wataniya en 2007 pour 2 milliards de dollars au moyen d’un prêt accordé
par la banque JP Morgan, selon le documentaire de Channel 4.
Blair travaille aussi pour JP Morgan qui le paie plus de
2 millions de dollars par an pour des conseils " stratégiques". Selon
le documentaire britannique, JP Morgan devait réaliser des « bénéfices
substantiels » si l’affaire était conclue. Israël, faut-il le rappeler,
n’a accepté d’attribuer les fréquences à Wataniya que si l’AP renonçait
à donner suite, par le canal des Nations unies, aux conclusions du
rapport Goldstone sur les crimes de guerre commis par Israël à Gaza,
Un autre marché important que Blair a traité avec Israël concerne les contrats obtenus par British Gas
pour exploiter les gisements de gaz naturel d’une valeur de 6 milliards
de dollars dans les eaux territoriales de la Bande de Gaza occupée.
Bien que Blair ait prétendu publiquement que le marché profiterait aux
Palestiniens de Gaza, aucun Palestinien de Gaza n’a jamais été consulté.
Blair a négocié le marché directement avec le premier ministre Benjamin Netanyahu, qui selon Channel 4
« aimerait qu’Israël contrôle la fourniture de gaz ainsi que tout
excédent de production qui serait vendu à Israël, et non pas sur le
marché".
En d’autres termes, Blair ne se contente pas de s’enrichir lui-même et ses clients (aussi bien lui que JP Morgan ont nié sur Channel 4
tout « conflit d’intérêts »), il collabore en outre au colonialisme, à
l’exploitation, au pillage et aux profits tirés par Israël des
territoires palestiniens occupés en faisant cyniquement semblant
"d’aider les Palestiniens ».
Absence de responsabilisation
S’il est difficile de tracer la limite entre la mission
officielle du Quartet et les intérêts personnels de Blair, c’est en
raison d’un manque total de transparence et de responsabilisation.
Apparemment, Blair n’est pas tenu de respecter les règlements stricts en
matière de conflits d’intérêts et de divulgation auxquels sont soumis
les fonctionnaires des Nations unies ou les officiels britanniques, bien
que ce soient apparemment des fonds des Nations unies et du
gouvernement britannique qui financent le bureau de Jérusalem à coups de
millions de dollars par an alors que Blair y passe à peine quelques
jours pas mois.
En 2007, le « Programme d’assistance au peuple
palestinien » des Nations unies a dépensé plus de $ 400.000 pour les
trois voitures blindées de Blair. La plus grosse partie des frais
administratifs du bureau de Blair incombe aux contribuables britanniques
Personne ne sait qui peut recruter ou renvoyer Blair.
Toutefois, celui-ci n’a fait qu’exploiter la situation et il est le
symptôme d’un problème plus large : celui du Quartet lui-même.
Les exigences du Quartet et des
Nations unies n’ont été adressées qu’aux Palestiniens tandis qu’Israël a
continué à coloniser illégalement et en toute impunité [GALLO/GETTY]
Écran de fumée pour les Américains et les Israéliens
On parle souvent du Quartet comme si c’était un organe
officiel, alors qu’il a été constitué en 2002 en tant que comité
informel. Aucune résolution des Nations unies ne lui octroie de mandat,
bien qu’il semble prendre une allure permanente et avoir la préséance
sur toutes les autres institutions internationales.
Dès le début, le Quartet n’a pas été tellement un forum
international participant à la solution de la question palestinienne
qu’un substitut de l’intervention internationale réelle et une
couverture pour le contrôle US.
Un diplomate français qui a été consultant principal
auprès de Tony Blair au bureau du Quartet à Jérusalem, Anis Nacrour, a
dit à Channel 4 que dès le début, le Quartet a été
un « écran de fumée pour l’activité des USA et du tandem
américano-israélien. En fin de compte, tout ceci permettait de gagner du
temps pour que le gouvernement israélien puisse faire tout ce qu’il
voulait ».
Les exigences ne visent que les Palestiniens
La fameuse « feuille de route » du Quartet de 2002 par
exemple, imposait des devoirs stricts, aussi bien à l’Autorité
palestinienne qu’à Israël. Les Palestiniens devaient sévir contre toute
résistance à l’occupation et reprendre « la coordination de la
sécurité » avec l’armée d’occupation tout en entreprenant des
« réformes » dictées par l’extérieur afin de préparer la naissance de
"l’État" palestinien. Parallèlement, Israël était obligé de « geler
toute activité des colonies » et de « mettre immédiatement fin à la
violence perpétrée contre les Palestiniens ».
Près de 10 ans plus tard, l’Autorité palestinienne a
consciencieusement sauté à travers tous les cerceaux au point que le
négociateur, Saeb Erekat, se vantait auprès des officiels US en 2009 de
ce que dans l’exécution des devoirs de la feuille de route, lui-même et
ses collègues de l’AP étaient allés jusqu’à « tuer notre propre peuple
pour respecter l’ordre et la légalité ».
Pourtant, durant la même période, Israël tuait des
milliers de Palestiniens, commettant des atrocités caractérisées de
crimes de guerre et il continuait à voler et à coloniser les terres
palestiniennes en toute impunité. Dans sa dernière déclaration le
Quartet n’a même pas osé mentionner le mot « colonies » ; il a demandé à
l’AP de revenir au même carrousel de négociations, tandis qu’Israël
continuait à construire sur les terres palestiniennes.
Le Quartet légitimise le siège de Gaza et les Nations unies obéissent
En septembre 2010, la mission d’enquête internationale
chargée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies de mener
une enquête sur l’attaque israélienne contre la flottille, a conclu que
le siège et le blocus israélien de Gaza sont illégaux, position
antérieurement prise par le Comité international de la Croix-Rouge.
Le Secrétaire général des Nations unies devrait adopter
et défendre cette position. Au lieu de quoi, l’actuel détenteur du
poste, Ban Ki-moon, prend ses ordres auprès du Quartet au mépris du
droit international qu’il a juré de faire respecter.
Chose choquante, en mai dernier, alors qu’une autre
flottille se préparait à appareiller pour Gaza, Ban a écrit aux
gouvernements des États méditerranéens pour qu’ils « usent de leur
influence » afin d’empêcher les bateaux de partir à Gaza.
Dans sa lettre, il disait que les flottilles n’étaient
pas « utiles » et que le Secrétaire général « estimait que l’assistance
et les marchandises destinées à Gaza pouvaient être acheminées par des
passages légitimes et des circuits établis ». Ban fondait sa position
sur une déclaration du Quartet.
Bien entendu « les passages légitimes et les circuits
établis » mentionnés par Ban étaient ceux qu’Israël avait imposés
unilatéralement dans un effort délibéré de punir collectivement Gaza et
de calculer les rations alimentaires de sa population - constituée pour
moitié d’enfants -selon les « formules mathématiques » révélées par
Gisha, groupe israélien de défense des droits humains.
En d’autres termes, le Secrétaire général soutenait, sur
la base de la position du Quartet, qu’Israël avait le droit de faire ce
qui lui plaisait, indépendamment de l’illégalité de ses actions et de
leur dangerosité pour la population de Gaza.
En outre, le Secrétaire général est devenu une recrue,
tout comme le gouvernement grec plus tard, de la campagne
américano-israélienne visant à arrêter la flottille pour éviter ainsi
aux Israéliens d’avoir à envoyer des voyous aborder les bateaux
transportant des pacifistes civils.
Pour maintenir le consensus du Quartet dicté par Israël
et les USA, le Secrétaire général des Nations unies a fait fi du droit
international et a réduit au silence tous les autres États membres des
Nations unies.
Les États membres doivent reprendre les Nations unies et mettre fin au Quartet
Il est vrai qu’il y a eu récemment une scission au sein
du Quartet, la Russie bloquant certaines des initiatives les plus
déplorables des USA à savoir notamment, selon certaines sources,
l’inclusion dans la dernière déclaration du Quartet de la demande
d’Israël d’être reconnu en tant que « État juif ». Ces différends ne
reflètent toutefois aucun débat ni processus véritables : ils montrent
simplement l’outrance de la proposition américano israélienne.
Les 191 autres membres des Nations unies ne devraient
pas tolérer que leur rôle revienne à un seul membre - représenté par un
Secrétaire général faible et complaisant - dans un comité spécial qui a
en fait été contrôlé par les USA dans l’intérêt d’Israël.
Les États de la Ligue arabe devraient au moins exiger
que le Secrétaire général des Nations unies se retire du Quartet et
cesse de financer le bureau de Tony Blair avec des fonds qui étaient
censés aider les Palestiniens dont la vie a été dévastée par les
politiques israéliennes mêmes que Blair facilite.
Si les Nations unies veulent commencer à jouer un rôle
utile dans la restauration des droits usurpés aux Palestiniens, elles
doivent commencer par abolir le Quartet obstructionniste et
irrémédiablement corrompu.
*Ali Abunimah est l’auteur de One Country, A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict.
Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.
Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.
La version originale de ce texte peut être consultée ici :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction : Anne-Marie Goossens