K. Selim
La répartition des tâches a été clairement effectuée : les Etats-Unis se sont chargés de convaincre la Chine de rejoindre la motion occidentale anti-iranienne votée par l’AIEA et les Européens ont fait pression sur la Russie. L’inquiétude gagne les capitales voisines de l’Iran ; Ankara ne cache pas sa préoccupation devant la probabilité croissante d’une agression contre son voisin.
Il faut dire que les conditions semblent réunies pour une aventure militaire car jamais l’Occident n’a été aussi uni derrière Israël. Même la France, qui faisait cavalier seul sous Jacques Chirac, a rejoint avec détermination la coalition anti-Perse en formation.
Paradoxalement, ce sont aujourd’hui les Etats-Unis qui sont les moins enthousiastes pour un nouvel engagement aux conséquences imprévisibles. Les militaires américains ont depuis longtemps exprimé des réserves sur la conduite d’une guerre après la frappe initiale. Il n’est pas question d’une invasion à l’irakienne, le pays est beaucoup plus peuplé, sa topographie n’est pas celle d’un plateau désertique et les capacités de représailles sont nettement plus sérieuses. Embourbés en Afghanistan et dans une situation qui risque de devenir très inconfortable en Irak, les militaires américains s’interrogent de surcroît sur l’efficacité d’une ou plusieurs frappes aériennes pour retarder significativement le programme nucléaire de Téhéran.
Mais au fil des déclarations des dirigeants occidentaux, de la constitution d’une véritable ceinture militaire autour de l’Iran, notamment par la montée en puissance des bases étrangères dans les pays du Golfe, la perspective d’un affrontement est de moins en moins théorique. Et ceci quoi qu’en disent publiquement les dirigeants iraniens. Dans le scénario le plus courant, Israël se chargerait d’ouvrir les hostilités et serait rapidement rejoint par ses alliés qui pourraient intervenir au nom d’accords de défense avec les monarchies pétrolières.
L’objectif avoué d’une action guerrière coordonnée, puissante mais limitée dans le temps et dans ses cibles, étant de provoquer un changement de régime à Téhéran. Les analystes occidentaux font état d’une crise au plus haut niveau des instances politico-idéologiques iraniennes, qui seraient irréductiblement divisées entre maximalistes « nucléaires » et crypto-démocrates disposés à des concessions.
L’option militaire est rendue d’autant plus tentante par la crise économique et le niveau déprimé des prix du pétrole. Dans ce scénario, les dénégations de Téhéran quant à son refus d’engager un programme atomique militaire ne sont guère audibles. Aucun argument venant d’Iran n’est recevable par les Occidentaux, dont les médias relancent une campagne de diabolisation du régime des ayatollahs, qui ne s’est jamais vraiment interrompue depuis 1979.
Au-delà du contrôle d’une région stratégique et de la préservation du monopole atomique d’Israël, les Occidentaux sont engagés dans une guerre idéologique contre ce qu’ils représentent comme une menace « existentielle » pour leurs intérêts. La question est de savoir si le coût, la forme et la durée de la guerre sont en rapport avec ses objectifs. Aucun politique sensé n’est pressé de connaître la réponse. .