Jeudi 27 janvier 2011
Depuis plus d'une décennie, depuis l'effondrement des pourparlers de Camp David en 2000, le mantra de la politique israélienne est identique : "Il n'y a pas de partenaire palestinien pour la paix".
Cette semaine, la première de centaines de fuites de documents confidentiels palestiniens a confirmé les soupçons d'un nombre croissant d'observateurs que ceux qui ne veulent pas de compromis dans le processus de paix se trouvent du côté israélien, et non palestinien.
Certains des documents les plus révélateurs, publiés conjointement par la télévision Al-Jazeera et le journal britannique Guardian, datent de 2008, une période relativement optimiste quant aux récentes négociations entre Israël et les Palestiniens.
A l'époque, Ehud Olmert était premier ministre d'Israël et s'était publiquement engagé à aboutir à un accord sur un Etat palestinien. Il était soutenu par l'administration des Etats-Unis de George W. Bush, qui avait relancé le processus de paix fin 2007 en accueillant la conférence d'Annapolis.
Dans ces circonstances favorables, les documents montrent qu'Israël a rejeté une série de concessions importantes faites par l'équipe de négociation palestinienne pour les mois suivants sur les questions les plus sensibles des négociations.
Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité Palestinienne, a tenté sans conviction de nier la véracité des documents, mais n'a pas été aidé par l'absence de responsables israéliens prêts à l'aider.
Selon les documents, le compromis palestinien le plus important --ou "trahison", comme beaucoup de Palestiniens l'appellent-- portait sur Jérusalem.
Pendant une série de réunions au cours de l'été 2008, les négociateurs palestiniens ont accepté l'annexion par Israël de larges pans de Jérusalem-Est, tous, sauf l'une des colonies juives de la ville et des parties de la vieille ville elle-même.
Il est difficile d'imaginer comment la mosaïque résultant des enclaves palestiniennes à Jérusalem-Est, entouré par des colonies juives, pourrait jamais avoir fonctionné comme la capitale du nouvel état de Palestine.
Plus tôt, lors des pourparlers de Camp David, selon des documents officiels israéliens fuités au quotidien Haaretz en 2008, Israël avait proposé quelque chose de très semblable à Jérusalem : le contrôle des Palestiniens sur ce que l'on appelait alors des "bulles" territoriales.
Lors des négociations ultérieures, les Palestiniens ont également montré une volonté de renoncer à leur revendication de souveraineté exclusive sur Haram al-Sharif, point critique de la Vieille Ville, quartier sacré qui comprend la mosquée al-Aqsa et est entouré par le mur occidental. Un comité international a été proposé à la place pour superviser la zone.
Ce fut probablement la plus importante de toutes les concessions --le contrôle du Haram est la question qui "a grillé" les pourparlers de Camp David, selon un responsable israélien qui était présent.
Saeb Erekat, négociateur en chef de l'OLP, est cité promettant à Israël "le plus grand Yerushalayim de l'histoire"-- en utilisant le mot hébreu pour Jérusalem -- au moment où son équipe a effectivement abandonné les droits des Palestiniens consacrés par le droit international.
Les concessions ne se sont pas arrêtées là, cependant. Les Palestiniens ont accepté des échanges de terre pour accueillir 70 pour cent du demi-million de colons juifs en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est et renoncer aux droits de tous sauf quelques milliers de réfugiés palestiniens.
L'état palestinien devait aussi être démilitarisé. Dans l'un des papiers de consignation des négociations en mai 2008, Erekat demande aux négociateurs d'Israël : "Au delà de vos avions de chasse dans mon ciel et de votre armée sur mon territoire, je peux choisir où j'assure la défense extérieure ?" La réponse israélienne a été un catégorique : "Non"
Fait intéressant, les négociateurs palestiniens auraient accepté de reconnaître Israël comme un "état juif"--concession qu'Israël prétend maintenant être l'une des principales pierres d'achoppement à un accord.
Israël a également insisté pour que les Palestiniens acceptent un échange de terres qui transférerait une petite zone d'Israël dans le nouvel état palestinien en même temps qu'un nombre égal au cinquième des 1,4 million de citoyens palestiniens d'Israël. Cette demande fait écho au "transfert de population" controversé longtemps proposé par Avigdor Lieberman, ministre israélien des affaires étrangères d'extrême-droite.
Les documents palestiniens, comme ils sont appelés, demandent une sérieuse réévaluation de deux suppositions persistantes --et erronées-- formulées par de nombreux observateurs occidentaux à propos du processus de paix.
La première a trait au rôle auto-proclamé d'intermédiaire honnête des états-Unis. Ce qui saute aux yeux à travers les documents est la réticence des responsables américains à exercer une pression égale sur les négociateurs israéliens, alors même que l'équipe palestinienne fait des concessions majeures sur les questions fondamentales. Les "exigences" d'Israël sont toujours considérées comme primordiales.
La seconde est l'hypothèse que les pourparlers de paix sont tombées en désuétude principalement du fait de l'élection il y a deux ans d'un gouvernement de droite israélien dirigé par Benjamin Netanyahu. Il a suscité des critiques internationales pour avoir refusé d'accepter plus que du bout des lèvres un état palestinien.
L'objectif des Américains --au moins dans les premiers stades du premier ministre Netanyahou-- était de forcer la main en lui apportant dans sa coalition, Tzipi Livni, chef du parti centriste d'opposition Kadima. Elle est encore largement considérée comme le défenseur de la paix israélien le plus crédible.
Toutefois, Livni, qui a déjà été ministre des affaires étrangères de M. Olmert, apparaît dans les documents fuités comme un négociateur inflexible, dédaigneux des concessions énormes faites par les Palestiniens. A un moment clé, elle refuse l'offre des Palestiniens, après avoir dit : "Je l'apprécie vraiment".
Le point d'achoppement pour Livni a été une poignée de colonies en Cisjordanie que les négociateurs palestiniens ont refusé de céder à Israël. Les Palestiniens se plaignent depuis longtemps que [la cession des ] les deux plus importantes -- Maale Adumim, en dehors de Jérusalem, et Ariel, près de la ville palestinienne de Naplouse -- aurait pour effet de couper la Cisjordanie en trois cantons, sapant tout espoir de continuité territoriale.
L'insistance de Livni concernant ces colonies -- après tous les compromis palestiniens -- suggère qu'il n'y a pas de dirigeant israélien disposé ou apte à parvenir à un accord de paix -- sauf, bien entendu, si les Palestiniens cèdent à presque toutes les demandes israéliennes et renoncent à leurs ambitions concernant l'état.
L'un des documents palestinien cite un Erekat exaspéré demandant à un diplomate américain l'an dernier : "Qu'est-ce que je peux donner plus" ?
L'homme à la réponse peut être Lieberman, qui a dévoilé sa propre carte d'un état palestinien cette semaine. Il a concédé un état provisoire sur moins de la moitié de la Cisjordanie.
Traduction Nicole pour :
http://www.jkcook.net/Articles3/0545.htm#Top
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