vendredi 20 novembre 2009 - 06h:31
Abbas Al Lawati - Gulf News
Une campagne de pression ciblant les Etats du Golfe a été lancée lundi à Jérusalem occupée par une coalition de 170 organisations palestiniennes, exhortant les Etats arabes à boycotter les entreprises qui se rendent complices de l’expansion d’Israël dans la Ville sainte.
Dans une rare campagne de pression populaire, le mouvement Boycott, Désinvestissements et Sanctions (BDS) de Palestine, regroupant des organisations de la société civile palestinienne, s’est résolument axé sur le Conseil de Coopération du Golfe qui envisage de construire un réseau ferré de plusieurs milliards de dollars qui fera la liaison entre ses six membres.
La campagne BDS a appelé le CCG et ses Etats membres à écarter les géants français des transports, Alstom et Veolia, tous deux impliqués dans la construction du Jérusalem Light Rail, projet israélien [de tramway] qui doit relier les parties Est et Ouest de Jérusalem avec des colonies juives de Cisjordanie.
Selon les critiques, le JLR s’oppose aux aspirations de Palestiniens qui veulent Jérusalem-Est occupée pour capitale d’un futur Etat palestinien.
En procès
La campagne BDS a fait ses preuves en Europe où les deux entreprises de transports ont été écartées lors des appels d’offres, subissant une perte de 7 (4,6 milliards €) à 8 milliards de dollars, en coût d’opportunité, selon des militants de la campagne.
« Malgré ces importants succès en Occident, aucun Etat arabe, particulièrement dans le Golfe, n’a jusqu’à présent écarté Alstom et Veolia des appels d’offre pour leurs marchés publics, » indique un communiqué de presse publié par le mouvement hier (lundi 16 novembre).
Les deux entreprises sont aujourd’hui confrontées à un procès en France, après une plainte déposée par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et le groupe français de solidarité, Association France-Palestine Solidarité (AFPS) en raison de leurs activités à Jérusalem sous occupation.
Diplomatie
Alstom s’est dite enthousiaste à participer aux futurs projets ferroviaires dans le Golfe, projets qui sont estimés à 25 milliards de dollars.
« Nous allons certainement participer à tous les appels d’offre du Conseil de Coopération du Golfe pour les transports et l’énergie électrique, » a fait savoir Sylvan Hijazi, président régional Alstom pour le Golfe. « Nous sommes fiers d’aider à construire l’avenir du Golfe. »
Les militants espèrent que les Etats du Golfe vont utiliser leurs prouesses financières à faire pression sur les deux entreprises afin qu’elles abandonnent le projet JLR de Jérusalem, neutralisant ainsi un projet déjà mis en difficulté.
Le mouvement BDS a eu recours à une campagne populaire en direction des Etats du Golfe après avoir apparemment échoué dans une autre campagne de pression, en coulisses, auprès des gouvernements de la région.
Jamal Jum’a de l’organisation Stop the Wall, membre du mouvement BDS, a indiqué que le mouvement avait adressé un certain nombre de lettres aux gouvernements du Golfe, leur demandant de suspendre les contrats des deux entreprises françaises qu’ils « accueillaient dans le silence ».
Jum’a a cependant insisté sur le fait que la campagne populaire ne cherchait pas à faire honte aux Etats du Golfe, ni à « prouver une quelconque conspiration contre Jérusalem (occupée) ».
« Il est fort probable que les Etats du Golfe n’ont pas pris conscience du travail qu’Alstom et Véolia réalisaient dans Jérusalem occupée. Et il serait inacceptable que les Etats arabes ne prennent pas position sur ce point. »
Pour Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique à Paris, le climat politique est propice à des pressions des Etats du Golfe sur Israël.
« C’est le bon moment pour montrer clairement à Israël que la poursuite de la politique d’occupation a un prix, pas seulement un prix politique mais aussi un prix économique, » a-t-il déclaré.
« Je ne peux pas dire si les Etats du Golfe le feront. Le climat politique est favorable surtout depuis [la guerre de] Gaza et le rapport Goldstone. L’opinion publique en Europe est pour que nous ne laissions pas [le statu quo] continuer. S’ils [les Etats du Golfe] prennent une position forte maintenant, elle aura un impact non seulement sur Israël mais encore sur les positions occidentales à l’égard d’Israël ».
Cependant il a ajouté également que l’Etat d’Israël étant une « personne morale », cela signifiait que les entreprises européennes ne pouvaient pas légalement appliquer un boycott global sur cet Etat, mais que les deux entreprises pouvaient légitimement se retirer sur l’argument que le projet de construction était prévu dans les territoires occupés. « Ceci peut être défendu devant tous les tribunaux, » a-t-il ditl.
Si les entreprises renoncent, a-t-il ajouté, probablement qu’elles attribueront, publiquement, leur décision de retrait à des raisons autres que l’occupation, « mais tout le monde comprendra ».
Gulf News n’avait pas reçu de réponse de la part de Veolia au moment d’imprimer cet article.
(*) - Gulf Coperation Council : composé de l’Arabie Saoudite, de Barhein, de Oman (Muscat), ainsi que du Qatar, des Emirats Arabes Unis (Abou Dhabi - Dubaï ) et du Koweit. Il y a un pays observateur mais non membre, il s’agit du Yemen. (Wikipédia)
Dubaï, le 17 novembre 2009 - Gulf News - traduction : JPP