entretien avec Richard Falk
17 juin 10 - L’expert de l’ONU rendait lundi à Genève son rapport sur les territoires palestiniens occupés. Interview d’Infosud.
Alors que le gouvernement israélien entérinait la création d’une commission d’enquête sur l’assaut de ses soldats contre la « flottille de la liberté », le rapporteur spécial de l’ONU pour les territoires palestiniens, Richard Falk, rendait lundi au Conseil des droits de l’homme à Genève son rapport sur la situation dans les territoires occupés et Gaza. Un mandat qui lui a valu d’être expulsé d’Israël en décembre 2008.
L’ interview a été effectuée avant l’annonce ce jeudi par Israël de l’allégement du blocus de Gaza [1].
InfoSud : Votre enquête, celle du juge Goldstone, et au moins deux autres prévues sur l’attaque israélienne contre la flotille turque… N’est-ce pas contre-productif tous ces rapports ?
Richard Falk : Cela prête effectivement à confusion. Mais chaque rapport se limite à une thématique spécifique et ils se renforcent l’un l’autre. Celui de Goldstone couvre l’offensive israélienne sur Gaza en décembre 2008, le mien traite des pratiques d’Israël sur les territoires occupés et met l’accent sur les violations des droits de l’homme et des lois humanitaires internationales.
Avec 2 observateurs étrangers et un président réputé pour son intégrité, pensez-vous que la commission israélienne puisse être crédible ?
Pour Israël, il semble essentiel que cette commission, et surtout les résultats qu’elle va fournir, soient reconnus comme crédibles au niveau international. Il est aussi clair que le président Yaakov Turkel, ex-juge de la Cour suprême, tient à son indépendance pour ne pas endommager sa réputation. La question est de savoir si cette commission va réussir à fixer ses propres règles ou si elle va se plier aux limitations suggérées par Netanyahou. On ne sait pas ce qui se joue derrière les rideaux, ni quelles sortes de pression sont faites.
A propos des enquête de l’ONU, est-il possible d’en faire quelque chose de crédible si Israël refuse de coopérer ?
La crédibilité de ces rapports se base sur deux critères principaux : d’une part la réputation d’intégrité des auteurs – le juge Goldstone a cette stature internationale. D’autre part, l’adéquation entre les conclusions des rapports et les diverses sources d’informations notamment les juristes, les diplomates, les ONG.
Quelles leçons tirer de l’échec de la mission Goldstone ?
On ne peut pas imposer la loi si elle est trop éloignée de la réalité politique, dans ce cas-ci celle des Etats-Unis de protéger Israël, lui permettant du coup de se placer en dessus des lois internationales.
La communauté internationale dénonce l’illégalité du blocus de Gaza. Les rapports de force seraient-ils en train de basculer ?
Les mémoires sont courtes. Ce qui paraît comme un moment capital dans un conflit peut vite tomber dans l’indifférence. On l’a vu avec la guerre du Liban en 2006 ou les attaques contre Gaza en 2008 et 2009. Cela se passera aussi avec la flotille.
Mais ce dernier incident a montré que les militants de la paix pouvaient défier le blocus de Gaza de manière plus efficace que les gouvernements. C’est un grand changement.
[1] confortée dimanche par la déclaration que les produits "civils" pourraient désormais entrer à Gaza