Plus personne ne prend au sérieux les tentatives de « plan de paix » des États-Unis, comme l’illustrent les réunions organisées à Amman.
- Ramallah, le 14 novembre - Un groupe de militants palestiniens brandit des drapeaux palestiniens lors d’une manifestation de solidarité pour Jérusalem - Photo : AA
Pendant ce temps, une scène tristement familière continue de se dérouler de l’autre côté de la rivière, dans les territoires palestiniens occupés : activités coloniales accrues ; tentatives d’éviction des Palestiniens de Jérusalem hors de la ville occupée afin d’en faire une ville juive ; restriction de l’accès aux lieux saints par des millions de musulmans et de chrétiens ; démolition de maisons ; actes de violence arbitraires et étranges ; et 6 000 prisonniers politiques qui croupissent dans les prisons / goulags israéliens.
Sept millions d’entre nous, Palestiniens, sont réfugiés ou déplacés (sur une population de 12 millions). Les territoires nous appartenant dans la Palestine historique représentent désormais à peine 8 % de nos territoires historiques (y compris les cantons qu’on nous a laissés en Galilée, dans le Naqab, à Gaza, à Jérusalem-Est et en Cisjordanie).
Des millions de colons juifs venant d’Europe ou d’autres régions du monde contrôlent désormais 92 % des territoires, plus de 90 % de l’eau, l’ensemble des postes frontière ainsi que toutes les autres ressources naturelles du pays. La dernière attaque d’Israël à l’encontre du peuple assiégé de Gaza a entraîné la mort de 2 170 personnes et en a blessé 10 900 autres. Environ 80 % des victimes sont des civils, dont 519 enfants qui ont trouvé la mort et 2 114 qui ont été blessés.
Au cours de cet assaut génocidaire, John Kerry ne tarissait pas d’éloges à l’égard des colons.
Le sionisme y a vu le jour au cours du XIXe siècle sous la forme d’un mouvement colonial visant à transformer une Palestine multiconfessionnelle et prospère (3 % de juifs à l’époque) en l’État juif d’Israël dans le Levant (EJIL).
Le soutien des pouvoirs occidentaux était et demeure crucial pour l’établissement et le maintien (de plus en plus coûteux) de l’EJIL. Les intentions de John Kerry transparaissent clairement dans ses déclarations ayant pour objectif de soutenir l’EJIL. Mais pas un mot sur les droits des Palestiniens.
Les hommes politiques riches, manipulateurs et sournois peuvent poursuivre leurs jeux macabres dans des villes comme Amman, Washington, Ramallah ou Tel Aviv pendant que des millions de personnes démunies souffrent et continuent de fulminer en essayant de retrouver la liberté.
Deux questions restent en suspens : quand cette situation absurde prendra-t-elle fin, et les réunions telles que celle d’Amman ne servent-elles qu’à prolonger cette agonie et à couvrir les atrocités qui se déroulent actuellement ? Ici, la plupart des gens comprennent que les États-Unis ne peuvent être artisans de la paix alors qu’ils continuent de financer Israël à coups de milliards de dollars chaque année, à l’armer jusqu’aux dents et à le protéger du droit international en utilisant leur droit de véto aux Nations unies contre la volonté de la communauté internationale.
L’Autorité palestinienne (AP), créée par les États-Unis et Israël, est désormais dirigée par des personnes qui se préoccupent davantage de leur emploi que de l’avenir de la Palestine. Ce piège a été créé lors des négociations de 1993 en Norvège (Accords d’Oslo). Depuis ce jour, le nombre de colons israéliens est passé de 180 000 à 650 000 pour la seule Cisjordanie. Et notre vie, celle des derniers Palestiniens, s’est progressivement transformée en un véritable cauchemar.
Le maintien d’un système raciste en Israël a impliqué la création et le soutien d’un système éducatif et social qui pousse de plus en plus la population vers des extrêmes. Cette évolution permet de mieux comprendre, entre autres choses, pourquoi des mosquées sont incendiées et des civils attaqués arbitrairement en toute impunité.
Un ancien membre de la Knesset israélienne, Avraham Burg, l’a clairement compris à la fin de sa carrière. Il a récemment écrit dans Haaretz :
« Voici le Premier ministre superficiel d’Israël et les policiers empotés, et le peuple qui se raccroche à des prières futiles et non à un moment de paix pour les Hommes. Voici les grands rabbins hypocrites qui, il y a un mois à peine, exigeaient des promesses de la part du Pape quant à l’avenir du peuple juif, mais qui passent chaque jour sous silence le destin du peuple, de nos voisins soumis à la pression de l’occupation et du racisme sous l’égide de rabbins qui perçoivent des salaires et des avantages exorbitants...Nous sommes incapables de comprendre la souffrance d’une société entière, son cri, et l’avenir d’une nation que nous avons pris en otage. »
Des documents rendus publics confirment désormais l’analyse de nombreux auteurs qui affirmaient depuis longtemps que dès la fin de la guerre de 1973, les dirigeants de l’OLP, y compris Mahmoud Abbas (Fatah) et Nayef Hawatmeh (Front démocratique pour la libération de la Palestine, FDPLP) étaient avides d’obtenir une résolution qui est loin de garantir les droits primaires des Palestiniens en échange de la promesse du droit à l’autodétermination.
Il est des positions inflexibles qui excluent même d’en arriver à ces positions opportunistes où l’on cède 78 % des territoires de la Palestine historique pour se contenter de ce qu’un représentant américain qualifiait en 1973 d’« entité croupion » et que l’on désigne désormais communément sous le nom d’Autorité palestinienne dans certaines parties de la Cisjordanie et de Gaza. L’un des principaux obstacles est la « relation privilégiée et durable » existant entre Israël et les États-Unis mentionnée par John Kerry et façonnée pour de nombreuses décennies de lobbying sioniste permanent à Washington.
Mais de plus en plus de personnes extérieures au cercle fermé des hommes politiques s’expriment en faveur des droits des Palestiniens. La plupart des gens savent que les négociations entre occupés et occupants ne mèneront nulle part puisque quelque chose cloche.
Chaque année, Israël empoche 12 milliards de dollars grâce à l’occupation et ce, sans compter les milliards provenant des contribuables américains ni ceux issus de la vente d’armes estampillées « testées sur le terrain » (sur les cobayes de Gaza).
La liberté n’est jamais accordée gratuitement aux personnes opprimées par leur oppresseur qui est en position de force. Elle doit être arrachée et exigée dans la douleur et le sacrifice. La résistance interne doit être complétée par un soutien extérieur, comme par exemple les campagnes de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) qui gagnent actuellement en importance.
Nombreux sont ceux qui espèrent que les hommes politiques prendront des initiatives et des mesures afin d’instaurer des changements positifs, mais la plupart d’entre nous sont conscients que c’est au peuple de faire le premier pas pour modifier le cours de l’Histoire.
De nombreux étrangers se montrent solidaires puisque la Palestine constitue aujourd’hui un centre de cristallisation de l’hypocrisie et du racisme, à l’instar de l’Afrique du Sud dans les années 1980.
Les plupart des personnes comprennent désormais que si les droits de l’Homme et le droit international ne sont pas respectés de manière uniforme, le « Moyen-Orient » (Asie occidentale) et le monde entier risquent de persister sur la voie du chaos et des massacres en application du principe « la raison du plus fort est toujours la meilleure ».
Chacun d’entre nous doit continuer à lutter pour emprunter un chemin différent, celui de la justice et de la cohabitation. Pendant ce temps, faisons en sorte que ce théâtre politique de l’absurde se déroule sans spectateurs, à Amman et partout ailleurs.
* Mazin Qumsiyeh est l’auteur de « Sharing the Land of Canaan » et de « Une histoire populaire de la Résistance palestinienne ». Il enseigne au sein de l’université de Bethléem et dirige le Musée Palestine d’Histoire Naturelle.