jeudi 25 mars 2010

La Gaza Freedom March : ni échec ni réussite

mercredi 24 mars 2010 - 06h:09
Marianne Blume
Une mobilisation véritablement internationale a été bloquée par le gouvernement égyptien. Mais elle a réussi à attirer l’attention de l’opinion publique mondiale sur le blocus douloureusement vécu par les habitants de Gaza.
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Photo extraite du site : http://www.Countercurrents.org
La Gaza Freedom March, lancée par une organisation de femmes américaines (Code Pink), a aussitôt rencontré un écho en Europe. L’ABP (Association belgo-palestinienne) avait ainsi décidé de mettre sur pied et d’envoyer une délégation belge. Et, rapidement, une soixantaine de personnes se sont inscrites, venant de tous horizons. Des francophones et des néerlandophones. Plus des Luxembourgeois. Des militants avérés et de simples citoyens justement indignés par la situation faite aux Palestiniens. Des membres de l’ABP et, en bien plus grand nombre, des non membres. Des jeunes et des moins jeunes. Tous unis autour des objectifs de la marche : demander la levée immédiate du blocus de Gaza et témoigner leur solidarité avec le peuple palestinien. Tous décidés à agir et payant de leurs deniers leur voyage et leur séjour. Consentant aussi à zapper le sacro-saint Nouvel An !.
Le projet était de passer par l’Égypte pour rentrer dans la Bande de Gaza par Rafah et de manifester avec les Palestiniens dans une marche qui irait vers Erez (checkpoint géant entre Gaza et Israël). Nous savions que, de l’autre côté, des Israéliens (juifs et palestiniens) et des internationaux marcheraient aussi vers Erez, montrant ainsi leur volonté commune de voir Gaza ouvert.
Au Caire
Après plusieurs réunions et une journée de préparation, la délégation s’est rendue au Caire, chacun prenant son vol. Jusqu’à quelques jours avant la date de la marche, nous étions optimistes même si nous savions que la partie ne serait pas facile. C’est alors que les autorités égyptiennes ont annoncé officiellement que la marche n’irait pas jusque Gaza, que le rassemblement de tous les participants (1.343 au total, venant de tous les coins du monde) était interdit, de même que tout rassemblement de plus de 6 personnes !
Malgré ces entraves, la grosse majorité des inscrits sont parvenus au Caire. Les bus, réservés depuis des mois, restaient au garage, interdits de sortie par le gouvernement égyptien. Mais les Français de l’AFPS et les membres de notre délégation ont décidé de tenter quand même le passage. Aidés par une organisation égyptienne, nous avons trouvé des bus et, avec des Écossais et des Grecs, le 28 novembre 2009, nous avions l’espoir d’arriver au moins à Rafah. A Ismaïlia, nos bus ont été bloqués par la police. Interdiction d’aller plus loin. Nous avons résisté trois heures tout comme les passagers des quatre autres bus bloqués, eux, bien auparavant. Retour au Caire donc, sous bonne escorte. Au Caire, où devait se dérouler une conférence de presse. Aussitôt empêchée par la police. Coup de chapeau aux conducteurs pris à partie par les divers services de sécurité et restant zen en attendant notre décision.
Une nouvelle stratégie s’imposait donc en coordination avec le comité organisateur. Dans des conditions difficiles : les hôtels pullulaient de membres des services de sécurité qui contrôlaient les entrées et les sorties, cherchaient à savoir ce que nous allions faire, etc. Par ailleurs, le comité organisateur ne connaissant pas tous les participants, répartis dans différents hôtels, la coordination était de fait aléatoire. Néanmoins, des actions ont été organisées par groupes ou collectivement, sans toutefois réussir à réunir les quelques 1.300 participants. Nous avons manifesté avec les juristes et les journalistes égyptiens, nous avons fait une veillée aux bougies près de la mosquée Al Husseini, nous avons participé à la belle manifestation internationale qui remplaça la marche le 31 décembre, certains ont manifesté devant l’ambassade d’Israël tandis que d’autres allaient à la représentation européenne ; une délégation est allée à l’ambassade de Belgique (où elle a été entendue debout et a essuyé une fin de non-recevoir), une autre a rencontré Nabil Shahat et l’ambassadeur palestinien en Égypte. Enfin, nous avons participé au meeting final à la Place de la Libération. Toujours étroitement surveillés par la police, la sécurité et l’armée bien sûr.
Et Gaza ?
Nous ne sommes pas arrivés à Gaza donc. Mais était-ce vraiment l’objectif central ? Finalement, les conditions imposées par les autorités égyptiennes nous ont obligés à agir en Egypte et on a sans doute davantage parlé de la Gaza Freedom March et de Gaza que si nous y étions entrés. Par ailleurs, à Gaza, les gens ont reçu notre message. Certains sms étaient éloquents sur ce point : « Moi et tout mon peuple, nous vous saluons et vous remercions pour vos efforts. On compte toujours sur l’humanité d’êtres humains comme vous, pas sur la honte des gouvernements. Tout cela sera inscrit comme des pages noires de l’Histoire des Arabes. »
Quant à l’Égypte, elle a été aussi secouée par notre action puisqu’elle a enfin annoncé publiquement la construction du mur d’acier à la frontière avec Gaza. Et les journaux officiels ont fait écho aux manifestations, publiant notamment à la une la photo éminemment symbolique d’un immense drapeau palestinien brandi sur les pyramides par des jeunes d’Euro-Palestine. Par ailleurs, la Gaza Freedom March a impulsé un mouvement international concerté de lutte pour Gaza et pour toute la Palestine. Ce qui redonne espoir.
Personnellement
Quant à moi, ce qui me restera de mon retour raté à Gaza, c’est d’abord la cohésion de notre groupe. Il n’allait pas de soi de parvenir à vivre et agir dans un groupe aussi hétérogène et pourtant, nous y sommes arrivés. Nous avons pu exprimer chacun notre point de vue. Nous avons été libres de participer ou non aux différentes manifestations, sans pressions d’aucune sorte. Nous sommes restés unis autour de l’objectif « Gaza », malgré nos divergences sur les moyens d’actions, malgré les conflits internes inévitables. Ce qui restera surtout gravé dans ma mémoire, ce sont les yeux de ces jeunes soldats arrachés de leur campagne et utilisés par un régime policier dans une politique qui opprime, avant tout, les Égyptiens.
Le véritable enjeu
Mes amis de Gaza insistent pour que nos actions n’isolent pas Gaza du reste de la Palestine. Ils craignent d’être mis hors jeu et attirent notre attention sur le piège qui nous est tendu : faire de Gaza un problème en soi. Gaza est un morceau de la Palestine. Le but n’est pas de libérer Gaza mais bien de libérer toute la Palestine.

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Marianne Blume
* Marianne Blume a été coopérante belge à Gaza pendant dix ans. Elle enseignait le français à l’université Al Azhar.
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8401