jeudi 10 juin 2010

La politique de la schizophrénie

Ecrit par L. Moulard
09/06/2010
A défaut de faire avancer les choses, l'épisode de la flottille semble au moins contraindre les opinions publiques et les dirigeants politiques à s'intéresser au conflit israélo-palestinien. En particulier les États-Unis.
Voyant tous ses efforts pour stopper la colonisation israélienne vains, l'acteur le plus important de la région a porté le regard de sa politique moyen-orientale vers l'Est. Mais Israël place une fois encore son meilleur allié dans une position délicate après la mort de 9 militants turcs lors de l'intervention du commando israélien sur le Mavi-Marmarra, lundi 31 mai. Barack Obama ne peut pas ne pas s'exprimer sur l'événement. Il ne tient pas non plus à essuyer une nouvelle défaite diplomatique : mieux vaut donc se concentrer sur le blocus de Gaza, juger "intenable et inacceptable" par Hillary Clinton, que sur la commission d'enquête indépendante et internationale proposée par l'ONU.
L'Etat hébreux a en effet annoncé, le 8 juin, la création d'une commission d'enquête civile qui statuera sur les aspects juridiques du blocus et de l'opération du commando uniquement.
Le journal en ligne Médiapart rapporte les propos d'un diplomate américain en poste en Europe souhaitant rester anonyme : "Nous avons limité la casse. Mais cet événement a envoyé une décharge d'électricité à Washington. Un certain nombre de gens dans l'entourage d'Obama commencent à se demander si le prix à payer pour un tel alignement avec Israël n'est pas trop élevé. Cela ne veut pas dire que notre politique va changer, juste que nous sommes conscients du problème".
Le président américain doit donc tout en même temps calmer l'anti-américanisme au Moyen-Orient qui est une cause du terrorisme, endiguer la menace iranienne et continuer de soutenir Israël, quoiqu'il arrive. Autrement dit, la politique de la schizophrénie.
Avec son discours au Caire, le 4 juin 2009, B. Obama a soulevé de nombreux espoirs quant à l'avenir de la région. Il avait même placé le conflit israélo-palestinien en haut des causes de l'instabilité du Moyen-Orient. Mais de là à y jouer son capital politique, il y a un pas. Il y a trop gros à perdre, et les échéances électorales prennent presque toujours le dessus sur les convictions politiques.
Robert Malley, ancien conseiller de Bill Clinton pour les affaires arabes et israéliennes, craint qu'un engagement de Washington, si engagement il y a, se fasse selon une grille du lecture du conflit obsolète. Il déclare à Paris le 4 juin 2010 : "Pendant que les États-Unis et l'Europe réfléchissent, la région bouge. Les partenaires traditionnels comme la Jordanie et l'Egypte comptent moins que la Turquie, comme on le voit en ce moment, ou même que l'Iran, le Qatar ou la télévision Al-Jazeera. Il n'y a plus de leader historique et légitime, pas plus du côté israélien que palestinien, pour défendre un accord de paix auprès de leurs citoyens".
A ce rythme, il semble que seule l'indignation soulevée par les erreurs diplomatiques de l'État hébreux pourra faire avancer la situation au Proche-Orient. Mais c'est aussi l'indignation qui a poussé des activistes internationaux à porter secours à Gaza. Avec les résultats que l'on connaît.