lundi 21 juin 2010

Dix ans de mesures israéliennes pour séparer Gaza de la Cisjordanie

publié le dimanche 20 juin 2010
Karim Lebhour

 
Le gouvernement israélien desserre le blocus de la bande de Gaza, mais celle-ci reste isolée et sans espoir de réunification avec la Cisjordanie, éloignant toute perspective de créer un État palestinien
Le blocus s’allège, mais reste en place. Au terme de deux jours de discussions, le cabinet de sécurité israélien a consenti jeudi 17 juin à allonger la liste des produits autorisés à Gaza. Les marchandises ne seront plus classées selon une « liste blanche » de produits autorisés (environ une centaine), mais selon une « liste noire » de ceux qui sont interdits, parmi lesquels le ciment, les tuyaux ou l’acier susceptibles d’être utilisé par les groupes armés palestiniens. Déjà, pour la première fois depuis quatre ans, un chargement d’ustensiles de cuisine a pu entrer à Gaza.
« C’est un changement cosmétique, peste Sari Bashi de l’organisation israélienne Gisha pour la liberté de mouvement. La politique israélienne à Gaza va bien au-delà des questions de sécurité et de trafics d’armes. L’accumulation des restrictions montre une volonté d’isoler la bande de Gaza de la Cisjordanie et de dégager Israël de toute responsabilité sur ce territoire », observe-t-elle.
Considérée comme une « entité hostile » par Israël, la bande de Gaza est un legs absurde de l’Histoire. Un million et demi de Palestiniens vivent enfermés sur ce territoire minuscule, de 40 kilomètres de long et de 6 à 8 kilomètres de large, héritage de l’armistice de 1949 entre la coalition des pays arabes et le tout nouvel État hébreu où ont afflué les réfugiés palestiniens.
« Le tournant se situe au moment du retrait israélien de 2005 » Bande de terre désolée et surpeuplée, Gaza devient le creuset de toutes les révoltes palestiniennes. C’est à Gaza qu’éclate la première Intifada en 1987, dans le camp de réfugiés de Jabaliya. C’est là aussi que le mouvement islamique, Hamas, naît et prend racine.
Au fil des violences, le territoire est progressivement bouclé. La première mesure date de 1991. Le « permis général de sortie » autorisant les Palestiniens à se déplacer librement en Cisjordanie ou en Israël est remplacé par un système de permis individuel. En 1995, une clôture électrifiée entoure le territoire. En 2006, les ouvriers palestiniens ne sont plus autorisés à se rendre en Israël.
« Le tournant se situe au moment du retrait israélien de 2005, analyse Sari Bashi. Israël renonce à la bande de Gaza, mais rend aussi impossible tout déplacement des Palestiniens vers la Cisjordanie sur laquelle Israël conserve des revendications territoriales. »
Les portes de Gaza n’ont jamais été qu’entrouvertes
Aujourd’hui, hormis quelques rares exceptions, aucun Palestinien ne circule plus entre Gaza et la Cisjordanie. Les accords d’Oslo stipulaient qu’ils forment une seule entité, mais le « passage protégé » a été fermé en 2000 pendant la seconde Intifada et n’a jamais été rétabli.
« À partir des Accords d’Oslo, Gaza devient l’objet d’une négociation, il était normal d’ériger une frontière. C’est exactement ce que nous demandait la communauté internationale : séparer Israël des territoires palestiniens, justifie Ygal Palmor, porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères. Si cette séparation a pris un mauvais tournant, c’est le fait de l’Intifada, pas d’une volonté stratégique d’Israël. Aujourd’hui, c’est le Hamas que nous voulons isoler, pas le peuple de Gaza. Malheureusement, il est impossible de séparer les deux », ajoute-t-il.
Reste qu’avant même la prise de contrôle du Hamas en 2007, les portes de Gaza n’ont jamais été, au mieux, qu’entrouvertes. Le petit aéroport brièvement en fonction a été détruit pendant la seconde Intifada. Le port de Gaza n’a jamais vu le jour.
Deux destins séparés se mettent en place
Un accord sur l’accès à Gaza avait pourtant été signé en 2005 entre Israël, l’Égypte et l’Autorité palestinienne. « Cet accord n’a jamais été appliqué et on ne voit aujourd’hui aucune volonté politique de réellement changer l’isolement de Gaza, même si cela condamne la création d’un État palestinien, relève Robert Blecher, analyste pour l’International Crisis Group.
Au contraire, l’idée se renforce chez les dirigeants israéliens que le statu quo est préférable à toute évolution. La situation n’est pas confortable, mais ils pensent qu’elle est gérable pour Israël », poursuit-il.
Conséquence, deux destins séparés se mettent en place entre la Cisjordanie, dans laquelle les Palestiniens pourraient finir par demander l’intégration à un État unique avec Israël, et la bande de Gaza, seul territoire palestinien réellement autonome, mais isolé. Ultime paradoxe, c’est peut-être là et seulement là qu’un « État » palestinien sera un jour créé.