Par Sophie JANEL | 30/03/2010
Dans le désert de la vallée du Jourdain, des voix d’enfants résonnent. Sous un toit en tôle, une cinquantaine de bambins jouent. La cloche sonne. Tous vêtus de bleu, ils se précipitent dans leurs classes respectives. À Khan al-Ahmar, l’établissement scolaire est, comme le reste du village de Bédouins, menacé de démolition.
« L’école a été construite illégalement. Mais pour des Bédouins installés en zone C, il est impossible d’obtenir un permis de construction (auprès des autorités israéliennes) », explique le rabbin Yehiel Grenimann de l’organisation israélienne Rabbis for Human Rights. L’Autorité palestinienne, elle, n’a pas le pouvoir d’intervenir : depuis la signature des accords d’Oslo en 1993, la zone C est sous contrôle israélien. « Le but est d’obliger les Bédouins à quitter cette zone. Sur les 7 000 qui vivaient dans les environs, 2 000 sont déjà partis », assure cet Israélien avec une kippa tricotée en guise de couvre-chef.
Trois colonies – illégales selon le droit international – surplombent Khan al-Ahmar qui abrite les Bédouins de la tribu Jahalin : Kfar Adumin, la plus proche (1 kilomètre), Ma’ale Adumin, l’une des plus importantes (plus de 30 000 habitants), et Michor Adumin. Pour régler son sort à l’école des Bédouins, les résidents de Kfar Adumin ont fait appel à une association de colons extrémistes, Régavim – qui n’a pas souhaité répondre à nos questions – qui s’est chargée de saisir la Cour de justice israélienne qui a appelé les deux parties à régler le différend entre elles. Avec l’administration civile – chargée de fournir, notamment, les permis de construction –, les colons estiment que l’implantation de cette école, faite de terre et de pneus, est illégale car durable. La compagnie des travaux publics israélienne a, quant à elle, demandé le démantèlement de 10 maisons, une des quatre classes et les toilettes de l’école.
Cette requête n’a pas été satisfaite dans sa totalité. Maisons et toilettes ont été déplacées. La classe a seulement perdu quelques mètres carrés. La plainte a néanmoins été levée. « En espérant que cela soit suffisant », soupire sœur Alicia, du couvent de Comboni à Jérusalem qui a participé au financement de l’établissement. L’avocat israélien en charge de la défense, Shlomo Lecker, a, quant à lui, décidé de contre-attaquer. Selon lui, l’école, dépourvue de fondations, peut être déplacée à tout moment. Il ne s’agit donc pas d’une construction durable. Avec cet argument, l’avocat a réussi à repousser l’acte de démolition à la fin de l’année scolaire, insufflant une vague d’espoir au sein du village.
Amélioration des conditions de vie
Pour comprendre l’importance de cette école pour les enfants du village bédouin, il faut savoir comment se passait leur scolarisation avant la construction de l’établissement. Avant, les 54 enfants se rendaient à Jéricho. Tous les jours, ces bambins, pas plus hauts que trois pommes et pour la plupart sans chaussures, attendaient le bus sur le bas-côté de la route numéro 1 reliant Jéricho à Jérusalem. Une voie dangereuse qui a causé la mort de trois d’entre eux. Après ces incidents, le taux de scolarisation a chuté pour les moins de 10 ans. Les filles du village, elles, ne sont scolarisées qu’une année ou deux, pour les plus chanceuses.
Abou Souleimane, le coordinateur des Bédouins, a alors fait appel à Vento di Terra, une ONG italienne pour l’aide économique et sociale, et aux sœurs du couvent Comboni pour financer l’établissement de 25 000 euros. Une vingtaine de volontaires de Rabbis for Human Rights ont participé à la construction, durant l’été 2009, de ces quatre classes dessinées par Valerio Marazzi, un architecte italien. L’Unrwa, elle, s’est engagée à financer les salaires des femmes de ménage et des surveillants, tous venus des villages bédouins voisins, alors que l’Autorité palestinienne fournit les 4 professeures. Une amélioration sans commune mesure de la vie de ces familles bédouines sédentarisées de force.
Jusqu’en 1967 et l’occupation des territoires palestiniens par les Israéliens, la tribu Jahalin, qui s’était réfugiée en 1948 en Cisjordanie après avoir quitté le Néguev, sillonnait les dunes brunes de la vallée du Jourdain de manière saisonnière. Mais l’occupation et la signature des accords d’Oslo ont condamné ce mode de vie. Construction et déplacements sont désormais interdits. Chameaux, chevaux et chèvres sont attachés ou enfermés dans des enclos, nourris de granulés agricoles. Sur les quelque 400 habitants du camp, une poignée d’hommes ont décroché des emplois journaliers. Grâce à sa pelleteuse, Abou Khamis, le chef de la tribu, travaillait dans les colonies alentour. Mais depuis l’arrivée de l’école, il n’est plus le bienvenu.
« Des photographes de Regavim surveillent toutes les constructions. Quand ils (les Bédouins) ont voulu reconstruire les toilettes de l’école, ils ont reçu un avis de destruction dès le premier soir », déplore sœur Alicia.
Pas suffisant, toutefois, pour démoraliser Hanane Awwad, la directrice de l’établissement qui vit à Ramallah. « Nous voulons construire une vraie cour de récréation, j’ai toujours peur que les enfants se blessent avec ces tôles. Nous avons aussi besoin d’une infirmerie pour les bobos et de deux autres salles de classe pour les plus grands. Après 10 ans, ils sont obligés d’aller à Jéricho, or ils sont encore trop petits, c’est trop dangereux », affirme-t-elle. Des idées, des projets, dont la réalisation s’annonce comme une série d’épreuves de force.
Trois colonies – illégales selon le droit international – surplombent Khan al-Ahmar qui abrite les Bédouins de la tribu Jahalin : Kfar Adumin, la plus proche (1 kilomètre), Ma’ale Adumin, l’une des plus importantes (plus de 30 000 habitants), et Michor Adumin. Pour régler son sort à l’école des Bédouins, les résidents de Kfar Adumin ont fait appel à une association de colons extrémistes, Régavim – qui n’a pas souhaité répondre à nos questions – qui s’est chargée de saisir la Cour de justice israélienne qui a appelé les deux parties à régler le différend entre elles. Avec l’administration civile – chargée de fournir, notamment, les permis de construction –, les colons estiment que l’implantation de cette école, faite de terre et de pneus, est illégale car durable. La compagnie des travaux publics israélienne a, quant à elle, demandé le démantèlement de 10 maisons, une des quatre classes et les toilettes de l’école.
Cette requête n’a pas été satisfaite dans sa totalité. Maisons et toilettes ont été déplacées. La classe a seulement perdu quelques mètres carrés. La plainte a néanmoins été levée. « En espérant que cela soit suffisant », soupire sœur Alicia, du couvent de Comboni à Jérusalem qui a participé au financement de l’établissement. L’avocat israélien en charge de la défense, Shlomo Lecker, a, quant à lui, décidé de contre-attaquer. Selon lui, l’école, dépourvue de fondations, peut être déplacée à tout moment. Il ne s’agit donc pas d’une construction durable. Avec cet argument, l’avocat a réussi à repousser l’acte de démolition à la fin de l’année scolaire, insufflant une vague d’espoir au sein du village.
Amélioration des conditions de vie
Pour comprendre l’importance de cette école pour les enfants du village bédouin, il faut savoir comment se passait leur scolarisation avant la construction de l’établissement. Avant, les 54 enfants se rendaient à Jéricho. Tous les jours, ces bambins, pas plus hauts que trois pommes et pour la plupart sans chaussures, attendaient le bus sur le bas-côté de la route numéro 1 reliant Jéricho à Jérusalem. Une voie dangereuse qui a causé la mort de trois d’entre eux. Après ces incidents, le taux de scolarisation a chuté pour les moins de 10 ans. Les filles du village, elles, ne sont scolarisées qu’une année ou deux, pour les plus chanceuses.
Abou Souleimane, le coordinateur des Bédouins, a alors fait appel à Vento di Terra, une ONG italienne pour l’aide économique et sociale, et aux sœurs du couvent Comboni pour financer l’établissement de 25 000 euros. Une vingtaine de volontaires de Rabbis for Human Rights ont participé à la construction, durant l’été 2009, de ces quatre classes dessinées par Valerio Marazzi, un architecte italien. L’Unrwa, elle, s’est engagée à financer les salaires des femmes de ménage et des surveillants, tous venus des villages bédouins voisins, alors que l’Autorité palestinienne fournit les 4 professeures. Une amélioration sans commune mesure de la vie de ces familles bédouines sédentarisées de force.
Jusqu’en 1967 et l’occupation des territoires palestiniens par les Israéliens, la tribu Jahalin, qui s’était réfugiée en 1948 en Cisjordanie après avoir quitté le Néguev, sillonnait les dunes brunes de la vallée du Jourdain de manière saisonnière. Mais l’occupation et la signature des accords d’Oslo ont condamné ce mode de vie. Construction et déplacements sont désormais interdits. Chameaux, chevaux et chèvres sont attachés ou enfermés dans des enclos, nourris de granulés agricoles. Sur les quelque 400 habitants du camp, une poignée d’hommes ont décroché des emplois journaliers. Grâce à sa pelleteuse, Abou Khamis, le chef de la tribu, travaillait dans les colonies alentour. Mais depuis l’arrivée de l’école, il n’est plus le bienvenu.
« Des photographes de Regavim surveillent toutes les constructions. Quand ils (les Bédouins) ont voulu reconstruire les toilettes de l’école, ils ont reçu un avis de destruction dès le premier soir », déplore sœur Alicia.
Pas suffisant, toutefois, pour démoraliser Hanane Awwad, la directrice de l’établissement qui vit à Ramallah. « Nous voulons construire une vraie cour de récréation, j’ai toujours peur que les enfants se blessent avec ces tôles. Nous avons aussi besoin d’une infirmerie pour les bobos et de deux autres salles de classe pour les plus grands. Après 10 ans, ils sont obligés d’aller à Jéricho, or ils sont encore trop petits, c’est trop dangereux », affirme-t-elle. Des idées, des projets, dont la réalisation s’annonce comme une série d’épreuves de force.