Sylvain Cypel
Les réactions enregistrées depuis trois jours sont les plus outrées entendues depuis longtemps à Washington, mais elles sont conjoncturelles. L’essentiel se jouera dans le dialogue avec le gouvernement israélien, qualifié par Washington d’"intense" et de "très ouvert", et que l’envoyé spécial américain au Proche-Orient, George Mitchell, reprendra à partir du 12 septembre. Viendront ensuite les conclusions qu’en tirera la Maison Blanche avant que M. Obama ne fasse connaître sa vision de la paix au Proche-Orient.
UNE EXPANSION "ILLÉGITIME"
Pour le moment, la présidence s’est contentée de juger "non conforme" aux engagements de l’Etat juif la décision de M. Nétanyahou d’autoriser des constructions de bâtiments dans les colonies déjà existantes, Jérusalem-Est incluse.
Il s’agit là d’un rappel des obligations inscrites dans la "feuille de route" du Quartet (Etats-Unis, ONU, Union européenne, Russie). Ce document, adopté fin avril 2003, stipule l’arrêt de la colonisation. Israël a officiellement adopté ce texte (avec des réserves), mais il n’a jamais trouvé un début d’application.
Robert Gibbs, porte-parole de la Maison-Blanche, a précisé que "les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la poursuite de l’expansion des colonies et exigent qu’elle cesse". C’est la première fois que cette exigence est formulée en termes aussi abrupts. En aparté, des diplomates américains laissent entendre que la relation américano-israélienne se dégrade. Sous couvert d’anonymat, un officiel du département d’Etat a déclaré à l’agence Associated Press (AP) que la dernière rencontre de M. Mitchell, à Washington, avec l’envoyé spécial du premier ministre israélien, Yitzhak Molcho, qui était accompagné de Michael Herzog, le chef de cabinet du ministre de la défense, définie comme "une bonne rencontre" dans le communiqué officiel, s’est en réalité "mal passée".
Le New York Times évoque "une course vers une collision". Mais beaucoup, aux Etats-Unis, s’interrogent sur la marge de manœuvre dont disposent les deux parties, chacune vis-à-vis de l’autre. Jusqu’où M. Nétanyahou peut-il "tirer sur la corde" sans subir des pressions discrètes mais efficaces (la non-fourniture de certains matériels militaires de pointe, par exemple) ? A l’inverse, compte tenu des difficultés que connaît le président américain sur ses principaux chantiers – réforme de l’assurance-santé et engagement en Afghanistan –, nombre d’analystes jugent que la Maison Blanche préférera reporter ses ambitions de paix israélo-palestiniennes plutôt que de prendre le risque d’un enlisement et de subir un grave échec sur ce dossier.
publié par le Monde