mardi 28 septembre 2010

Négocier en colonisant : le mauvais choix d’Israël

publié le mardi 28 septembre 2010
Pierre Haski

 
Benyamin Netanyahou, le premier ministre israélien, voudrait le beurre et l’argent du beurre ou, dans son cas, la reprise de la colonisation ET les négociations. Il n’est pas impossible qu’il obtienne gain de cause. Mais ce qu’il n’aura pas en même temps, c’est la paix.
Une partie d’Israël était en fête, dimanche soir, pour célébrer la fin du moratoire imposé à toute nouvelle construction en Cisjordanie occupée. Il y avait dans les reportages effectués auprès des colons et de leurs partisans, lors de la reprise symbolique des constructions dans les colonies juives, une ambiance de kermesse indécente au-dessus du volcan, de défi au reste du monde qui désapprouve mais ne fait rien [1].
Pour ces Israéliens, le titre de propriété de ces terres est de droit divin, et a donc une légitimité supérieure à ces résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies qui sont simplement l’émanation des hommes. Ils le disent sérieusement et, pour les avoir rencontrés, ils le croient vraiment.
On attendrait d’un gouvernement d’un pays démocratique qu’il attache, pour sa part, plus d’importance aux résolutions de l’ONU qu’à la parole attribuée à Dieu… Pas en Israël (ni dans les autres pays où une part de théocratie entre en ligne de compte dans la manière dont ils sont gouvernés, comme… l’Iran) où, cyniquement ou pragmatiquement, les « fous de Dieu », pas si fous que ça, en fait, ont toujours réussi à tenir les partis laïques en otage.
Le dilemme de Mahmoud Abbas
Cette situation place une fois de plus les Palestiniens devant une situation inextricable. Mahmoud Abbas, le pathétique président de l’Autorité palestinienne, a accepté sous pression de reprendre les négociations avec Israël sous l’égide américaine, sans avoir obtenu d’assurance que le moratoire israélien sur la colonisation serait prolongé.
Il est aujourd’hui sous pression d’accepter de poursuivre ces négociations malgré tout, laissant les mains libres aux Israéliens de continuer un processus qui menace l’idée même d’un Etat palestinien auquel tout le monde, en paroles, apporte désormais sa caution.
Qu’il accepte, et il continuera sa descente aux enfers aux yeux des Palestiniens et ouvre un boulevard à ses rivaux islamistes du Hamas ; qu’il refuse et il se retrouve sans stratégie de substitution, déplaisant à ses parrains américains et européens qui assurent le financement de son administration.
La position du premier ministre israélien est indéfendable : s’il n’est pas capable aujourd’hui d’imposer un simple moratoire à l’aile la plus extrémiste de sa coalition gouvernementale et de l’opinion israélienne, qui peut croire qu’en cas d’accord avec les Palestiniens aux négociations de Washington, il sera capable d’évacuer les colons par la force, comme avait dû le faire Ariel Sharon pour évacuer ceux de Gaza [2] ?
La démission d’Obama
La véritable interrogation ne devrait pas être celle de Mahmoud Abbas, mais celle de Barack Obama. S’il était cohérent, c’est sur Benyamin Netanyahou que devrait s’exercer sa pression pour qu’il prolonge son moratoire le temps que dureront les négociations. Mais, affaibli à l’intérieur et à quelques semaines des élections de mi-mandat, il ne le fera pas.
C’est pourtant entre les mains du président des Etats-Unis que reposent aujourd’hui les très maigres chances de ne pas voir dérailler l’énième processus de paix.
L’alternative à la passivité ou à l’échec, on la connaît. A ceux qui estiment que la Cisjordanie leur appartient parce que Dieu l’a dit, répondra la violence de ceux qui, de l’autre côté, pensent que Dieu leur a donné pour mission de chasser les colons. C’est le prix de la lâcheté diplomatique.
[1] voir aussi Karim Lebhour dans la Croix
Le moratoire partiel imposé par le gouvernement de Benyamin Netanyahou sur les constructions israéliennes en Cisjordanie expirait hier.
Le sort du processus de paix au Proche-Orient se joue peut-être ici, dans les rangés de maisons tracées au cordeau de Shilo, l’une des 120 colonies juives de Cisjordanie dans lesquelles vivent 300 000 Israéliens. Un panneau indique la mise en chantier d’un nouveau lotissement : « douze maisons, cinq chambres. Vue panoramique. Début des travaux immédiatement après la fin du gel », est-il précisé.
Le moratoire partiel imposé par le gouvernement de Benyamin Netanyahou sur les constructions israéliennes en Cisjordanie pendant dix mois expirait hier. Pour les Palestiniens, la fin du moratoire pourrait bien signer l’arrêt prématuré des pourparlers de paix. Le président Mahmoud Abbas n’a cessé d’affirmer qu’il ne négociera pas « un seul jour » si Israël relance la colonisation dans les territoires occupés. Ces tout derniers jours, les Américains pressaient Palestiniens et Israéliens de trouver un compromis.
Yisrael Medad, résident de Shilo et représentant du conseil régional de Samarie, ne se trouble pas pour autant. « Nous allons mettre les bouchées doubles. Les bureaux d’ingénierie ont travaillé sans relâche. Ces dix mois nous ont permis de faire toutes les études de terrain et les paperasses en retard de ces deux dernières années. Des centaines de projets sont prêts. On n’attend plus que la fin du gel », se félicite-t-il.
Quelques kilomètres plus au nord, dans l’implantation d’Ariel, l’impatience est la même. Avec près de 20 000 habitants, ses trottoirs pavés, son centre sportif et son théâtre, Ariel est gratifiée du statut de ville à part entière par les autorités israéliennes. Elle fait partie des « blocs » que l’État hébreu entend conserver dans le cadre d’un accord avec les Palestiniens.
Le gel sur les constructions y a été vécu comme une punition. « Les gens ne pouvaient même pas construire un patio », s’indigne Chen Keden, porteparole de la municipalité. La jeune femme passe la main sur une carte de la ville : « Toute la partie sud est encore constructible. Nous pourrions atteindre 35 000 habitants. »
Ces derniers jours, le comité de planification s’est réuni pour approuver les constructions qui débuteront la semaine prochaine. Le projet prioritaire : 100 unités de logements pour les colons évacués de Gaza en 2005. Ariel se trouve à une quinzaine de kilomètres de la frontière supposée avec Israël, à l’intérieur de la Cisjordanie. « L’autoroute n° 5 va directement à Tel-Aviv. Ma femme prend le bus le matin pour aller travailler. Nous sommes en Israël, pas en territoire palestinien », dit Rouven Franks, un résident.
Ces derniers jours, les États-Unis ont pressé Benyamin Netanyahou de prolonger le gel des constructions pendant trois mois, le temps de définir les frontières du futur État palestinien et de distinguer les implantations qui resteront sous contrôle israélien de celles qui devront être évacuées. Le premier ministre israélien a refusé. « Israël ne poursuivra pas le gel, mais ne construira pas non plus les dizaines de milliers de logements planifiés », a-t-il déclaré, appelant les colons à « faire preuve de retenue ».
« Le gouvernement va tenter de créer un goulot d’étranglement en freinant l’obtention des permis de construire, prédit Daniel Dayan, président du Conseil de Yesha, l’organisation représentative des colons. Son prédécesseur Ehud Olmert avait déjà utilisé ce procédé, mais nous avons suffisamment de poids politique pour gagner cette bataille. » Pour ce résident de Ma’ale Shomron, une petite implantation près de Qalqilya, il est hors de question de remettre en question le « droit des Juifs à vivre partout où ils l’entendent » entre le Jourdain et la Méditerranée. « Depuis ma maison, je vois les tours de Tel-Aviv. Si un militant islamiste prend ma place, les roquettes pleuvront sur la ville, poursuit-il. Nous sommes la première ligne de défense du pays. Un État palestinien serait une menace existentielle pour Israël. » http://www.la-croix.com/Les-colons-...
publié par Rue89
ajout de notes : CL, Afps