Eric Walberg - Al Ahram Weekly
La campagne de boycott ; désinvestissements et sanctions (BDS) continue à prendre de l’ampleur, que ce soit aux Etats-Unis, au Canada et en Europe, écrit Eric Walberg.
Vendredi 24 septembre 2010 - Une femme palestinienne interpelle des soudards israéliens lors d’une manifestation contre le mur d’apartheid dans le village de Bil’in en Cisjordanie près de Ramallah - Photo : AP/ Majdi Mohammed
En juillet, à Olympia, la ville de Rachel Corrie dans l’État de Washington, la Coop agro-alimentaire a annoncé qu’elle ne vendrait aucun produit israélien dans ses deux supermarchés. L’archevêque Desmond Tutu, principal partisan de cette nouvelle campagne de désinvestissement en Israël a fait une déclaration de soutien au boycott. « La Coop d’Olympia a rejoint un mouvement mondial grandissant animé par des citoyens et le secteur privé afin de soutenir la lutte palestinienne non-violente pour la justice et l’auto détermination. »
Au mois d’août, l’Université de Harvard a causé la surprise en retirant tous ses placements israéliens, soit près de 40 millions de dollars en actions dans des industries pharmaceutiques, NICE Systems, Check Point Software Technologies, Cellcom Israel et Partner Communications. Au début, Harvard n’a pas motivé son action à la SEC. John Longbrake, porte-parole de Harvard, a soutenu que l’université ne s’était pas désinvesti d’Israël, que ces changements étaient normaux et qu’ils ne constituaient pas un changement de politique.
Mais l’Université de Harvard cédait-elle en fait devant les appels au BDS et tentait-elle de le faire aussi discrètement que possible pour éviter des représailles sionistes ? Par le passé, Harvard s’est désinvestie de sociétés pour des raisons purement politiques, mais elle le faisait publiquement. Par exemple, il y a cinq ans, elle a retiré ses actions de PetroChina pour protester contre les actions chinoises au Soudan.
À Vancouver au Canada, le trafic des camions du port a été ralenti à une allure d’escargot à la fin du mois d’août quand un groupe de quelque 50 manifestants ont approché les camionneurs en leur remettant des tracts leur demandant d’observer la campagne de boycott mondial contre Israël et en particulier de refuser de décharger le porte-conteneurs israélien Djibouti de la société Zim, un des plus grands du monde, qui était arrivé au port de Vancouver. « Cette action s’inscrit dans la campagne internationale grandissante de pressions sur Israël pour qu’il respecte le droit international et arrête de tuer des civils innocents » a déclaré Gordon Murray, porte-parole de la Coalition Boycott Apartheid Israël (BIAC). « Les travailleurs d’Afrique du Sud, de Scandinavie, des USA, de Turquie et d’Inde ont déjà répondu à l’appel lancé par les Palestiniens » a dit Mike Krebs au nom de BIAC. « Le mouvement international de solidarité a décidé que la meilleure manière de changer le comportement d’Israël est de prendre des actions contre ses sociétés et ses institutions afin de faire pression sur son gouvernement ».
Lors d’une interview avec le Christian Science Monitor, Jonathan Ben Artzi, candidat à un doctorat à Brown University et neveu du premier ministre Benjamin Netanyahu, a affirmé que l’égalité et la justice sociale régneront en Israël lorsque le gouvernement et le peuple étasuniens auront une tolérance zéro pour les abus commis par Israël à l’encontre des Palestiniens. Ben Artzi, dont la famille vit dans la région depuis neuf générations, et qui a vu toute sa vie comment Israël maltraitait les Palestiniens a déclaré « parfois c’est un ami digne de confiance qui doit vous dire que ça suffit.
Tout comme ils l’ont fait en Afrique du Sud il y a 20 ans, des citoyens concernés dans tous les USA peuvent influer sur la situation en encourageant Washington à dire clairement à Israël que cela ne peut pas continuer ». En parlant de l’Afrique du Sud, il se référait aux manifestations, au boycott et aux actions de désinvestissement menés aux USA de 1984 à 1989, qui ont finalement forcé le gouvernement sud-africain de la minorité blanche à lâcher le contrôle de sa majorité noire opprimée. Ben Artzi a passé 18 mois en prison pour avoir refusé de faire son service militaire obligatoire dans l’armée israélienne.
La campagne californienne de désinvestissement en Israël a démarré le 8 septembre par le lancement d’une initiative demandant aux fonds de pension des fonctionnaires et des enseignants de se désinvestir de leurs activités commerciales en Israël.
L’organisatrice locale de la campagne, Sherna Gluck, membre du système de retraite des fonctionnaires a dit « notre régime de retraite publique a investi plus de 1,5 milliard de dollars dans au moins huit sociétés qui fournissent des matériels et des services militaires dont l’utilisation viole les droits humains internationalement reconnus, comprenant notamment le soutien aux colonies israéliennes illégales et au mur de séparation ».
L’archevêque Tutu a déclaré aux Californiens : « nous avons vaincu l’apartheid sans violence parce que la communauté internationale avait accepté de soutenir la campagne de désinvestissement dans l’apartheid. Une campagne similaire peut apporter la paix au Moyen-Orient sans violence.
Ceci n’est que le premier mouvement de désinvestissement en Californie. Des initiatives similaires seront bientôt lancées dans d’autres villes de cet Etat. Avec cette campagne de désinvestissement, les Californiens sont prêts à commencer un mouvement de désinvestissement État par État reproduisant la campagne anti-apartheid qui a contribué à éliminer le système oppressif en Afrique du Sud.
Le gouvernement des Pays-Bas a lui aussi créé un précédent important pour l’Europe et en fait pour les gouvernements du monde entier. Il a lancé une bombe cette semaine quand le Ministère des Affaires étrangères a annulé une tournée de maires israéliens prévue pour octobre. Le forum est financé par le Joint Distribution Committee, une association de bienfaisance judéo - étasunienne ; la liste des participants comprenait des représentants des colonies cisjordaniennes d’Efrat et de Kiryat Arba en « Judée » et en « Samarie ». Le ministère israélien des affaires étrangères a réagi : « ceci est sans aucun doute une politique inutile et inoffensive et nous espérons que ce n’est pas le dernier mot sur la question ».
Eh bien nous espérons le contraire. Les Pays-Bas sont devenus notoires pour leur islamophobie attisée par l’homme politique et cinéaste néerlandais Geert Wilders, qui annonce fièrement « je déteste l’islam », qui appelle le Coran un « livre fasciste » et traite le prophète Mohammed de « diable ». Il prétend que l’immigration musulmane est un « cheval de Troie ». Ses paroles sont reprises par le politicien israélien, Aryeh Eldad, qui a condamné le boycott dans ces termes : « le fait que les Néerlandais aient plié devant les Arabes reflète leur abdication devant la minorité musulmane ».
Cette initiative morale des Pays-Bas est de toute évidence une tentative pour redresser l’image négative de ce pays et elle fera réfléchir les autres gouvernements. Le président du Israel Local Council (conseil municipal), Schlomo Buchbut, conclut à juste titre : « la décision des Pays-Bas fait monter le conflit [israélo-arabe] tout en haut de la liste ».
23 septembre 2010 - Al Ahram Weekly - Cet article peut être consulté ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2010/101...
Traduction : Anne-Marie Goossens
http://weekly.ahram.org.eg/2010/101...
Traduction : Anne-Marie Goossens