publié le vendredi 26 juin 2009
Pierre Barbancey
Benyamin Netanyahou est à Paris [ce 24 juin], deuxième étape de sa tournée en Europe, débutée hier à Rome. En le recevant, Nicolas Sarkozy ne fait qu’encourager la politique menée par ce premier ministre israélien. D’autant qu’aucune pression n’est exercée sur Israël. Comment en serait-il autrement puisque les capitales européennes, tout comme Washington, n’ont voulu retenir de son discours prononcé il y a dix jours à l’université Bar-Ilan de Tel-Aviv, que son accord à la création d’un État palestinien ? En réalité, Netanyahou a mis des conditions telles que les Palestiniens ont immédiatement dénoncé ce double langage.
aucune concession sur les colonies
Que dit le chef du gouvernement israélien ? Cet État palestinien ne pourra pas posséder d’armée et ne contrôlera ni ses frontières terrestres, ni son espace aérien, ni ses accès maritimes ! C’est ce qu’il appelle « une formule gagnante pour la paix » parce que les Palestiniens « devraient avoir tous les pouvoirs pour se gouverner eux-mêmes mais pas le pouvoir de menacer Israël ».
Les Palestiniens doivent également reconnaître le caractère juif d’Israël, ce qui reviendrait tout bonnement à renoncer au droit au retour des réfugiés, pourtant l’objet d’une résolution des Nations unies. Surtout, pour Netanyahou, les Palestiniens devraient se trouver une autre capitale. Comme il l’a dit lors d’un entretien accordé à la télévision publique italienne, la RAI, « les activités de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est doivent être regardées séparément parce que Jérusalem est une partie inséparable d’Israël ». En réalité, il n’est pas prêt à plus de concessions concernant la colonisation, jouant sur la fausse distinction entre développement des colonies et expansion naturelle visant à tenir compte de l’accroissement « naturel » de la population. Alors qu’en réalité, les plans cadastraux établis par l’administration israélienne d’occupation dans les territoires palestiniens montrent que chaque colonie possède un périmètre très large, souvent encore vide, dont la caractéristique est de toujours toucher le périmètre d’une autre colonie. Ce qui, à terme, permet de créer une continuité territoriale suffisamment importante pour qu’Israël puisse réclamer l’annexion de ces blocs. Ce qui ne l’empêche pas, dans cette même interview, en inversant les rôles, d’être on ne peut plus clair : « Plus nous passons de temps à argumenter à ce propos, plus nous perdons du temps, au lieu d’aller vers la paix ! »
La chose semble donc entendue pour ce dossier, même si, à en croire Franco Frattini, ministre des Affaires étrangères, l’Italie avait l’intention de demander à Netanyahou « un moratoire sur l’expansion de ses colonies existantes », ainsi que « la naissance d’un État palestinien à brève échéance ». Le ministre de Berlusconi tient sa réponse : le ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, vient d’approuver un plan de construction de centaines de maisons dans une colonie sauvage en Cisjordanie occupée. « C’est la deuxième fois au cours des derniers mois que le ministre de la Défense, Barak, approuve l’extension de colonies existantes ou de nouvelles colonies », affirme Alon Cohen-Lifshitz, un responsable de l’ONG israélienne Bimkom. « Cela prouve que Barak n’a pas l’intention de geler la construction dans les colonies existantes, ni même d’empêcher d’en construire de nouvelles », poursuit-il.
Le dossier iranien sur la table
Netanyahou, en revanche, va surtout évoquer le dossier iranien. « Les scènes de violence et de répression de ces derniers jours ont permis d’arracher le masque de ce régime sanguinaire qui n’hésite pas à faire tirer sur des manifestants non armés », a fait dire un conseiller du premier ministre israélien. Comme si, dans le passé, Israël avait pu être gêné de soutenir le régime sanguinaire du shah ou d’armer l’Iran des mollahs (la fameuse Irangate) lors de la guerre contre l’Irak. Ce conseiller vend la mèche. Selon lui, « avec ce qui se passe actuellement en Iran, les mots et les condamnations verbales ne suffisent plus, il faut que le monde se décide à prendre des mesures beaucoup plus dures pour empêcher le régime iranien de se doter de l’arme nucléaire ». Ce qui n’empêche pas le chef du Mossad (les services de renseignements extérieurs israéliens), Meir Dagan, un expert en la matière, de prévenir doctement : « Si le candidat réformiste Moussavi avait gagné, Israël aurait eu un problème beaucoup plus sérieux, parce qu’il aurait eu besoin d’expliquer au monde le danger de la menace iranienne. »