samedi 30 juillet 2011

Har Homa ou l’urbanisme conquérant d’Israël

publié le samedi 30 juillet 2011
Adrien Jaulmes

 
Construite dans les années 1990 dans les limites du grand Jérusalem, municipalité aux frontières élargies et jamais reconnues internationalement, Har Homa symbolise la ténacité et la détermination du vaste projet de judéification de la ville menée par les municipalités successives
Vu de l’extérieur, Har Homa est une sorte de forteresse de pierres blanches, posée au sommet d’une colline pierreuse à la sortie sud-est de Jérusalem. Les immeubles de cette ville nouvelle s’enroulent de façon concentrique. Il n’y a qu’une seule entrée, comme dans un château fort. À l’intérieur, c’est un petit paradis de rues circulaires, de jardins d’enfants, de pavés autobloquants et de bacs à fleurs. La vue y est splendide, et donne sur les collines beiges du désert de Judée, Bethléem, et, au loin, la taupinière géante de l’Hérodion, palais et nécropole du roi Hérode le Bâtisseur. Le centre de Jérusalem est à dix minutes de voiture ou de bus, et les habitants répètent d’ailleurs tous qu’ils sont à Jérusalem.
Dans le grand jeu de Monopoly engagé par les Israéliens à Jérusalem, Har Homa est un lieu symbolique. Construite dans les années 1990 dans les limites du grand Jérusalem, municipalité aux frontières élargies et jamais reconnues internationalement, Har Homa symbolise la ténacité et la détermination du vaste projet de judéification de la ville menée par les municipalités successives. Il vise à entourer Jérusalem-Est d’un réseau de quartier juifs, qui coupent la partie palestinienne du reste de la Cisjordanie. Et rendent peu à peu quasi impossible toute division de la ville. Un imbroglio foncier et politique
Har Homa est aussi le parfait exemple de l’impuissance de la communauté internationale et en particulier des États-Unis, à s’opposer à cet urbanisme conquérant et militant.
Comme dans tous les épineux dossiers de la colonisation à Jérusalem-Est, l’histoire d’Har Homa est un imbroglio foncier et politique. Le projet est lancé sur une colline située entre Jérusalem et Bethléem, sur des terrains boisés classés, et situés en Cisjordanie occupée. Les Israéliens arguent de ce que la plupart appartenaient à des propriétaires juifs, expropriés lors de l’occupation jordanienne de 1948.
Ce qui n’empêche qu’Har Homa est construite à l’est de Ligne verte, la ligne de démarcation du cessez-le-feu de 1949, et est considérée par la loi internationale comme une colonie. La mobilisation de la gauche israélienne et des Palestiniens contre le projet dans les années 1990 n’a rien pu empêcher. Aujourd’hui, Har Homa est un quartier de 22.000 habitants, et des nouvelles tranches d’immeubles sont en voie d’achèvement. Hertzl Ezechiel, le maire d’Har Homa, faisait partie des quelques familles qui s’installérent dans le nouveau quartier en février 2002. C’est aussi un sioniste religieux convaincu, qui exprime clairement ses convictions. « Je me suis installé à Har Homa pour des raisons idéologiques, et notamment pour renforcer Jérusalem », dit-il. « Ce qui veut dire amener de plus en plus de Juifs, et construire, construire et encore construire. »
« Dans les années 1990, je me souviens de la mobilisation contre Har Homa, menées par Fayçal Husseini, le responsable de l’OLP pour Jérusalem. À quoi ça a abouti ? On a construit quand même, et aujourd’hui, nous avons 22 000 habitants. Les Juifs doivent construire à Jérusalem. Condoleezza Rice s’était opposée en 2008 à de nouvelles constructions. Nous avons manifesté pour lui dire que nous sommes libres de construire où bon nous semble à Jérusalem, et que nous n’avons peur de personne. » « Mais je vis aussi ici pour avoir un plus grand appartement », ajoute-t-il. Promoteurs immobiliers
À des degrés divers, ces raisons demeurent les principales motivations des habitants d’Har Homa. Religieux sans être ultra-orthodoxes, nationalistes sans être des militants acharnés comme les colons du Goush Etzion, le bloc de colonies voisines, ils sont des Israéliens de classe moyenne, qui n’ont aucune impression d’être des colons.
Partie intégrante de Jérusalem selon les autorités israéliennes, et donc non concernée par le gel des constructions de l’année dernière, Har Homa est dans les faits reliée directement à la ville.
La crise du logement que connaît Israël depuis plusieurs années, et qui culmine cet été par des mouvements de protestation dans plusieurs villes du pays, fait l’affaire des promoteurs immobiliers.
« Ici vous avez une qualité de vie excellente, et, à surface égale, un appartement coûte deux fois moins cher qu’à Jérusalem », explique Ram-El Lavi, un agent immobilier qui fait visiter des appartements à Har Homa. « C’est une occasion unique pour des jeunes couples, qui autrement ne pourraient pas se loger en ville. »
Mais les immeubles existants sont déjà presque tous pleins. « Il y a de nouveaux projets, mais la mairie temporise pour ne pas fâcher les Américains. Pourtant, ils peuvent penser ce qu’ils veulent, on ne va pas partir. On est à Jérusalem ici. »
publié par le Figaro