Saleh Al-Naami
Al-Ahram Weekly
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Malgré la preuve implacable que la société israélienne est foncièrement raciste, le monde extérieur se tait, écrit Saleh Al-Naami.
« J’ai senti que Dieu arrachait mon fils à la mort » dit Fatima, mère de Gamal Nassar élève au collège de Safad, dans le nord d’Israël. Elle le serre très fort dans ses bras après l’avoir examiné pour être sûre qu’il n’avait pas été blessé par la bombe incendiaire qui avait été lancée sur sa voiture comme il partait de l’appartement qu’il loue à Safad, vendredi. Cette attaque n’est pas surprenante, elle entre dans cette spirale de violence orchestrée par les jeunes juifs contre les étudiants arabes qui viennent au collège et vivent dans les villages voisins. Le rabbin de la ville, Samuel Eliyahu, a récemment publié un décret qui interdit aux colons juifs de louer des logements aux étudiants arabes.
Salam Aghbaria, 20 ans, était en prière dans l’appartement qu’il loue dans la ville quand les murs se sont mis à trembler violemment sous les explosions des bombes incendiaires lancées par des jeunes juifs, à l’intérieur de l’appartement. C’est un miracle qu’Aghbaria y ait survécu. Beaucoup des camarades de classe arabes de Nassar et Aghbaria ont quitté leurs locations et sont repartis dans leurs familles. Maintenant, ils doivent faire chaque jour tout le chemin pour venir au collège parce que c’est trop dangereux pour eux de louer des appartements en ville.
Ce qui tracasse les étudiants, leurs familles et les dirigeants des Palestiniens de 1948, c’est que le gouvernement israélien n’a pas levé le petit doigt contre l’instigateur, ce rabbin raciste, qui s’en prend à la jeunesse arabe. Alors que certains Palestiniens de 1948 attendent une réponse officielle d’Israël, des dizaines de rabbins de premier plan en Israël ont apposé leur signature au bas d’un décret qui interdit aux juifs de louer ou de vendre leurs maisons à des non-juifs, notamment aux Arabes et aux travailleurs qui viennent de l’étranger.
Le site israélien Walla ! a publié que les rabbins justifiaient ce décret par la crainte qu’ils avaient des mariages entre juifs et gentils. Ils se disent également préoccupés par la baisse des prix des logements habités par des non-juifs. Le décret stipule : « Tout juif qui vend ou loue sa maison à un non-juif doit savoir qu’il occasionne une perte à ses voisins ». Les rabbins, en outre, appellent au boycott de tout juif qui vend ou loue sa maison à un gentil, ils ordonnent aux autres juifs de le mettre au ban de la société, de ne pas commercer avec lui, et de lui interdire les lieux saints juifs jusqu’à ce qu’il annule la vente ou la location au non-juif.
Le portail web note aussi que tous les rabbins importants des grandes villes, qui tous perçoivent des rémunérations de l’Etat, ont signé ce décret en dépit du fait qu’ils relèvent du corps religieux. Le décret est le dernier de toute une série de proclamations racistes venant des rabbins juifs ; un décret antérieur interdit aux Palestiniens de 1948 de se présenter comme candidats aux élections israéliennes, et un autre empêche les juifs de donner leur sang à des gentils.
Il apparaît bien que l’environnement politique et juridique en Israël incite aux attentats racistes, comme le prouve l’exemple du rabbin Isaac Shapiro, directeur de l’école religieuse Youssef Hai dans la colonie de Har Brakha, au nord de la ville occupée de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie. Shapiro vient de publier un livre justifiant le meurtre d’hommes, femmes et bébés palestiniens. Dans la Loi du Roi, Shapiro cite des dizaines de références de la Torah et du Talmud qui justifient le meurtre de bébés de peuples considérés comme ennemis des juifs.
Les journaux Haaretz et Maariv ont publié des extraits du livre qui étendent cette interprétation de meurtres aux enfants de gentils s’ils se trouvent en tel endroit dans le but de nuire aux juifs. Il est noté que Shapiro étend également son affirmation aux enfants des dirigeants ennemis qu’il faut exécuter afin d’affecter le moral de leurs pères : « Il est acceptable de frapper l’enfant de tout dirigeant pour empêcher (son père) de commettre de mauvais actes... Nous concluons que la jurisprudence justifie le meurtre des enfants de non-juifs pour anticiper le danger qu’ils vont représenter dans le futur s’ils grandissent pour devenir mauvais comme leurs pères ».
L’un des plus dangereux décrets est celui qui a été signé par un grand nombre de rabbins dans l’Association des rabbins de la terre d’Israël, dirigée par le rabbin Dov Lior, décret qui exhorte l’armée israélienne à bombarder sans discernement les zones d’habitations palestiniennes. Un certain nombre de fonctionnaires religieux de l’ancien cabinet d’Olmert se sont servis de ce décret pour appuyer le meurtre délibéré de Palestiniens lors de la dernière guerre d’Israël contre la bande de Gaza fin 2008. La proclamation indique : « La loi juive permet le bombardement de cibles civiles palestiniennes, et la Torah autorise le lancement de missiles en direction de combats, même s’il s’y trouve des civils ».
Les rabbins signataires sont allés jusqu’à affirmer que l’armée n’avait pas à prévenir les civils avant de commencer à bombarder.
Le rabbin Eliyahu Reskin, grand rabbin des colonies, a tourné en dérision les appels au dialogue entre rabbins juifs et chefs religieux du monde arabe. Reskin pense que la seule forme de dialogue entre musulmans et juifs, ce doit être les « balles », et il affirme que, à défaut de pouvoir convaincre les Arabes en général et les Palestiniens en particulier qu’un accord ne peut être imposé à Israël par la force, il n’y a aucun objet à un tel dialogue.
Il est clair que l’incitation au racisme par les rabbins a réussi à ancrer des sentiments racistes dans la population israélienne. Selon un sondage d’opinions réalisé par l’Institut israélien pour la Démocratie, publié la semaine dernière, 83 % des juifs en Israël disent que le caractère juif d’Israël est plus important pour eux que son caractère démocratique. Pendant que 86 % pensent que les décisions concernant l’avenir de l’Etat ne doivent être prises que par une majorité de voix exclusivement juives. Quelque 62 % affirment que tant qu’il y aura un conflit avec les pays arabes, Tel Aviv ne doit tenir aucun compte des Palestiniens de 1948, et pour 53 %, l’Etat a le droit d’inciter les Palestiniens de 1948 à émigrer.
76 autres % de juifs estiment que l’Etat ne doit pas autoriser les parents au premier degré des Israéliens arabes à venir en Israël dans le cadre du système des regroupements familiaux. En outre, 55 % veulent que l’Etat alloue plus de dotations aux ensembles résidentiels juifs qu’aux ensembles arabes. Pendant que 46 % ne veulent pas de travailleurs arabes dans leur immeuble et que 39 % refusent d’employer des hommes à tout faire étrangers.
Une étude par le doyen de l’université des Etudes sociales de Haïfa, Sami Smouha, révèle que 65 % des Israéliens refusent de partager des zones d’habitations avec des Palestiniens de 1948, mais que 67 % de ces Palestiniens de 1948 souhaitent partager leurs quartiers urbains avec des juifs. D’après ses conclusions, 65 % des juifs croient que les Palestiniens de 1948 représentent un danger pour Israël du fait de leur croissance naturelle, et à la possibilité de révoltes et désobéissances civiles pour soutenir leurs frères qui sont dans une situation désespérée en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.
Un rapport, publié par la Société des Droits des citoyens, groupe israélien de droits de l’homme, révèle que le niveau de haine à l’encontre des Arabes s’est accru de 100 %. Mais il n’y a pas que la société juive à être raciste envers les Arabes, il y a aussi les dirigeants politiques. Un article de Moshe Feiglin, membre éminent du parti au pouvoir, le Likoud, publié dans le Maariv, le 5 décembre, note : « L’Arabe n’est pas le fils du désert, mais le père du désert. L’Arabe emporte le désert avec lui, partout où il va... Les Arabes sont enracinés dans la culture du chapardage. L’esprit arabe souffre d’un manque d’innovation ; il n’y a pas du bon ou du mauvais dans la culture arabe, mais seulement du fort ou du faible ».
Des indicateurs cependant montrent que la poussée haineuse ne vise pas seulement les Arabes mais tout étranger. Un rassemblement massif, le 9 décembre à Tel Aviv, auquel participaient des personnalités laïques et religieuses, a appelé à l’expulsion de tous les étrangers des plus grandes villes d’Israël, sous le slogan : « Nous sommes devenus une poubelle à cause de ces travailleurs étrangers ». Suzy Cohen, activiste locale qui a organisé ce rassemblement, n’a pas hésité à dire : « Peu m’importe qu’on dise que je suis une nazie, du moment qu’on jette les étrangers dehors ».
L’intellectuel israélien antisioniste, Gideon Levy, est bouleversé par cette poussée du racisme, un racisme qu’il décrit comme « un cancer qui se propage rapidement dans tout le corps d’Israël. Du point le plus au sud, Eilath, jusqu’à Tabaria, au nord, les villes israéliennes, l’une après l’autre, déclarent, "je suis raciste" », écrit Levy. Dans un article publié la semaine dernière, il condamne le silence du gouvernement et de l’appareil d’Etat à propos de ces manifestations de racisme. « Nous sommes entourés par le silence. Il n’y a pas de gouvernement en Israël. Il n’y a personne pour dire avec force que les étudiants arabes ont des droits dans leur pays », ajoute Levy.
« Les travailleurs étrangers qui viennent d’Afrique sont des êtres humains que nous devons respecter, » poursuit-il, notant qu’Israël est, dans son essence, un pays de « réfugiés et de survivants du Génocide, mais que la discussion sur le sort des travailleurs étrangers se limite à des solutions diaboliques pour lesquelles les Israéliens rivalisent pour trouver les remèdes les plus horribles. Certains suggèrent de construire un mur pour empêcher l’entrée illégale des travailleurs étrangers, pendant que d’autres proposent l’incarcération collective des étrangers ou leur expulsion. Et pendant ce temps, les rabbins n’expriment aucune sympathie pour ces infortunés travailleurs qui font pourtant partie de la race humaine ».
Al-Ahram/Weekly - publication n° 1027, du 16 au 22 décembre 2010 - traduction : JPP