Après l’attaque de la flottille de la Liberté par Israël, les initiatives se multiplient pour briser le blocus imposé à la bande de Gaza. Des convois se rendent dans l’enclave palestinienne qui souffre depuis quatre ans du blocus israélien.
Au lendemain de l’attaque israélienne contre la flottille de la Liberté au large de la Méditerranée le 31 mai dernier, le président Moubarak a pris la décision d’ouvrir le terminal de Rafah pour permettre la circulation des personnes et des marchandises dans cette région. Depuis, plusieurs initiatives ont été prises pour tenter de briser le blocus imposé à Gaza qui dure depuis quatre ans.
Deux convois d’aides humanitaires ont pris cette semaine le chemin de cette ville assiégée. Le premier était organisé par des parlementaires islamistes et était chargé de 160 tonnes de matériaux de construction ainsi que de vivres et de médicaments. Cependant, la totalité de cette aide fournie par les Frères musulmans n’est pas arrivée à bon port. « Arrivés à Al-Ariche, nous avons été arrêtés par les services de sécurité. Les matériaux de construction ont été confisqués et seuls les vivres et les médicaments ont pu être acheminés vers Gaza », explique le chef de cette délégation islamiste, Hazem Farouq. Les organisateurs de ce convoi humanitaire critiquent l’attitude des autorités égyptiennes. « Pourquoi interdire le béton armé et le ciment ? Craignent-ils que les Palestiniens s’en servent pour fabriquer des bombes et attaquer Israël ? Ces matériaux étaient destinés à la reconstruction de maisons. La population ne cesse de souffrir après la destruction causée par l’offensive israélienne », ajoute Farouq. Il explique : « Nous avons été bien accueillis par la population de Gaza. Notre programme de visite a consisté en une série de visites dans les villes de la bande de Gaza, où nous avons vu les dégâts de l’offensive israélienne », raconte le député Saad Abboud, membre de la délégation. En plus, le convoi a visité un certain nombre d’hôpitaux et de centres médicaux et a rencontré Ismaïl Haniyeh, le premier ministre limogé du Hamas, en présence des membres du Conseil législatif palestinien. A la fin de la visite, la délégation était à l’écoute des prisonniers palestiniens et a rencontré une famille palestinienne dont des membres ont été tués dans la récente incursion israélienne à Gaza. « Le blocus israélien sur la bande de Gaza est injuste. Notre visite était un message politique qui confirme la solidarité du peuple égyptien avec le peuple de Gaza », affirme pour sa part le porte-parole de la délégation, le député des Frères musulmans Mohamad Al-Béltagui.
Ouverture de Rafah
La décision du président Moubarak d’ouvrir le terminal de Rafah avait été annoncée le mardi 1er juin. Rafah est le seul point de passage vers la bande de Gaza, non contrôlée par Israël, qui impose un blocus strict à l’enclave depuis sa prise de contrôle par le mouvement islamiste Hamas en 2007. Le président a donné des instructions de laisser entrer les aides humanitaires et médicales nécessaires à la bande de Gaza et d’accueillir en Egypte les blessés et les malades palestiniens, afin de les soigner. Outre ce convoi envoyé par les Frères musulmans, qui entretiennent de très bons rapports avec le Hamas, un autre convoi est parti cette semaine pour Gaza, affrété par l’Union des artistes arabes. Le convoi comprenait des représentants de l’Egypte, de la Syrie, du Liban, du Koweït, d’Arabie saoudite et du Yémen. Il a traversé jeudi la frontière égyptienne à Rafah vers la bande de Gaza pour apporter un soutien à l’enclave. « Notre visite était avant tout symbolique. Nous sommes restés une seule journée dans la bande de Gaza. La présence d’artistes arabes à Gaza est une grande confirmation de la solidarité avec son peuple », affirme Achraf Zaki, président du syndicat des Artistes égyptiens. Il ajoute que la visite est un message à la population de Gaza de leur soutien pour briser le blocus. Les membres du convoi ont fait une tournée à Gaza et ont rencontré également Ismaïl Haniyeh. Ils ont tenu une conférence de presse en appelant à l’unité des rangs palestiniens. « Les artistes de la partie arabe se consacreront dans leurs œuvres cinématographiques, télévisuelles et théâtrales au soutien au peuple palestinien qui souffre du blocus », affirme un communiqué de l’Union des artistes arabes. Un troisième convoi transportant de l’aide humanitaire et comprenant un millier de personnalités du monde de l’art et du cinéma doit prochainement partir pour Gaza.
L’ouverture du passage de Rafah a donné lieu à une multiplication des initiatives de soutien à Gaza. Mais jusqu’à quand ? Le terminal situé à la frontière entre l’Autorité palestinienne et l’Egypte a été créé après les accords de paix avec Israël en 1979, et le retrait israélien du Sinaï en 1982. Israël a administré le passage jusqu’au 11 septembre 2005, date à laquelle l’Etat hébreu a mis en œuvre son plan de désengagement de la bande de Gaza. La gestion du terminal est revenue à l’Egypte. Le passage fut rouvert en novembre 2005. Mais en 2007, il a été fermé après l’extension de l’autorité du Hamas dans la bande de Gaza. Aucune durée n’est précisée pour l’ouverture du terminal alors que d’ordinaire, les ouvertures de ce point de passage entre l’Egypte et la bande de Gaza sont limitées à quelques jours par mois. Le Hamas, qui a pris de force, en juin 2007, le pouvoir à Gaza après en avoir chassé les forces fidèles au président Mahmoud Abbass, exhorte les pays arabes et musulmans à faire pression sur l’Egypte pour qu’elle ouvre définitivement le terminal de Rafah et cesse de prendre pour cible les tunnels entre le territoire égyptien et l’enclave palestinienne. Le Caire a entrepris, depuis plusieurs mois, de renforcer son contrôle de la frontière, longue d’une vingtaine de kilomètres, invoquant notamment la lutte contre les trafics de toutes sortes passant par ces tunnels. Cette politique a été la cause de la tension dans les relations entre le Hamas et l’Egypte, qui reproche au mouvement islamiste de bloquer la conclusion d’un accord de réconciliation interpalestinien avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbass. Il est peu probable que le passage reste ouvert longtemps. En effet, l’Egypte craint l’invasion du Sinaï par des dizaines de milliers de Palestiniens et qu’Israël parvienne à exporter la problématique du secteur vers l’Egypte. De même pour l’Egypte, la fermeture du terminal écarte toute accusation de contrebande d’armes vers Gaza. Dans un tel contexte, la décision d’ouvrir le terminal est une décision temporaire. Amr Al-Shobaki, du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, est en désaccord avec cette justification.
Il assure que le passage de Rafah est déjà ouvert depuis deux semaines et il n’y a pas eu cette invasion palestinienne. « La position égyptienne n’a pas réussi à faire la distinction entre le Hamas et le peuple palestinien qui souffre du blocus. Elle devrait faire cette distinction pour ne pas punir le peuple palestinien », explique Al-Shobaki. Et de conclure : « Il est temps que l’Egypte cherche à mettre une nouvelle stratégie qui organise la circulation au passage de Rafah ».
Ola Hamdi