dimanche 27 juin 2010

« Reconnaissance contre nourriture » : attention, complot !

samedi 26 juin 2010 - 07h:35
Abdul-Halîm Qindîl
Al-Quds al-Arabiyy
Les conquêtes du mouvement des hommes libres de par le monde risquent d’être dévalisées dans les coulisses et les négociations de ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale ».
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Dans la bande de Gaza 80% des Palestiniens dépendent de l’aide alimentaire
Le sang des martyrs risque d’avoir coulé en pure perte, la tentation d’en cueillir les fruits à partir de leurs racines risque de nous conduire à des lendemains amers pires que l’évident drame humain que vivent les habitants de Gaza.
Vous avez remarqué la manière dont tous les symboles du mal parlent aujourd’hui d’alléger le siège de Gaza, comme s’ils avaient découvert tout soudain - après quatre années de silence - la réalité du siège imposé à Gaza ? Ainsi, la Maison Blanche en parle, l’homme fait robot Ban Ki Moon, secrétaire général de l’Onu aussi, ainsi que Tony Blair, le représentant du Quartette et que Hosni Moubarak. Ce dernier a rencontré Joe Biden, vice-président des Etats-Unis, à Sharm el-Sheykh. Le secrétariat de Biden a publié un communiqué, à la suite de cette rencontre, dans lequel il accuse le Hamas d’être une « organisation terroriste » et il évoque diverses formules censées alléger le siège de Gaza.
Ce sont les épigones du processus de paix : toujours eux ! Ils suggèrent de rentrer la tête dans les épaules pour faire face aux tempêtes et aux intifadas des flottilles. Ils s’agitent pour cuisiner un nouveau règlement ayant pour titre : « Allègement du blocus » et pour contenu : des labyrinthes, des compromis, des cartes et des conditions à la mode d’Oslo et ses sœurs. Oslo, avec ses déconvenues et ses défaites, avait pour fonction de tourner la page de la première Intifada palestinienne. Et c’est ce que l’on veut atteindre avec la nouvelle mouture, à savoir que cette histoire d’allègement du blocus de Gaza serve à tourner la page de l’Intifada des Flottilles, et à parachever a domination israélienne sur les points de passage de la bande de Gaza, à moindres frais. En effet, Israël contrôle de fait six points de passage, et ce que l’on veut, à travers cette nouvelle mouture, c’est qu’Israël contrôle, secondée en cela par le régime égyptien, son allié dans la région, le point de passage de Rafah, et qu’il contrôle, avec l’aide de l’Union européenne - et peut-être aussi de l’Amérique - un point de passage supplémentaire sur la côte et que tout cela soit fait sous l’égide de l’inspection, des fouilles et du contrôle, de la garantie de la sécurité d’Israël et de l’interdiction de toute contrebande d’armes destinées au Hamas.
Un marchandage de cet acabit signifie ceci : les conditions de vie s’améliorent quelque peu à Gaza, même si les conditions politiques se dégradent concomitamment, la mobilisation en cours dans la rue arabe et mondiale en solidarité avec le peuple palestinien s’effiloche, la résistance ne peut plus rien faire, chaque balle et chaque roquette palestinienne signifiant la réimposition du blocus le plus strict, la pression des puissances régionales et internationale qui complotent contre le rêve palestinien est accrue, ces puissances participent à l’internationalisation de la situation à Gaza, laquelle situation fait l’objet de toutes les conjectures, ces manœuvres finissent par faire du gouvernement Hamas une administration de compagnie (dans le sens d’animal de compagnie !), qui participe aux consultations et aux accords à deux balles, soulageant les Israéliens du fardeau de l’autodétermination des habitants.
Le gouvernement Hamas se retrouve avec un rôle légèrement préférable ou très nettement préférable à celui de Abbas en Cisjordanie, mais son essence reste constante, à savoir que le Hamas doit compléter son évolution vers la reconnaissance d’Israël en échange du déversement de nourriture, de médicaments, de vêtements et de matériaux de construction sur Gaza. Si cela se produit, et le risque en est grand, nous aurons peut-être affaire à un drame pire que la situation actuelle à Gaza, même si d’aucuns considèrent qu’il s’agit d’une victoire, et vont jusqu’à jouer du tambourin parce que Gaza serait soulagée, parce que sa douleur humaine aurait été apaisée ce qui est une falsification visible de la réalité motivée par l’intention de séparer la Résistance du drame humain vécu par les Gazaouis. En effet, ça n’est absolument pas par hasard qu’un blocus a été imposé à Gaza ; bien au contraire, le blocus a coïncidé et il a monté en puissance concomitamment à la transformation de la bande de Gaza en forteresse imprenable de la Résistance. C’est en cela que Gaza est apparu comme un autre danger existentiel pesant sur l’entité usurpatrice israélienne, un danger pesant sur le Sud d’Israël, un danger ressemblant à celui du Hezbollah, dans le nord de l’entité.
De même qu’Israël a voulu sa guerre, contre son voisin du Nord, durant l’été 2006, Israël a déclenché une guerre contre le Sud durant l’hiver 2009. Le résultat en a été qu’Israël a été incapable de remporter une quelconque victoire dans ces deux guerres, il a donc resserré ses blocus de façon à pressurer les nerfs de la population, de faire de la vie des civils un véritable enfer et de les exciter contre la Résistance, à lui faire croire que celle-ci serait responsable des drames humains qu’ils connaissent, leur objectif immédiat étant de faire en sorte que les drames humains soient allégés, en échange du renforcement du blocus frappant la Résistance et en éreintant le Hamas de la même manière dont cela a été fait en ce qui concerne le Fatah par le passé, et en lui faisant miroiter un rôle se limitant strictement à l’intérieur des murailles entourant Gaza, en contrepartie de sa reconnaissance d’Israël et de son engagement à en protéger les frontières.
Quoi qu’il en soit, le complot est ouvertement déclaré, on en connaît les conditions, on les retrouve d’ailleurs dans les discours du Quartette, ainsi que dans la lettre et l’esprit du document égyptien de réconciliation et dans le discours du gouvernement américain qui fait miroiter un document de dialogue conditionnel avec le Hamas, tandis qu’Israël fait preuve d’un jusqu’au-boutisme bien compréhensible dans les négociations, et insiste sur la mise à l’écart du Hamas de tout dialogue public comme moyen de pression corroboré par la menace de lancer une guerre et tandis qu’il se renforce grâce à l’aide concrète que lui apporte le régime égyptien, allié de fait d’Israël, en construisant le mur d’acier servant à couper les tunnels permettant d’acheminer les produits vitaux et les armes à travers la frontière et pour empêcher le passage des convois d’aide humanitaire arabe et internationale par voie de terre et ouvrir la frontière au point de passage de Rafah à des conditions telles que son ouverture ressemble à une fermeture permanente et totale, limitant le passage aux personnes et bloquant toutes les marchandises et conditionnant l’ouverture à la condition de « ne pas générer de violations affectant l’autre partie », selon le texte du communiqué d’un responsable de la sécurité égyptienne publié juste après que Joe Biden eut donné ses ordres à Moubarak lors de leur rencontre à Sharm el-Sheïkh.
Nous ne voulons pas apparaître comme des Cassandre, ni comme ceux qui mettent en garde contre un danger afin de dégager leur responsabilité par avance, mais le combat n’est pas terminé, et il est encore temps de rectifier la manœuvre, il existe une possibilité de lever les deux sièges à la fois : le siège politique et le siège humain, et non pas d’alléger le blocus humain en contre partie du renforcement du blocus politique. Le point de départ, c’est notre capacité de faire le distinguo entre deux choses totalement contradictoires entre elles, même si les recouvrement sémantiques sont trompeurs, nous devons faire le distinguo entre le mouvement des hommes libres du monde et celui de ce qu’il est convenu d’appeler la communauté internationale, et nous devons nous concentrer sur la nécessité de conquérir la sympathie et la force du premier et nous prémunir contre les ruses du second et nous souvenir du fait que le mouvement des hommes libres du monde est né de la guerre de Gaza, exactement de la même manière que la sympathie croissante de la Turquie envers la cause palestinienne découle de cette même guerre.
C’est la mare de sang des martyrs qui a ressuscité la cause palestinienne, qui l’a créée à nouveau, d’une manière différente, et qui a généré la déferlante des manifestations qui emplissent les rues du monde entier, de l’Asie de l’Est à l’Amérique latine, de la Turquie à l’Europe et aux capitales du monde arabe, c’est elle qui a donné l’inspiration à l’Intifada des Flottilles qui cerne Israël et le dénonce, le montrant sous son vrai jour horrible, et révèle la complicité de la communauté internationale et des régimes arabes. Or, cette Intifada des Flottilles ne fait que commencer, et c’est un grave danger que d’adhérer à des « solutions » prématurées qui ne feront qu’éteindre leur feu vital, ne permettant pas d’atteindre l’objectif de la fin totale et inconditionnelle du blocus. Ce qu’il faut faire, c’est soutenir l’Intifada des Flottilles, apporter des dédommagements généreux à tous ceux qui perdent leurs bateaux qui sont confisqués et consignés au port (sioniste) d’Ashdod, c’est organiser des flottilles de la liberté cinglant vers la côte de Gaza quelles que soient les réactions d’Israël, et peut-être devrons nous continuer à préparer et à compter jusqu’à la dixième Flottille, car l’action comporte - dans son essence - la libération de l’espace maritime gazaoui, et peut-être convient-il aussi que nous envisagions des escadrilles d’aide humanitaire aérienne volant jusqu’à Gaza quelles que soient les réactions.
Et s’il est plus réalisable - pour l’instant - d’associer l’Intifada de la Mer avec l’Intifada de la Terre et d’organiser des caravanes terrestres qui viennent frapper à la porte du point de passage de Rafah et qui intensifient les raisons de faire pression et de faire honte au régime égyptien, qui visent à obtenir l’ouverture du point de passage de Rafah avec une supervision purement égypto-palestinienne, de manière permanente, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et de manière totale, pour toutes les personnes et pour toutes les marchandises, sans discrimination, et sans conditions.
Oui, le combat est en cours, et la défaite du marchandage « reconnaissance (de l’entité sioniste) contre nourriture » est possible dès maintenant, sans attendre que la situation se dégrade à nouveau demain. J’espère avoir été clair.
* Abdul-Halîm Qindîl est écrivain égyptien. Il peut être joint à : Kandel2002@hotmail.com
14 juin 2010 - Al-Quds al-Arabiyy - Traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier
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