21/11/2009
Daoud Kuttab est un journaliste palestinien qui a reçu de nombreux prix. Il a enseigné le journalisme à l’Université de Princeton.
Par Daoud Kuttab
La décision d'un responsable politique de ne pas se représenter aux élections déclenche souvent des discussions enflammées à propos de ses potentiels héritiers. Le retrait du président Mahmoud Abbas de l'élection présidentielle prévue le 24 janvier 2010 n'a pourtant provoqué aucune réaction en Palestine - non pas par manque de concurrents potentiels ni par souci de ne pas favoriser tel ou tel successeur, mais parce que la présidence de l'Autorité palestinienne n'a plus vraiment de pertinence.
La décision d'un responsable politique de ne pas se représenter aux élections déclenche souvent des discussions enflammées à propos de ses potentiels héritiers. Le retrait du président Mahmoud Abbas de l'élection présidentielle prévue le 24 janvier 2010 n'a pourtant provoqué aucune réaction en Palestine - non pas par manque de concurrents potentiels ni par souci de ne pas favoriser tel ou tel successeur, mais parce que la présidence de l'Autorité palestinienne n'a plus vraiment de pertinence.
Le retrait de M. Abbas coïncide avec une méfiance des Palestiniens du processus politique qui remet en question la logique derrière la création de l'Autorité palestinienne ; une autorité établie au milieu des années 1990 à la suite des accords d'Oslo. La principale composante de l'accord de l'OLP avec Israël consistait en une période de transition de cinq ans qui aurait permis de négocier l'existence d'un État palestinien indépendant aux côtés d'Israël.
Seize ans plus tard, il est clair que les Israéliens n'ont fait aucun effort pour s'accommoder des aspirations nationales palestiniennes - et qu'aucun effort n'a été entrepris pour les convaincre. Le nombre de colonies juives illégales implantées sur les territoires palestiniens a doublé et les Palestiniens sont maintenant convaincus que les négociations sont une perte de temps. Beaucoup se rappellent la stratégie envisagée par l'ancien Premier ministre israélien Yitzhak Shamir : « J'aurais entamé des négociations sur l'autonomie pendant dix ans, ce qui nous aurait permis d'installer un demi-million de personnes en Cisjordanie. »
La période d'intérim de cinq ans prévoyait initialement l'élection d'un Conseil législatif palestinien et d'un responsable exécutif que les Israéliens auraient appelé chairman, pour ne pas avoir à utiliser le terme de « président ». Dans la mesure où la langue arabe ne fait pas de distinction entre les termes de « chairman » et de « président », les Israéliens ont accepté l'utilisation du terme arabe de « rayyès » dans les textes officiels en anglais.
Les réfugiés palestiniens en exil et les Palestiniens vivant dans la diaspora n'étaient pas autorisés à voter. Les Palestiniens de Jérusalem-Est n'étaient autorisés à voter qu'à la poste ou dans des cabines situées en dehors des limites de la ville.
Le retrait de M. Abbas ne fait que confirmer l'évidence. Il est peu probable que de telles élections, y compris celle prévue en janvier prochain, se tiennent, compte tenu des tensions persistantes entre l'OLP et le Hamas, lequel contrôle Gaza. Le Hamas a participé aux élections législatives de 2006 qui se sont tenues suite au retrait militaire des Israéliens de Gaza. Mais le Hamas ainsi que d'autres groupes radicaux palestiniens rejettent depuis longtemps le processus d'Oslo car il leur semble absurde d'envisager des élections libres sous occupation israélienne. Le Hamas a le pouvoir d'empêcher le vote et a annoncé qu'il le ferait.
De plus, M. Abbas n'a pas abandonné son poste de chef de l'OLP et de leader de sa plus grande composante, le Fateh, qui contrôle toujours la Cisjordanie. Et M. Abbas ne devrait pas démissionner à moins que le président du Conseil législatif palestinien, soutenu par le Hamas, ne prenne sa suite. Dans le même temps, aucun leader de l'OLP ne se présentera à ces élections sans l'accord tacite de M. Abbas, aval qu'il refusera d'accorder tant que l'on ne trouvera pas une solution viable au problème de l'occupation. L'OLP devrait profiter de la décision de M. Abbas parce qu'elle contribue à affaiblir le statut du président de l'Autorité palestinienne et renforce le profil de son poste en tant que chairman du comité exécutif de l'OLP. Ce faisant, cela permettrait l'arrivée d'une nouvelle génération de responsables politiques et surtout une transition au processus post-Oslo.
La vieille garde de l'OLP - des hommes comme Yasser Arafat et M. Abbas, qui ont permis le retour d'exil de l'Organisation de libération avec les accords d'Oslo - a dominé le paysage politique palestinien jusqu'à aujourd'hui. Après leur départ, les leaders palestiniens nés sous l'occupation et qui sont passés par les prisons israéliennes devraient prendre la relève. L'une des principales figures de cette nouvelle génération est Marwan Barghouthi, leader du mouvement étudiant de l'Université de Birzeit dans les années 1980 et l'un des principaux organisateurs de la première intifada, ce qui justifia sa déportation par Israël à la fin des années 1980. Il a été arrêté en 2002 et condamné à la prison à vie, accusé d'avoir organisé la seconde intifada et d'avoir ordonné quelques-unes des attaques militaires.
Bien qu'en prison, M. Barghouthi a récemment été élu au Conseil central du Fateh et il devrait être rejoint par certains de ceux qui ont été emprisonnés par les Israéliens. L'un d'eux est Jibril Rajoub, emprisonné pendant 19 ans, déporté lors de la première intifada et qui est revenu pour prendre en charge les services de sécurité à la suite de la création de l'Autorité palestinienne. Un autre est Mahmoud Dahlan, lui aussi ancien prisonnier et ancien responsable de la sécurité ; mais un grand nombre de Palestiniens le tiennent pour responsable de la perte de Gaza au profit du Hamas, ce qui amoindrit ses chances. Enfin, Nasser al-Qudwa, ancien représentant de l'OLP aux Nations unies, est aussi sur les rangs. M. Qudwa, qui n'a jamais été directement impliqué dans des activités militaires ou de sécurité, pourrait être une figure de compromis à la succession de M. Abbas. Pour de nombreux Palestiniens, M. Qudwa, nationaliste discret et plurilingue (et neveu de Arafat), représenterait une alternative acceptable tant au niveau régional qu'international.
Les mois à venir permettront de savoir si, en effet, une nouvelle ère de la politique palestinienne post-Oslo est sur le point de naître et si un nouveau leader, avec de nouveaux partisans, sera à même de raviver la cause palestinienne. Celui qui l'emportera devra présenter une stratégie efficace pour mettre fin à quarante ans d'occupation militaire et permettre l'avènement d'un État véritablement indépendant qui réunirait sous sa bannière la majorité des Palestiniens.
© Project Syndicate, 2009. Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats.
Seize ans plus tard, il est clair que les Israéliens n'ont fait aucun effort pour s'accommoder des aspirations nationales palestiniennes - et qu'aucun effort n'a été entrepris pour les convaincre. Le nombre de colonies juives illégales implantées sur les territoires palestiniens a doublé et les Palestiniens sont maintenant convaincus que les négociations sont une perte de temps. Beaucoup se rappellent la stratégie envisagée par l'ancien Premier ministre israélien Yitzhak Shamir : « J'aurais entamé des négociations sur l'autonomie pendant dix ans, ce qui nous aurait permis d'installer un demi-million de personnes en Cisjordanie. »
La période d'intérim de cinq ans prévoyait initialement l'élection d'un Conseil législatif palestinien et d'un responsable exécutif que les Israéliens auraient appelé chairman, pour ne pas avoir à utiliser le terme de « président ». Dans la mesure où la langue arabe ne fait pas de distinction entre les termes de « chairman » et de « président », les Israéliens ont accepté l'utilisation du terme arabe de « rayyès » dans les textes officiels en anglais.
Les réfugiés palestiniens en exil et les Palestiniens vivant dans la diaspora n'étaient pas autorisés à voter. Les Palestiniens de Jérusalem-Est n'étaient autorisés à voter qu'à la poste ou dans des cabines situées en dehors des limites de la ville.
Le retrait de M. Abbas ne fait que confirmer l'évidence. Il est peu probable que de telles élections, y compris celle prévue en janvier prochain, se tiennent, compte tenu des tensions persistantes entre l'OLP et le Hamas, lequel contrôle Gaza. Le Hamas a participé aux élections législatives de 2006 qui se sont tenues suite au retrait militaire des Israéliens de Gaza. Mais le Hamas ainsi que d'autres groupes radicaux palestiniens rejettent depuis longtemps le processus d'Oslo car il leur semble absurde d'envisager des élections libres sous occupation israélienne. Le Hamas a le pouvoir d'empêcher le vote et a annoncé qu'il le ferait.
De plus, M. Abbas n'a pas abandonné son poste de chef de l'OLP et de leader de sa plus grande composante, le Fateh, qui contrôle toujours la Cisjordanie. Et M. Abbas ne devrait pas démissionner à moins que le président du Conseil législatif palestinien, soutenu par le Hamas, ne prenne sa suite. Dans le même temps, aucun leader de l'OLP ne se présentera à ces élections sans l'accord tacite de M. Abbas, aval qu'il refusera d'accorder tant que l'on ne trouvera pas une solution viable au problème de l'occupation. L'OLP devrait profiter de la décision de M. Abbas parce qu'elle contribue à affaiblir le statut du président de l'Autorité palestinienne et renforce le profil de son poste en tant que chairman du comité exécutif de l'OLP. Ce faisant, cela permettrait l'arrivée d'une nouvelle génération de responsables politiques et surtout une transition au processus post-Oslo.
La vieille garde de l'OLP - des hommes comme Yasser Arafat et M. Abbas, qui ont permis le retour d'exil de l'Organisation de libération avec les accords d'Oslo - a dominé le paysage politique palestinien jusqu'à aujourd'hui. Après leur départ, les leaders palestiniens nés sous l'occupation et qui sont passés par les prisons israéliennes devraient prendre la relève. L'une des principales figures de cette nouvelle génération est Marwan Barghouthi, leader du mouvement étudiant de l'Université de Birzeit dans les années 1980 et l'un des principaux organisateurs de la première intifada, ce qui justifia sa déportation par Israël à la fin des années 1980. Il a été arrêté en 2002 et condamné à la prison à vie, accusé d'avoir organisé la seconde intifada et d'avoir ordonné quelques-unes des attaques militaires.
Bien qu'en prison, M. Barghouthi a récemment été élu au Conseil central du Fateh et il devrait être rejoint par certains de ceux qui ont été emprisonnés par les Israéliens. L'un d'eux est Jibril Rajoub, emprisonné pendant 19 ans, déporté lors de la première intifada et qui est revenu pour prendre en charge les services de sécurité à la suite de la création de l'Autorité palestinienne. Un autre est Mahmoud Dahlan, lui aussi ancien prisonnier et ancien responsable de la sécurité ; mais un grand nombre de Palestiniens le tiennent pour responsable de la perte de Gaza au profit du Hamas, ce qui amoindrit ses chances. Enfin, Nasser al-Qudwa, ancien représentant de l'OLP aux Nations unies, est aussi sur les rangs. M. Qudwa, qui n'a jamais été directement impliqué dans des activités militaires ou de sécurité, pourrait être une figure de compromis à la succession de M. Abbas. Pour de nombreux Palestiniens, M. Qudwa, nationaliste discret et plurilingue (et neveu de Arafat), représenterait une alternative acceptable tant au niveau régional qu'international.
Les mois à venir permettront de savoir si, en effet, une nouvelle ère de la politique palestinienne post-Oslo est sur le point de naître et si un nouveau leader, avec de nouveaux partisans, sera à même de raviver la cause palestinienne. Celui qui l'emportera devra présenter une stratégie efficace pour mettre fin à quarante ans d'occupation militaire et permettre l'avènement d'un État véritablement indépendant qui réunirait sous sa bannière la majorité des Palestiniens.
© Project Syndicate, 2009. Traduit de l'anglais par Frédérique Destribats.