Alors que la solution basée sur deux Etats, israélien et palestinien, semble s'éloigner à la lumière des tensions exacerbées entre les deux protagonistes du conflit, l'Union européenne (UE) aurait proposé une liste de sanctions possibles à adopter contre Tel-Aviv, lors des discussions des ministres des Affaires étrangères de l'UE, lundi dernier à Bruxelles. Ces sanctions seraient évoquées dans l'hypothèse où Israël continuerait à prendre des mesures de nature à remettre en cause la création d'un Etat palestinien viable. Un document préparatoire dont le quotidien israélien Haaretz a obtenu une copie en exclusivité.
Le document est divisé en différents points : "mesures diplomatiques, "relations bilatérales" et "relations avec les Palestiniens".
Parmi les "mesures diplomatiques", il est recommandé d'"insister sur un dialogue formel avec Israël sur les droits de l'Homme", en poursuivant les mesures informelles et le dialogue politique avec Tel-Aviv.
En ce qui concerne les "relations bilatérales", il est question d'"actions qui pourraient ralentir, limiter ou au contraire accélérer et élargir le développement futur des relations bilatérales". Mais est également mise en exergue la politique du zéro contact avec "les colons israéliens, personnalités qui promeuvent la colonisation, et toutes autres personnes rejetant publiquement une solution à deux Etats".
Concrètement, cela pourrait aboutir à un boycott de responsables tels Naftali Bennett, ministre de l'Economie, membre du parti nationaliste religieux et pro-colonisation le Foyer juif, voire même du président israélien Reuven Rivlin, qui n'a jamais caché son hostilité à la création d'un Etat palestinien, souligne le Haaretz.
Notant que parmi les options envisagées figurent des sanctions contre des compagnies européennes opérant au sein de colonies israéliennes en Cisjordanie et Jérusalem-Est", le Haaretz indique que de telles mesures pourraient "faire du tort aux entreprises israéliennes opérant avec des compagnies européennes dans les colonies israéliennes". A titre d'exemple, le quotidien cite le ministère néerlandais des Affaires étrangères qui "recommande" aux entreprises nationales de ne pas mener des projets dans les colonies israéliennes et à Jérusalem-Est.
L'accord de libre-échange entre Israël et l'Union européenne exclut déjà les produits venant des colonies, qui doivent acquitter des droits de douanes, contrairement aux produits en provenance du territoire israélien qui bénéficient de tarifs préférentiels. En mai, l'UE a aussi interdit l'importation de volailles et d'oeufs des colonies juives en Cisjordanie occupée. Selon une source européenne, certains pays européens sont favorables à un étiquetage ou à des restrictions d'importation sur des produits provenant des colonies, mais il n'y a pas unanimité au sein de l'UE.
Sur le volet palestinien, le document préparatoire prévoit un "renforcement du projet d'Etat palestinien", tout en appelant à "continuer ou améliorer le financement européen en coordination avec les Palestiniens et les Israéliens". Il mentionne également un "soutien, ou une non-opposition aux candidatures palestiniennes aux organisations internationales", à condition que les Palestiniens s'abstiennent d'"actions négatives".
Selon des sources diplomatiques européennes haut placées et proches du dossier citées par Haaretz, "le travail sur la question (de possibles sanctions, ndlr) a commencé le 11 septembre". Le comité politique et sécuritaire de l'UE à Bruxelles (formé des ambassadeurs des 28 Etats membres) aurait ainsi demandé au comité d'experts sur le Moyen-orient "de rédiger un brouillon contenant les mesures à prendre afin de répondre aux actes israéliens empêchant une solution à deux Etats", précise Haaretz.
"Refuser tout contact avec les colons israéliens"
Les diplomates européens, cités par Haaretz, affirment que de nombreux Etats membres de l'UE ont œuvré dans le sens des mesures préconisées par le document en raison de l'échec des pourparlers et de la dernière guerre à Gaza. A noter que la Suède a récemment reconnu l'Etat de Palestine, alors que la Grande-Bretagne a voté symboliquement dans ce sens. L'Assemblée nationale française devra se prononcer sur la question le 2 décembre. Les mêmes diplomates soulignent que parmi les Etats qui ont rédigé ce document préparatoire, "nombreux sont ceux considérés comme proches d’Israël", mais "ils se cachent derrière le service extérieur européen".
"Une simple hypothèse technique de travail"
La réponse de l'UE à la polémique ne s'est pas faite attendre. Le jour même de la parution de l'article du Haaretz, l'UE a affirmé qu'elle "s'opposait fermement" à la poursuite de la colonisation dans les territoires palestiniens, tout en refusant toute "sanction" contre Israël.
La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a démenti l'existence d'un tel document. "Il n'existe pas de plan de ce type", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse, en réponse à une question. "J'ai vu un article dans Haaretz qui faisait apparemment référence à un document interne de travail demandé par des Etats membres il y a un certain temps (...) une hypothèse technique", a expliqué Mme Mogherini. "Nos discussions aujourd'hui (lundi dernier, ndlr) ont porté sur comment s'engager de manière positive avec Israël et les Palestiniens pour relancer le processus de paix, pas sur le fait de sanctionner ou d'isoler quiconque", a-t-elle insisté.
Pourtant, pour les diplomates européens interrogés par Haaretz, le document en question est le "signe d'une grande colère et frustration au sein des Etats membres. Récemment, des ministres européens des Affaires étrangères, considérés proches d'Israël, se sont exprimés de manière virulente contre les politiques du gouvernement Netanyahu".
Dans un communiqué publié à l'issue de leur réunion mensuelle à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères ont en outre souligné que "l'UE s'oppose fermement à la récente expropriation de terres à proximité de Bethléem, aux nouveaux projets de constructions" et à "la poursuite des démolitions, y compris de projets financés par l'UE". "Elle engage Israël à revenir sur ces décisions, qui vont à l'encontre du droit international et compromettent directement la solution fondée sur la coexistence de deux États", selon les ministres européens.
Rappelant que ces implantations sont "illégales", l'UE et ses États membres "restent attachés à la mise en oeuvre (...) effective de la législation de l'UE et des accords bilatéraux existants applicables aux produits des colonies".
L'Union européenne "demeure prête à prendre de nouvelles mesures afin de protéger la viabilité de la solution fondée sur la coexistence de deux États", ont ajouté les ministres.
De son côté, l'Etat hébreu a récemment réaffirmé qu'il refusait toute limitation de la colonisation à Jérusalem-Est, dont l'occupation et l'annexion est illégale aux yeux de la communauté internationale. "Nous n'accepterons aucune limitation à la construction dans les quartiers juifs à Jérusalem", a lancé dimanche le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman.