jeudi 25 mars 2010

S’adapter aux calamités?

mercredi 24 mars 2010 - 06h:11
Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
L’Union Européenne vient d’annoncer qu’elle n’assurerait plus la facture du carburant auprès de la compagnie israélienne qui fournit la seule station électrique de Gaza, ce qui serait une catastrophe pour des centaines de milliers de Palestiniens à Gaza, écrit Saleh Al-Naami.
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Gaza, janvier 2010
Hadeel, âgée de 21 ans, a hésité plusieurs fois, mais elle n’avait pas d’autre choix que d’appeler son oncle, Eid, pour lui demander de mettre en route son générateur électrique afin qu’elle puisse poursuivre ses révisions à sa maison pour ses examens. Pour Hadeel, une étudiante en troisième année à l’université et qui vit dans le quartier Al-Wez Berket au centre de Gaza, il n’y avait pas d’autre choix possible si elle voulait passer cet important examen après une coupure de courant inopinée. Elle est l’une des dizaines de milliers d’étudiants palestiniens qui, avant l’examen universitaire final, souffrent régulièrement de pannes qui peuvent durer jusqu’à 12 heures.
La panne d’électricité est survenue après que la seule centrale électrique à Gaza, qui avait travaillé à un tiers de sa capacité en raison du manque de carburant, se soit arrêtée. Il y a même la possibilité qu’elle cesse tout à fait de fonctionner après que l’Union Européenne ait annoncé qu’elle allait cesser de payer la facture du carburant auprès de la compagnie israélienne qui fournit la station. Ce serait une catastrophe pour des centaines de milliers de Palestiniens à Gaza.
De nombreux habitants de Gaza ont adapté leur mode de vie à ces pannes d’électricité, en ayant recours à d’autres sources d’énergie telles que le bois et le charbon pour le chauffage en hiver, à la place des chauffages électriques. Peu d’entre eux ont leur propre générateur, ce qui fait que la grande majorité usent de solutions simples telles que des bougies. Une autre forme d’adaptation aux pannes d’électricité est de veiller à ce que les membres de la famille se couchent tôt. Ghassan Ibrahim, professeur dans une école appartenant à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNRWA), a déclaré à Al-Ahram Weekly que ses enfants vont au lit tout de suite après la prière du soir, aux alentours de 7 heures 30.
En raison du siège, de nombreux Palestiniens ont des emplois qui n’ont jamais existé auparavant dans la bande de Gaza, comme la collecte de galets et divers débris d’habitations détruites pendant la dernière guerre, et réutilisés dans la construction ou vendus à des entreprises de construction. Rami Al-Dakka, âgé de 19 ans, parcoure les rues du centre de Gaza avec sa charrette tirée par un âne à la recherche de gravats qu’il revend aux entreprises de construction. Ces entreprises mettent ces décombres dans des concasseurs afin de produire des bardeaux utilisés dans la construction, en particulier pour renforcer le béton et les constructions en briques.
Al-Dakka a déclaré au Weekly qu’il vendait chaque contenu de récipient en plastique pour 15 shekels (4 dollars) et il en remplit à peine un chargement par jour. Néanmoins, il semble content de ce qu’il fait. Il n’est pas le seul jeune homme qui ait fait du tri de gravats une profession. Le siège a contraint de nombreuses personnes dans Gaza à prendre ce type de travail, surtout après que la demande en matériaux de construction ait augmenté. Les possibilités de faire rentrer en contrebande de grandes quantités de ciment dans la bande de Gaza, ont relancé les activités de construction, mais pour la restauration plutôt que pour la reconstruction.
Comme personne n’a pensé à des bardeaux dans ce qui rentre en contrebande dans Gaza, la seule façon d’en trouver est d’utiliser les débris existants ou de creuser dans le sol. D’autres suivent une voie plus compliquée, prospectant en particulier le sous-sol dans les zones désertées près de la côte.
Ibrahim Al-Aghbari, sa femme et ses deux fils parcourent le quartier Al-Mawasi tous les jours à l’aube. Quand ils trouvent des galets, qu’ils appellent « al-hasma » car ils sont mélangés avec du sable, la mère et les enfants les tamisent pour les débarrasser de la poussière et les mettre dans des sacs en plastique. Les sacs sont ensuite transportés par charrette tirée par un âne jusqu’aux broyeurs qui en font des graviers de différentes tailles. Ceux qui suivent cette façon de faire plus difficile en tirent des revenus plus élevés. Les collecteur vendent chaque lot six shekels (1,5 dollar), tandis que les entreprises de matériaux de construction vendent les bardeaux 12 shekels (3 dollars) par lot.
Al-Aghbari a déclaré au Weekly que malgré le dur travail de sa famille, il est très heureux de ce qu’ils font. Après une amère période sans emploi, il est maintenant en mesure de répondre aux besoins de sa famille. Les familles qui comptent sur ce type de travail pour gagner leur vie se font concurrence pour trouver les endroits riches en galets. Certaines familles, toutefois, ne trouvent rien.
Le siège a également entraîné une baisse considérable du pouvoir d’achat des habitants de Gaza. Jamal Meeli, âgé de 47 ans et marchand de légumes en plein coeur de la ville de Deir Al-Balah, dans le centre de Gaza, était très inquiet du fait que depuis la moitié de la journée personne n’était venu à son magasin. Meeli se plaint au Weekly que les clients n’achètent plus leurs fruits et légumes en ville, mais préfèrent aller dans les marchés hebdomadaires dans Gaza parce que les produits y sont vendus moins cher. Les fruits et légumes y sont présentés dans des échoppes de fortune dans la rue, ce qui réduit les coûts pour les vendeurs et rend ainsi leurs produits moins onéreux.
C’est la même histoire dans la plupart des magasins de Gaza. Le propriétaire d’un magasin de volailles à côté du marchand de légumes ordonne à son personnel d’aller voir rapidement les deux clients qui viennent tout juste d’entrer dans la boutique. « Le pouvoir d’achat des clients a considérablement diminué », dit le propriétaire au Weekly. « Hier, vendredi, je n’ai pas vendu plus de 100 kilos de volaille. Dans le passé, nous avions l’habitude de vendre plus de 1000 kilos de volaille le vendredi. » Il poursuit : « les gens achètent plus de viande congelée et de poisson en raison de la grande différence de prix ».
Il y a effectivement plus de gens dans une boutique qui vend de la viande congelée au bout de la rue. Salim, âgé de 38 ans et fonctionnaire, attend patiemment qu’on le serve. Il explique au Weekly que dans le passé il n’aurait jamais envisagé de manger de la viande congelée, mais maintenant, lui et sa famille comptent sur cela en raison des conditions économiques qui résultent de l’état de siège. Il a expliqué qu’un kilo de viande congelée coûte 12 shekels alors que l’équivalent en viande fraîche vaut 50 shekels. Deux de ses fils sont au collège, ce qui est coûteux, donc il est prudent sur la façon de dépenser ses revenus.
La récession a affecté non seulement le commerce mais aussi la santé. Le « European Eye Centre » est l’un des centres d’ophtalmologie les plus importants et les plus en vue à Gaza. Dans le passé, il était visité par de nombreux clients voulant des lunettes, des lentilles de contact et d’autres services. Mais samedi, il était presque complétement désert. Aujourd’hui, beaucoup vont à des centres de soins affiliés à des cliniques privées dépendant d’organismes de bienfaisance qui vendent des lunettes pour beaucoup moins cher que d’autres magasins.
C’est également le cas dans des centres privés qui ont perdu la plupart de leurs patients, lesquels ont maintenant choisi d’aller dans les dispensaires de l’UNRWA qui proposent des soins dentaires gratuits.
A l’occasion des 1000 jours de siège contre Gaza, le Comité Populaire Contre le Siège (PCAS) a publié des statistiques concernant les effets du blocus sur les Palestiniens. Le président du PCAS, Jamal Al-Khudari, a révélé que 500 Palestiniens sont décédés à la suite du siège, que le chômage a atteint 80 % et que le revenu quotidien moyen par personne est de 2 dollars. Al-Khudari a noté que l’économie palestinienne est très durement frappée, avec 140 000 Palestiniens de plus devenus chômeurs dans la bande de Gaza et un million de Palestiniens vivant de l’aide arabe et internationale ou des Nations Unies.
« Le siège a affecté tous les aspects de la vie, que ce soit en termes de santé, de vie de la société ou d’environnement », a-t-il déclaré. « Il frappe les travailleurs, les propriétaires d’usines, les entreprises et les institutions économiques. » Al-Khudari ajoute que 50 % des enfants de Gaza souffrent d’anémie et de malnutrition, tandis que les pêcheurs et les agriculteurs luttent pour survivre et que 3500 usines et ateliers ont fermé leurs portes. Il a exhorté à intensifier l’action dans toutes les capitales du monde pour que soit mis fin au siège.
https://sites.google.com/site/weekl...
Traduction : Naguib
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8402